Les États ne contrôlent pas les mouvements d’armes à destination de responsables d’atteintes aux droits humains

Les États ne contrôlent pas de manière satisfaisante le transport international des armes à l’origine de graves violations des droits humains, a déclaré Amnesty International lundi 19 juillet. Dans un nouveau rapport, l’organisation attire l’attention sur la possibilité qu’ont des sociétés de transport enregistrées en Chine, aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni et en Russie – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – d’acheminer des armes classiques et des munitions vers des pays où elles risquent d’être utilisées pour commettre des atteintes aux droits fondamentaux et des crimes de guerre. « Le laxisme des contrôles dont profitent les transporteurs maritimes et aériens, dont le volume de transactions d’armes classiques à travers le monde ne cesse de croître, n’est pas uniquement l’apanage des États où la législation relative à l’importation et à l’exportation des armes est peu développée », a expliqué Brian Wood, responsable de la campagne Contrôlez les armes pour Amnesty International. « S’il veut sauver des vies et protéger les droits humains, le traité sur le commerce des armes en cours de négociation aux Nations unies doit aborder la question du rôle des transporteurs et d’autres intermédiaires dans la chaîne d’approvisionnement en armes, et non se contenter d’indiquer la teneur souhaitée des procédures d’octroi de licences d’importation et d’exportation qui sont établies par les États. » Le Rapport sur le contrôle du transport dans le traité sur le commerce des armes a été lancé à New York, alors qu’a repris la première session des délibérations des Nations unies sur le contenu du projet de traité sur le commerce des armes. Il montre que des livraisons internationales d’armes, effectuées récemment par des transporteurs aériens et maritimes enregistrés dans les cinq États membres du Conseil de sécurité des Nations unies et au moyen de navires immatriculés dans des États européens, présentent un risque substantiel que les armes transportées servent à favoriser des violations graves du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Parmi les exemples illustrant ce rapport figurent des cargaisons d’armes à sous-munitions et de leurs éléments qui ont été transportées entre mars 2008 et février 2010 depuis la Corée du Sud vers le Pakistan et qui étaient destinées à l’armée pakistanaise. Elles ont été acheminées dans des navires sous pavillon britannique et gérées par des sociétés de transport britanniques et allemandes. Ces livraisons ont été effectuées malgré l’engagement du Royaume-Uni et de l’Allemagne d’interdire totalement le transfert et l’utilisation des armes à sous-munitions. Le rapport cite également l’exemple de pièces de mitrailleuses et de canons antiaériens expédiées en septembre 2008 à bord d’un vol passager régulier assuré par Air France, au départ de Sofia, en Bulgarie, et à destination de l’aéroport Charles de Gaulle, à Paris. La cargaison a ensuite été acheminée par avion à Nairobi, la destination finale mentionnée sur les documents de transport étant Kigali. Il existait un risque substantiel et évident de détournement de ces pièces de mitrailleuses et de canons antiaériens achetées par le gouvernement rwandais. Ce type d’armes a été utilisé lors des combats qui ont sévi en République démocratique du Congo, entraînant le déplacement de plus de 220 000 personnes et la perpétration de violations graves des droits humains. Les gouvernements bulgare, français et kenyan, qui ont autorisé l’exportation et le transit de cette cargaison d’armes via leur territoire se sont montrés incapables d’empêcher le transfert. Le rapport présente trois ensembles de normes fondamentales qui devraient être inclus dans le traité sur le commerce des armes pour que chaque État soit tenu de réglementer le transport des armes, des munitions et des équipements liés : (i) via son territoire ou espace aérien ; (ii) par les prestataires de transport d’armes opérant depuis les territoires relevant de sa compétence ; et (iii) dans les navires et avions immatriculés sur son territoire. Il montre que, en incorporant une évaluation du risque de mauvaise utilisation ou de détournement d’un transfert d’armes, ces normes destinées aux transporteurs peuvent prévenir le déplacement physique d’armes dès lors qu’il existe un réel danger qu’elles soient utilisées par des États ou des groupes armés pour commettre de graves violations du droit international. Complément d’informationLe Rapport sur le contrôle du transport dans le traité sur le commerce des armes repose sur de nouveaux travaux de recherche réalisés par Amnesty International, l’International Peace Information Service (www.ipisresearch.be) et TransArms, centre de recherche sur la logistique des transferts d’armes (https://transarms.org). Parmi les prestataires de transport figurent les sociétés qui détiennent ou exploitent des navires, des avions et d’autres véhicules, ainsi que les agents et courtiers maritimes, les transitaires et les affréteurs qui participent à l’organisation du transfert des cargaisons d’armes. L’Assemblée générale des Nations unies a chargé la Conférence pour un traité sur le commerce des armes et son Comité préparatoire d’élaborer un instrument international établissant « les normes internationales communes les plus strictes possibles pour le transfert des armes classiques ». La première réunion du Comité préparatoire de la Conférence des Nations unies pour un traité sur le commerce des armes se tient au siège des Nations unies, à New York, du 12 au 23 juillet 2010. Il s’agit de la première session officielle des délibérations sur le contenu du projet de traité. Le Comité préparatoire se réunira encore trois fois en 2011 et 2012 avant que ne s’ouvre une conférence de négociation du traité, prévue pour 2012.