De l’importance de la santé des femmes

À l’occasion de la Journée internationale d’action pour la santé des femmes le 28 mai, Paul Hunt, ancien expert des Nations unies sur le droit à la santé, nous parle d’une jeune fille qui a particulièrement inspiré son travail.

Il y a environ 10 ans, je me suis rendu dans le nord de l’Ouganda qui, à l’époque, était toujours une zone de conflit. Accompagné de soldats, je suis sorti des sentiers battus et je suis arrivé à un camp de fortune pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays.

Dans ce camp, j’ai rencontré une personne symbolisant la profonde injustice qui émerge lorsque le droit à la santé est bafoué. Elle avait environ 14 ans et était assise devant la cabane où elle vivait avec sa famille. Certains de ses membres étaient énormes et complètement disproportionnés par rapport au reste de son corps. Elle souffrait d’une grave maladie provoquant d’importantes déformations physiques, la filariose lymphatique, communément appelée éléphantiasis.

Elle m’a expliqué qu’elle était allée à l’école pendant un temps, mais qu’elle avait subi des moqueries et des brimades. Ne supportant plus les insultes, elle a quitté l’école. Cette adolescente a été victime de nombreuses atteintes à ses droits humains, à savoir les droits à la santé, à l’éducation et à l’égalité.

En vertu du respect des droits humains, il incombe aux gouvernements du Nord comme du Sud de lutter contre ces atteintes. L’industrie pharmaceutique a également le devoir, au regard des droits humains, de ne pas négliger les maladies liées à la pauvreté.

Elle souffrait d'une grave maladie provoquant d’importantes déformations physiques.

Paul Hunt, ancien expert des Nations unies sur le droit à la santé

« Maladies négligées »

La jeune fille que j’ai rencontrée en Ouganda souffrait d’une « maladie négligée ». Ces maladies négligées touchent surtout les populations négligées. Elles sont source de grandes souffrances pour des centaines de millions de personnes, et sont « négligées » parce qu’elles n’ont jamais attiré beaucoup de recherche et de développement.

J’ai découvert l’existence des maladies négligées il y a 25 ans. J’étais dans une bibliothèque de Genève, je m’en souviens parfaitement. Cette injustice m’a profondément consterné et m’a donné l’envie de pouvoir un jour faire quelque chose pour lutter contre ces maladies.

Paul Hunt, ancien expert des Nations unies sur le droit à la santé.
Paul Hunt, ancien expert des Nations unies sur le droit à la santé.

 Plusieurs années plus tard, j’ai été nommé rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la santé et j’ai commencé à étudier les pays du point de vue du droit à la santé pour comprendre ce qui s’y passait.

Cette analyse du point de vue du droit à la santé est un outil puissant. Elle met en évidence les désavantages, l’injustice profondément ancrée et les inégalités. En tant que rapporteur, je me suis positionné dans cette perspective de droit à la santé et j’ai examiné certains pays. Et c’est là que je les ai trouvées, ces maladies négligées.

Avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), j’ai commencé à les traiter comme un problème relevant des droits humains. Dès que j’en avais la possibilité, j’écrivais sur le sujet et j’en parlais, aux Nations unies et au-delà.

Ces maladies négligées touchent surtout les populations négligées. Elles sont source de grandes souffrances pour des centaines de millions de personnes.

Paul Hunt

28 mai 2015

L’importance de la Journée internationale d’action pour la santé des femmes réside dans le mot action. Les droits humains doivent aller au-delà des simples lois et devenir réalité dans les cliniques et les hôpitaux, dans les systèmes de santé et pour les populations.

Nous ne pouvons atteindre cet objectif sans collaboration entre les différentes disciplines et les différents secteurs. Les professionnels de la santé et les militants des droits humains doivent unir leurs efforts et apprendre les uns des autres. En travaillant ensemble, nous pouvons lutter contre les maladies négligées, construire des systèmes de santé et assurer l’accès aux services de santé pour tous.

L’accès aux informations et aux services relatifs aux moyens de contraception est crucial pour le droit à la santé. L’accès à ces services doit être garanti aux personnes non mariées, aux femmes qui ne sont pas satisfaites de la méthode de contraception qu’elles utilisent et aux groupes défavorisés qui sont souvent victimes de discriminations de la part des professionnels de la santé.

En travaillant ensemble, nous pouvons lutter contre les maladies négligées, construire des systèmes de santé et assurer l'accès aux services de santé pour tous.

Paul Hunt

La Journée internationale d’action pour la santé des femmes peut contribuer à la création de cette collaboration essentielle dont dépend le droit à la santé, lequel inclut notamment l’accès équitable et impartial à la contraception.

Lorsque je suis confortablement assis dans une réunion sur les droits humains, déconnecté de la réalité de celles et ceux qui vivent dans la pauvreté, j’essaie de me souvenir de cette jeune fille que j’ai rencontrée dans le camp de personnes déplacées dans le nord de l’Ouganda.

Nous ne devons pas oublier que le droit à la santé a un rôle majeur à jouer. Lorsque le droit à la santé est incorporé dans les politiques, il contribue à l’amélioration de la santé de nombreuses personnes et populations.

PASSEZ À L’ACTION

En signe de solidarité avec les milliers de femmes et de jeunes filles militant pour les droits humains dans le monde, Amnesty s’est associée au Réseau mondial des femmes pour les droits reproductifs. Aujourd’hui, nous vous demandons de défendre vos droits sexuels et reproductifs, notamment le droit à la santé, et de signer le manifeste Mon corps, mes droits.

Le manifeste Mon Corps, mes droits […] intègre certains éléments essentiels du droit à la santé, qui représentent parfois une question de vie ou de mort, littéralement pour des millions de personnes.

Paul Hunt