Nadjo Kaïna Palmer et Bertrand Solloh : même voix, même combat pour le respect des droits humains au Tchad

L’un a débuté son engagement à l’Union des jeunes chrétiens du Tchad, l’autre militait pour le respect du droit des étudiants. Leurs chemins se sont justement croisés à l’Union nationale des étudiants du Tchad (UNET) où ils défendaient les droits des étudiants.

Aujourd’hui, leur activisme est scellé autour du mouvement ‘’Iyina’’. Parcours presque identique de deux jeunes activistes, Nadjo, 28 ans et Bertrand, 29 ans, qui ensemble, surmontent pressions, arrestations arbitraires, détentions au secret, et poursuivent, malgré tout, leur combat pour le respect des droits humains au Tchad.

Chapeau rouge vissé sur la tête, sourire amusé, Nadjo Kaina Palmer, 28 ans, ne connait pas le goût de la jeunesse insouciante ou dorée. Et pour cause, son engagement contre l’injustice au Tchad, son pays, et cette obsession depuis ses 19 ans : défendre la voix des sans voix.

Armé d’une grande force de conviction, Nadjo est élu en 2008 secrétaire exécutif de l’Union des jeunes chrétiens du Tchad. Deux ans plus tard, il intègre le Rotaract club de Ndjamena, un club service qui regroupe des jeunes de 18 à 30 ans.

Je n’ai pas peur de dire ce que je pense

Nadjo Kaina Palmer, activiste Tchadien

Après avoir passé le concours d’entrée dans l’armée de l’air en 2010, Nadjo est admis pour devenir aviateur boursier, mais voit le nom d’une autre personne figurer sur la liste. Cela ne brisera pas son moral puisqu’il décide d’aller s’inscrire à l’université de Moundou, la deuxième ville du Tchad. S’offre alors à lui la possibilité de défendre les droits des étudiants. « Je n’ai pas peur de dire ce que je pense », dit celui qui deviendra le président national de l’Union nationale des étudiants du Tchad (UNET) en 2015.

A l’UNET, Nadjo rencontre Bertrand Solloh, étudiant inscrit à l’université de Ndjamena, la capitale Tchadienne. Lorsque Nadjo sera pour la première fois arrêté en août 2015, Bertrand était en première ligne, faisant campagne pour sa libération. Accusé de troubles à l’ordre public, de faux et usage de faux, Nadjo sera relaxé lors de son procès la même année.

Passées les difficultés pour faire libérer son camarade Nadjo, Bertrand est renvoyé de l’université fin 2015, alors qu’il avait pourtant validé quatre sur les cinq modules exigés. ‘’C’est le prix de l’engagement,’’ dira-t-il plus tard quand il explique les raisons de son exclusion.

Désormais exclus de l’université, les deux activistes créent avec d’autres jeunes en décembre 2015, le mouvement « Iyina » qui signifie en arabe « ça suffit ». Depuis la création de ce mouvement, ils connaitront successivement ‘’l’asphyxie économique’’ visant à les rendre vulnérables et les faire changer de camp, les menaces, et la surveillance par l’Agence nationale de sécurité (ANS).

Le 15 avril 2016, Bertrand Solloh, est arrêté par des agents de l’ANS alors qu’il se rend à un rendez-vous avec un journaliste. Nadjo le sera également. Il avait lancé un appel lors d’une conférence de presse pour l’organisation d’une journée ‘’Iyina’’ pour « dire non à la mauvaise gouvernance, à l’impunité et à l’humiliation ». Ensemble, ils sont détenus au secret, sans accès à leur avocat et à leur famille.

Le 15 avril 2016, Bertrand Solloh, est arrêté par des agents de l'ANS alors qu’il se rend à un rendez-vous avec un journaliste.
Le 15 avril 2016, Bertrand Solloh, est arrêté par des agents de l'ANS alors qu’il se rend à un rendez-vous avec un journaliste.

Pendant leur détention à l’ANS, Nadjo Kaina Palmer et Bertrand Solloh ont été maltraités et torturés par asphyxie avec des sacs en plastique contenant du piment, et par noyade avec des jets d’eau à forte pression. Le procureur de la République les avait inculpés pour « tentative de complot » et « provocation à l’attroupement ». Ils ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis.

Mais cela n’a pas dissuadé Nadjo et Bertrand à poursuivre leur combat. Côte à côte, ils continuent de clamer haut et fort que réclamer la justice et la liberté ne saurait constituer ni au Tchad ni ailleurs un crime. ‘’Si on quitte le Tchad un jour c’est peut-être pour étudier [dans des universités] mais pas pour abandonner,’’ disent-ils avec détermination.