Thaïlande. La crainte de nouveaux homicides illégaux coïncide avec le retour de Thaksin Shinawatra

Alors que l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra rentre d’exil pour répondre d’accusations de corruption en Thaïlande, Amnesty International appelle le gouvernement thaïlandais à mettre fin à un autre héritage de l’ancien Premier ministre : les homicides illégaux commis dans le cadre de « la guerre contre la drogue ».

Au moins 2 500 personnes ont été tuées entre février et mai 2003 dans le cadre de la campagne lancée par le Premier ministre de l’époque, Thaksin Shinawatra, pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Les conclusions d’une commission spéciale créée par le gouvernement militaire en 2007, rendues publiques récemment, ont pourtant montré que parmi ces victimes plus de mille personnes n’avaient que peu, voire pas, de lien avec le trafic de stupéfiants. En dépit de ces conclusions, ainsi que de preuves écrites montrant que de hauts responsables gouvernementaux avaient donné comme instruction de recourir à des méthodes brutales pour mener cette campagne, pas un seul responsable du gouvernement ou de la police n’a eu à répondre des homicides perpétrés en 2003.

« Il est presque inconcevable qu’un tel nombre d’homicides ait pu avoir lieu sans qu’il y ait de poursuites, surtout après qu’une commission gouvernementale eut établi qu’au moins mille victimes étaient totalement innocentes, a déclaré Catherine Baber, directrice du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. L’impunité à cette échelle montre à quel point le gouvernement thaïlandais accorde peu de valeur aux principes du droit ou à la vie de ses citoyens. »

Amnesty International craint que cinq ans après la première « guerre contre la drogue », le Premier ministre Samak Sundaravej ne prépare une nouvelle campagne contre le trafic de stupéfiants pouvant donner lieu à de nouveaux homicides extrajudiciaires de la part des forces de sécurité. En février 2008, le Premier ministre Samak Sundaravej a déclaré : « Une fois la répression [contre le trafic de stupéfiants] enclenchée, des exécutions auront lieuil arrive qu’il y ait des exécutions extrajudiciaires. »

Non seulement cette déclaration rappelle le caractère « musclé » de la lutte contre la drogue menée par le gouvernement de Thaksin Shinawatra, lorsque des listes noires et des objectifs mensuels faisaient partie de la politique officielle de diminution du nombre de trafiquants, mais elle est aussi le signe que le Premier ministre est en train de préparer les Thaïlandais à une nouvelle vague d’homicides illégaux. Elle s’apparente à une tentative cynique de désamorçage des critiques nationales et internationales. De tels propos sont le signe également d’une acceptation troublante d’un comportement illégal et du recours excessif à la force de la part des autorités de l’État, et de l’absence totale de volonté politique d’empêcher ces homicides illégaux.

« Le Premier ministre prépare une nouvelle guerre contre la drogue, comme si les crimes contre l’humanité qui ont peut-être été commis ne suffisaient pas, a déclaré Catherine Baber. Même si le Premier ministre a ajouté que les policiers responsables d’homicides illégaux auraient à répondre de leurs actes, ces assurances sonnent creux au vu du bilan dans ce domaine à ce jour », a conclu Catherine Baber.

Depuis plusieurs années, Amnesty International s’inquiète du nombre de personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants tuées par les forces de sécurité en Thaïlande. L’organisation demande au gouvernement thaïlandais d’adresser immédiatement un message à tous les responsables de l’application des lois leur signifiant que la force meurtrière ne peut être employée que lorsque cela est strictement inévitable pour protéger des vies humaines. Les autorités thaïlandaises doivent ouvrir immédiatement des enquêtes indépendantes et impartiales sur tous les homicides extrajudiciaires de 2003 et veiller à ce que tout nouvel effort entrepris pour lutter contre le trafic de stupéfiants se fasse dans le respect des droits humains et des principes du droit.