Le changement climatique n’est pas seulement la plus grande urgence environnementale de notre temps, c’est aussi une crise des droits humains sans précédent.

Il en menace un large éventail, y compris les droits à l’eau, à la santé et à la vie elle-même. La crise climatique exacerbe les inégalités structurelles et la discrimination. C’est pourquoi l’économie mondiale doit s’affranchir des énergies fossiles et s’orienter vers des sources d’énergie renouvelable.

Mais cette transition risque également de porter préjudice aux droits humains et à l’environnement, car elle repose sur une très forte augmentation de l’extraction de métaux et de minerais. Si les entreprises minières et leurs clients poursuivent leurs pratiques, cela pourrait aggraver les atteintes aux droits humains des populations en première ligne, notamment les populations autochtones, et entraver la voie vers un avenir durable et juste.

Il est temps d’agir pour assurer une transition énergétique véritablement propre et verte, axée sur le respect des droits humains.

Le changement climatique est la plus grande urgence environnementale de notre époque. C’est également une crise des droits humains sans précédent qui entrave nos droits à l’eau, à la santé et même à la vie.

Qu’est-ce que la transition énergétique ?

Les industries et les gouvernements prennent déjà des mesures pour se tourner vers les énergies renouvelables.

Au cœur de ce changement figure un désengagement des énergies fossiles et une augmentation massive du recours aux batteries rechargeables pour alimenter les véhicules électriques et aux unités de stockage d’énergie renouvelable.

Le cobalt, le cuivre, le nickel et le lithium sont des composants essentiels des batteries de voitures et bus électriques.

Ces batteries servent également largement au fonctionnement des appareils électroniques portables, comme les téléphones mobiles, les ordinateurs portables, les appareils photo et les outils électriques.

D’ici 2030, pour répondre à la demande, le monde aura probablement besoin d’au moins deux fois plus de nickel, huit fois plus de manganèse et dix fois plus de cobalt et de lithium que les quantités actuellement produites.

Cependant, les recherches d’Amnesty International montrent que l’extraction de ces matières premières menace les droits humains.

Les États, les entreprises, les investisseurs et les consommateurs ont l’occasion de s’engager pour une transition vers les énergies renouvelables qui protège et respecte véritablement les droits humains et l’environnement.

La production de batteries nécessite des ressources naturelles comme le cobalt, le cuivre, le nickel et le lithium. Souvent, l’extraction de ces matières premières menace les droits humains.
Modules de batteries au lithium exportés vers les marchés européen et américain, à Nantong, dans la province du Jiangsu, en Chine.

Comment la transition énergétique affecte-t-elle les droits humains ?

Les batteries au lithium qui alimentent nos appareils électroniques et nos voitures contiennent des minerais comme le lithium, le cobalt et le nickel. Actuellement, leur fabrication est loin d’être éthiquement « propre » ou « verte » comme elle devrait l’être.

Par exemple, les nombreuses années de pratiques industrielles mal réglementées ont eu des conséquences néfastes pour les populations d’Amérique du Sud, d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe.

En République démocratique du Congo, des personnes sont expulsées de force de leur domicile et de leurs terres agricoles pour laisser la place à l’expansion des mines industrielles de cobalt et de cuivre. Des enfants âgés de seulement sept ans sont forcés à creuser à la recherche de minerais dans des mines artisanales, tandis que les bas salaires et les conditions dangereuses sont la norme.

Dans le Salar d’Atacama, une zone qui s’étend sur le Chili, l’Argentine et la Bolivie, l’extraction de lithium et de cuivre risque de porter atteinte aux droits des populations autochtones et de compromettre leurs ressources en eau et les écosystèmes fragiles dont elles dépendent pour assurer leurs moyens de subsistance, leurs cultures et leur droit à l’auto-détermination.

À travers le monde, la mauvaise réflexion quant à la conception et au fonctionnement des sites et à la gestion des déchets des mines industrielles a entraîné une pollution et des préjudices sanitaires, et aucune responsabilité n’a été prise pour le nettoyage et la réparation des dommages. Parallèlement, la course aux sources de minerais pour les batteries par l’exploitation des gisements présents dans le plancher océanique (exploitation minière en haute mer) représente un grave risque irréversible pour l’écosystème des profondeurs et les moyens de subsistance des populations du littoral.

La crise climatique s’accélère et la transition énergétique est urgente, mais la lutte contre le changement climatique ne doit pas se faire au détriment des droits humains.

Les entreprises fournissant des minerais pour la transition ont l’obligation de respecter les droits humains partout où elles mènent leurs opérations commerciales et de remédier aux atteintes aux droits humains liées à leurs opérations ou relations commerciales. Le travail des enfants, les expulsions forcées, la pollution et les conditions de travail dangereuses doivent cesser immédiatement.

Étude de cas : l’exploitation minière en RDC

La transition énergétique mondiale a provoqué une expansion de l’exploitation minière industrielle des minerais pour la transition comme le cobalt et le cuivre.

Des villes et quartiers entiers du sud de la RDC sont engloutis par des mines à ciel ouvert de cuivre et de cobalt. Des familles sont expulsées de chez elles et de leurs terres agricoles sans avoir obtenu les informations nécessaires, sans avoir reçu de préavis, sans qu’une véritable consultation ait été menée, sans avoir bénéficié d’une indemnisation équitable et sans avoir accès à des recours effectifs.

Des milliers de personnes ont été touchées par l’expansion de ces mines lucratives et sont confrontées à un avenir incertain, à l’insécurité alimentaire et à des difficultés financières. Cette situation n’est pas inéluctable.

Qui est impliqué ?

Les gouvernements et les entreprises impliqués dans cette chaîne de valeur cherchent bien souvent à faire des économies en s’attaquant aux normes de droits humains, aux règles de sécurité et aux protections environnementales, au nom du profit. De puissantes entreprises multinationales ont à plusieurs reprises fermé les yeux sur des crimes environnementaux et financiers ou en ont été complices parfois.

Les gouvernements n’ont bien souvent pas pris les mesures nécessaires pour enquêter publiquement sur la corruption, la pollution environnementale et l’exploitation par le travail dont se rendent responsables les entreprises ou pour y remédier, et encore moins pour lancer des poursuites judiciaires après avoir découvert des comportements illégaux. Il est extrêmement rare que les entreprises proposent des réparations aux populations affectées par les activités minières.

Pendant ce temps, de nouvelles usines de fabrication de batteries devraient considérablement accroître leur production dans la prochaine décennie. Les investisseurs se désengagent de plus en plus des énergies fossiles et réinvestissent dans les énergies renouvelables, mais bien souvent sans que des processus de diligence requise soient en place pour veiller à ce que leurs investissements ne contribuent pas à des atteintes aux droits humains.

Les entreprises et les investisseurs étant focalisés sur une expansion rapide plutôt que sur l’utilisation optimale des ressources, la réutilisation et le recyclage, la pression pour extraire plus de minerais grandit tandis que les déchets s’entassent.

Amnesty International a entrepris une analyse poussée des principaux risques en matière de droits humains et d’environnement liés à l’exploitation minière pour la transition énergétique et travaille avec les principaux constructeurs automobiles, de matériel électronique et de batteries, en vue de revoir les politiques, pratiques et mesures de mise en œuvre des normes des entreprises en matière de droits humains et d’informer les multinationales des manquements que nous avons constatés dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Des voitures électriques Tesla Model Y à la nouvelle usine de fabrication de voitures électriques Tesla Gigafactory, près de Gruenheide, en Allemagne.
Il est temps d’agir pour assurer une transition énergétique véritablement propre et verte, axée sur le respect des droits humains.

Quelle est la solution ?

Si la transition énergétique est rendue possible par l’exploitation humaine, la dépossession et la dégradation de l’environnement, nous repenserons à cette période capitale avec regret.

Nous pouvons éviter cela.

Les gouvernements impliqués dans la chaîne de valeur des batteries ont l’occasion de modeler une transition énergétique qui met un terme aux injustices liées à l’économie des énergies fossiles au lieu de les reproduire. Les entreprises qui souhaitent être à la pointe du développement durable sur la scène mondiale doivent placer les droits humains et l’environnement au centre de leur modèle commercial pour éviter d’aggraver les inégalités et injustices existantes.

En donnant la priorité au respect des droits humains, les entreprises, les investisseurs et les gouvernements peuvent prévenir les atteintes aux droits humains et la dégradation de l’environnement dans la chaîne de valeur des batteries.

Que peuvent faire les entreprises ?

Les entreprises doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour « ne pas faire de mal ». Des normes internationales comme les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme présentent les mesures que les entreprises doivent prendre pour respecter les droits humains et fournir des réparations pour les atteintes que leurs opérations causent ou auxquelles elles contribuent.

Exemples de recommandations d’Amnesty à des entreprises et gouvernements :

  • Les entreprises doivent s’assurer que leurs activités, ainsi que celles de leurs filiales et de leurs fournisseurs, soient conformes aux normes internationales en matière d’environnement et de droits humains, notamment en exerçant la diligence requise en matière de droits humains afin d’identifier, d’empêcher, de faire cesser, d’atténuer et de signaler les conséquences néfastes en matière de droits humains et d’environnement.
  • Les entreprises doivent veiller à ce que leurs opérations ne réduisent pas au silence les populations affectées par les activités minières, particulièrement les populations autochtones et les défenseur·e·s de l’environnement. Ces personnes sont indispensables pour mener des procédures de diligence requise solides.
  • Les employeurs doivent respecter les droits des travailleurs et travailleuses, conformément aux normes internationales.
  • Les entreprises doivent évaluer les risques en matière de droits humains liés à leurs dispositifs de sécurité. Elles ne doivent jamais accepter de pots-de-vin ou se livrer à de la corruption et elles doivent prendre toutes les mesures à leur disposition pour lutter contre ces pratiques.
  • Les fabricants de batteries doivent augmenter les composants recyclés dans leurs produits et élaborer une nouvelle génération de batteries facilement démontables afin que les composants puissent être réutilisés.
  • Tous les constructeurs automobiles doivent renoncer au moteur à combustion interne dès que possible.
  • Les producteurs de batteries doivent refuser tous les minerais issus des fonds marins.
Un ouvrier retire un module contenant des cellules de batterie d’un bloc-batterie dans une usine de recyclage des cellules de batteries de voitures Volkswagen. L’objectif du site est la revalorisation industrielle de matières premières telles que le lithium, le nickel, le manganèse et le cobalt en circuit fermé avec l’aluminium, le cuivre et les plastiques, afin d’atteindre un taux de recyclage de 90 % à long terme.
Le président des Émirats arabes unis Mohamed bin Zayed al Nahyan et le secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques Simon Stiell se serrent la main pendant que des dirigeants mondiaux se tiennent prêts pour la photo de groupe du sommet de la COP27 en Égypte.

Que peuvent faire les États ?

Les gouvernements du monde doivent contraindre légalement les entreprises à respecter les droits humains et l’environnement, notamment en veillant à ce que les entreprises mènent les contrôles de diligence requise sur leurs chaînes d’approvisionnement. Les gouvernements doivent légiférer sur la diligence requise en matière de droits humains et d’environnement et imposer le respect des lois et réglementations relatives à la protection environnementale qui protègent les droits humains. Ils doivent cesser de subventionner l’industrie des énergies fossiles ou de lui accorder des mesures d’incitation financière comme des réductions d’impôt, des emprunts ou des allègements fiscaux.

Les autorités doivent également :

  • Enquêter sur les atteintes aux droits humains et à l’environnement.
  • Protéger les populations autochtones et les défenseur·e·s de l’environnement, notamment les personnes qui s’opposent à des activités commerciales, afin de leur permettre de jouer leur rôle légitime et important dans la transition énergétique.
  • Veiller à ce que les populations affectées par des activités minières aient accès à des recours efficaces.
  • Sanctionner toutes les formes de pots-de-vin et de corruption dont se rendent responsables les entreprises minières, les fonderies, les fabricants et les entreprises en aval tirant profit de la transition énergétique.
  • Fixer un délai de fin de vente de nouveaux véhicules alimentés par un moteur à combustion interne et mettre en œuvre des politiques pour réduire la dépendance aux trajets en voiture, notamment en réduisant le nombre de voitures sur la route.
  • Imposer des normes minimales d’efficacité énergétique des produits et des véhicules pour économiser de l’électricité et des ressources.
  • Appliquer des conditions minimales quant à la durée de vie des batteries pour leur utilisation prévue initiale, que ce soit pour des véhicules électriques ou d’autres appareils électroniques.
  • Rendre obligatoires la réparation, la collecte et le recyclage des batteries et investir dans la recherche en vue d’améliorer la conception, le recyclage et les initiatives de collecte.

Les États doivent également assurer une transition rapide vers des réseaux énergétiques alimentés entièrement par des sources renouvelables, exiger des informations sur l’empreinte carbone des batteries et s’opposer à toute forme d’exploitation minière en haute mer.

Ne nous leurrons pas.

L’humanité doit mettre fin à la combustion de carburants fossiles polluants et se tourner vers l’énergie renouvelable. Les batteries rechargeables sont un élément essentiel et prometteur de la transition énergétique. Une transition mondiale juste vers les énergies renouvelables nécessitera quand même une extraction minière. Une transition vers les énergies renouvelables nécessitera quand même des terres et des ressources, mais jamais auparavant les gouvernements n’ont été autant poussés par les populations à réglementer les entreprises et à protéger les droits humains.

L’humanité doit mettre fin à la combustion de carburants fossiles polluants et se tourner vers l’énergie renouvelable. Une transition mondiale juste vers les énergies renouvelables nécessitera quand même une extraction minière. Mais l’extraction de ces ressources ne doit pas se faire au détriment des droits humains.

Que fait Amnesty International ?

Amnesty International a publié ses principes pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans la production de batteries : Alimenter le changement : Principes pour les entreprises et les gouvernements dans la chaîne de valeur des batteries. Les principes, qui présentent les mesures que les gouvernements et les entreprises doivent prendre pour empêcher les atteintes aux droits humains et à l’environnement à chaque étape de la production de batteries, ont été soutenus par plus de 70 organisations internationales et personnes.

Ces préjudices peuvent se produire à toute étape de la chaîne d’approvisionnement et à tout point du cycle de vie d’une batterie. Les autorités et les entreprises doivent veiller à ce que les solutions d’énergie verte ne soient pas élaborées aux dépens des populations et de l’environnement.

Lisez nos Principes pour les entreprises et les gouvernements dans la chaîne de valeur des batteries.


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