Le seul terminal pétrolier du pays, géré par TotalEnergies Congo (filiale de l’entreprise pétrolière française TotalEnergies), se situe dans le village de pêcheurs de Djeno. Un terminal pétrolier permet de recevoir, de traiter et de stocker du pétrole brut provenant de différents sites avant de l’envoyer vers les raffineries dans des camions-citernes ou par l’intermédiaire d’oléoducs. Le terminal pétrolier de Djeno traite plus de 95 % de la production de pétrole brut de la République du Congo (soit environ 257 000 barils de pétrole par jour en 2022).
Les habitant·e·s de Djeno ont dénoncé l’impact du terminal pétrolier sur leurs droits économiques, sociaux et environnementaux depuis sa construction en 1972. Au fil des ans, les populations locales, ainsi que des ONG et des scientifiques, ont signalé que des déversements de pétrole brut polluaient le sol et l’eau dans la lagune de Loubi, dont les populations locales dépendent pour leur subsistance. En effet, depuis les déversements de pétrole, les habitant·e·s expliquent que la quantité de poisson dans la lagune a chuté et que les poissons restants sont de piètre qualité. Le poisson constituait auparavant la principale source de nourriture et de revenus pour la population locale, et de nombreuses personnes n’ont d’autre choix que de continuer de le manger.
TotalEnergies Congo ne s’est jamais exprimée publiquement sur ces déversements, ni sur de quelconques mesures prises pour y remédier. Excédée par le manque de transparence et d’action de la part de l’entreprise, une ONG appelée Association Jeunesse pour la Vie du Kouilou (AJVK) l’a attaquée en justice en 2016. En 2019, le tribunal a condamné TotalEnergies à verser des dommages et intérêts de 85 000 dollars des États-Unis environ pour « préjudice moral », ainsi que 250 000 dollars des États-Unis pour dégradation de l’environnement à l’association locale ayant porté plainte. L’entreprise a également été condamnée à reprendre les opérations de nettoyage dans la lagune de Loubi et à restaurer l’écosystème détruit par les déversements. Le 28 février 2020, la Cour d’appel de Pointe-Noire a suspendu l’application du jugement initial. Le président d’AJVK est décédé en 2021, et à ce jour personne n’a repris l’affaire.
Si des opérations de nettoyage ont bien eu lieu en 2020, la population de Djeno affirme qu’elles n’ont pas été effectuées correctement. Les autorités environnementales de Pointe-Noire ont affirmé que le nettoyage avait été réalisé conformément à la procédure, mais ont également signalé qu’il restait du pétrole brut dans certaines zones couvertes de hautes herbes. Elles ont déclaré avoir demandé à l’entreprise de reprendre les opérations de nettoyage dans ces zones, mais à ce jour, Amnesty International n’a obtenu aucune preuve de cette demande.
D’après TotalEnergies, deux laboratoires différents ont analysé l’eau de la lagune en 2021 et l’ont déclarée de « bonne qualité ». L’entreprise avance également que le manque de poisson peut être lié à d’autres facteurs, tels que la présence d’autres industries dans la même zone ou la pêche industrielle. Cependant, les populations locales continuent d’affirmer que le poisson a désormais un goût de pétrole et qu’en manger peut entraîner des problèmes digestifs et des diarrhées.