Royaume-Uni/États-Unis. Les révélations sur les vols secrets via Diego Garcia soulignent la nécessité d’une enquête approfondie

L’annonce par le gouvernement du Royaume-Uni d’investigations supplémentaires sur les allégations d’utilisation du territoire britannique pour des vols secrets opérés dans le cadre du programme de « restitutions » des États-Unis ne saurait remplacer la tenue d’une enquête exhaustive et indépendante sur toute autre implication britannique dans ce programme, a déclaré Amnesty International après que les gouvernements américain et britannique eurent reconnu qu’à deux reprises des avions transportant des détenus transférés secrètement avaient fait escale à Diego Garcia en 2002.

« Comme l’a reconnu le gouvernement britannique, la révélation de l’utilisation de la base de Diego Garcia par des avions américains participant aux transferts secrets de détenus contredit les assurances et démentis qu’il avait donnés à plusieurs reprises à ce sujet, a déclaré ce vendredi 22 février Claudio Cordone, directeur de programme au sein d’Amnesty International. Ces révélations soulignent la nécessité de mener une enquête approfondie sur les pratiques des États-Unis en matière de détention et de “restitution” et sur toute participation ou complicité des pays européens. »

« Les gouvernements européens doivent maintenant reconnaître que s’en tenir aux assurances données par les États-Unis au sujet des “restitutions” ne constituait pas une réponse appropriée à une pratique illégale. Le fait que l’utilisation de la base de Diego Garcia ait été reconnue doit inciter à l’action tous les pays européens et les conduire à mener des enquêtes approfondies et indépendantes. Les gouvernements doivent suivre les appels lancés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen. Ils doivent aussi prendre immédiatement des mesures pour empêcher qu’une telle pratique ne se reproduise. »

Les « restitutions » se sont traduites par l’enlèvement de personnes, le transfert illégal de détenus, des disparitions forcées, des actes de torture et des détentions secrètes. Il s’agit là de violations du droit international relatif aux droits humains et de la législation nationale. Amnesty International a appelé à de nombreuses reprises les autorités britanniques à mener une enquête indépendante sur toute participation du Royaume-Uni à cette pratique des « restitutions ».

Le fait que les autorités britanniques reconnaissent avoir induit en erreur le Parlement, les instances internationales et la population, et l’intention déclarée du gouvernement d’enquêter sur d’autres vols secrets constituent des pas positifs.

Les autorités britanniques doivent à présent mener une enquête approfondie, détaillée et indépendante sur tous les vols d’avions affrétés par la CIA ayant atterri sur le territoire britannique ou ayant traversé l’espace aérien britannique. Elles doivent également enquêter sur toute autre implication dans ces « restitutions », notamment sous forme de transmission d’informations à des services de renseignements étrangers.

Les autorités doivent chercher à obtenir des États-Unis toutes les informations concernant le traitement réservé aux deux détenus qui se trouvaient à bord des avions qui ont fait escale à Diego Garcia en 2002, et leur situation actuelle ; il leur faut également revoir leur position quant au fait que les données sur les vols atterrissant à Diego Garcia ne sont pas conservées.

« Il y a longtemps que tout devrait avoir été révélé, a déclaré Claudio Cordone. L’information au compte-gouttes sur le programme de détentions et de “restitutions” des États-Unis et les révélations qui ne cessent d’arriver sur la possible implication d’autres gouvernements montrent qu’il y a un besoin criant de transparence et qu’il est temps que chacun prenne ses responsabilités. »

L’organisation appelle également le Royaume-Uni et les autres gouvernements européens, dont des responsables ont été impliqués dans des « restitutions », à poursuivre en justice quiconque peut raisonnablement être soupçonné de responsabilité dans des atteintes aux droits humains, notamment des crimes de droit international tels que des actes de torture ou des disparitions forcées. Elle leur demande de veiller à ce que les services de renseignements aient à répondre de leurs actes ; de faire en sorte que toutes les victimes obtiennent rapidement des réparations appropriées, et de prendre des mesures efficaces pour empêcher toute nouvelle implication dans des « restitutions ».

Complément d’information

Depuis février 2007, Amnesty International a eu plusieurs échanges de correspondance avec les ministres des Affaires étrangères britanniques (le ministre actuel et son prédécesseur) pour demander qu’une enquête soit ouverte sur les vols secrets d’avions affrétés par la CIA ayant atterri à Diego Garcia en 2002. Amnesty International s’est déjà également inquiétée de la non-conservation des données sur les vols à destination et en partance de Diego Garcia.

La précédente ministre des Affaires étrangères, Margaret Beckett, avait déclaré à Amnesty International que le gouvernement britannique avait reçu l’assurance de responsables américains en octobre 2006 que Diego Garcia n’avait à aucun moment été utilisé pour le transfert de détenus et qu’aucun détenu n’avait transité par son espace aérien. Margaret Beckett avait également informé l’organisation que le Royaume-Uni ne conservait pas les données concernant les mouvements d’avions à Diego Garcia. L’actuel ministre des Affaires étrangères, David Miliband, a tenu les mêmes propos à l’organisation en octobre 2007, ajoutant que le gouvernement britannique s’était satisfait des assurances données par les États-Unis.

Le rapport de juin 2007 de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme du Conseil de l’Europe faisait observer que les informations se rapportant à l’usage supposé de Diego Garcia par les États-Unis dans le cadre de leur programme de « restitutions »  étaient « suffisamment sérieuses pour exiger des enquêtes supplémentaires ». La Commission n’était cependant « pas en mesure de procéder à des analyses suffisantes pour parvenir à des conclusions définitives », en partie à cause du fait que le gouvernement du Royaume-Unis’était « empressé d’accepter des “assurances” […] de la part des autorités américaines, sans jamais avoir procédé lui-même à des vérifications indépendantes et transparentes, ou sans rendre compte au public de manière suffisamment approfondie ».