Canada

Amnesty International ne prend pas position sur les questions de souveraineté ou les conflits territoriaux. Les frontières apparaissant sur cette carte sont basées sur les données géospatiales des Nations unies.
Back to Canada

Canada 2022

Les groupes marginalisés étaient confrontés à des inégalités croisées, à une discrimination systémique et à des obstacles à la réalisation de leurs droits humains. Le droit de réunion a souvent été menacé, en particulier pour les défenseur·e·s des territoires autochtones. Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour atténuer la crise climatique.

Liberté de réunion

En février, les autorités ont eu recours à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin au blocage d’Ottawa, la capitale, par le « Convoi de la liberté », un mouvement de protestation contre l’obligation vaccinale et les restrictions liées à la pandémie de COVID-19. Ce mouvement a été émaillé d’actes et de propos racistes, d’actes de violence, de harcèlement et d’intimidation, ainsi que de discours haineux1. Le 25 avril, le gouvernement a créé la Commission sur l’état d’urgence, chargée d’examiner le recours à la Loi sur les mesures d’urgence.

Le 3 novembre, l’assemblée législative de l’Ontario a adopté un projet de loi visant à rendre illégal pour les membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), notamment les auxiliaires d’éducation, les gardien·ne·s d’école, les éducateurs·trices de la petite enfance, les secrétaires et les membres d’autres professions, d’exercer leur droit, pourtant garanti par la Constitution, de participer à une grève annoncée. Ce texte a finalement été abrogé le 14 novembre2.

Droits des peuples autochtones

Les Innus de Pessamit ont dénoncé le changement climatique, les pratiques forestières, les projets hydroélectriques et les politiques coloniales qui menaçaient leur mode de vie traditionnel et leur identité, notamment leurs droits culturels, qui devraient être pris en compte dans tous les plans relatifs au changement climatique3.

En avril, le Premier ministre Justin Trudeau a officiellement reconnu le rôle de l’Église catholique et du gouvernement dans la création, la gestion et le fonctionnement des pensionnats autochtones, et le 27 octobre la Chambre des communes a qualifié de génocide les effets de ce système.

Le 1er juin, 19 défenseur·e·s du droit à la terre opposés à la construction de gazoducs sur leur territoire ont été inculpés d’outrage criminel4. Le 22 juin, des défenseur·e·s du droit à la terre de la Première Nation Wet’suwet’en ont engagé une procédure civile contre le ministre de la Justice de la Colombie-Britannique, trois agents de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que les entreprises Forsythe Security et Coastal GasLink Pipeline Ltd, pour des faits de surveillance, de harcèlement et d’intimidation. L’affaire était toujours en cours à la fin de l’année.

En septembre, une entreprise privée, Coastal GasLink, a commencé le travail de forage sur le territoire wet’suwet’en, alors que des chefs héréditaires s’y étaient opposés5.

Sur toutes ces questions, les nations autochtones ont appelé de leurs vœux un dialogue de nation à nation avec les autorités provinciales et fédérales. Cependant, leur consentement préalable, libre et éclairé concernant les projets d’extraction de ressources n’a pas été recueilli.

Droit à l’eau

Trente-trois avis à long terme sur la qualité de l’eau potable, émis en cas de niveau insuffisant de la salubrité de l’eau, étaient toujours en vigueur à la fin de l’année, affectant 29 communautés des Premières Nations. En août, le territoire du Nunavut a déclaré l’état d’urgence dans la ville d’Iqaluit en raison d’une pénurie d’eau.

À la suite d’une action collective intentée par plusieurs Premières Nations, la Loi de 2013 sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations a été abrogée et les autorités se sont engagées à présenter une nouvelle loi en consultation avec les Premières Nations.

Droits des femmes et des filles

En juillet, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a reconnu que la stérilisation contrainte et forcée touchait de manière disproportionnée les femmes autochtones, noires et racisées, ainsi que les personnes handicapées. Un rapport publié en novembre au Québec a confirmé que des femmes autochtones avaient subi une stérilisation forcée et des violences obstétricales.

À la fin de l’année, la collecte de données ventilées et les mécanismes d’obligation de rendre des comptes restaient insuffisants pour permettre la mise en œuvre du Rapport d’avancement 2022 du plan d’action national visant à mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes autochtones bispirituelles (deux esprits). Un nouveau plan d’action national destiné à mettre fin à la violence fondée sur le genre a été lancé en novembre.

En octobre, une coalition d’organisations de la société civile représentant des travailleuses du sexe transgenres, autochtones et noires a contesté devant la cour supérieure de l’Ontario la criminalisation du travail du sexe. Aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

En août, le gouvernement a lancé le premier « Plan d’action fédéral relatif aux personnes aux deux esprits, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et de divers genres (2ELGBTQI+) », qui prévoyait de nouveaux fonds affectés en priorité aux organisations de la société civile représentant les personnes noires, autochtones et racisées. Il manquait à ce plan des recommandations essentielles en matière de santé, d’emploi et de soutien aux réfugié·e·s, ainsi que des informations détaillées sur sa mise en œuvre.

Discrimination

En avril, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a condamné les actions du gouvernement fédéral, de la province de Colombie-Britannique, du Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et l’industrie de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que des sociétés de sécurité privées à l’égard des défenseur·e·s du droit à la terre secwépemcs et wet’suwet’ens.

En juin, les services de police de Toronto ont signalé dans un rapport l’usage disproportionné de la force et des fouilles au corps contre les groupes racisés, en particulier les personnes noires.

En octobre, la cour supérieure du Québec a jugé que les « interceptions routières sans motif réel » étaient inconstitutionnelles, car elles reposaient sur du profilage racial. Le gouvernement du Québec a fait appel de cette décision en novembre, allant à l’encontre d’un engagement qu’il avait pris en 2020.

Le 4 octobre, le gouvernement fédéral a tenté de faire rejeter une action collective intentée par des fonctionnaires noirs dénonçant la discrimination systémique au sein du service public. Aucune décision n’avait été rendue à la fin de l’année.

La cour d’appel du Québec s’est penchée en novembre sur le recours formé contre une décision de la cour supérieure de la province de maintenir le « projet de loi 21 » interdisant le port de symboles religieux pour les titulaires de certains postes de la fonction publique.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

En mai, une décision de la cour supérieure du Québec a rétabli l’accès aux services subventionnés de garde d’enfants pour les familles réfugiées, ce qui leur était refusé par le gouvernement de la province depuis 2018. Le gouvernement du Québec a fait appel de cette décision.

En juin, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé qu’il allait mettre fin à la détention de personnes migrantes dans les prisons de la province, évoquant des préoccupations relatives aux droits humains. Les provinces de Nouvelle-Écosse, de l’Alberta et du Manitoba ont fait de même un peu plus tard.

La cour supérieure de l’Ontario a rejeté en août une demande visant à faire annuler une requête déposée contre le refus du Canada de fournir des soins de santé essentiels aux personnes migrantes en situation irrégulière et d’indemniser une personne qui avait pâti de cette situation.

En octobre, la Cour suprême du Canada a examiné une contestation relative à la constitutionnalité de l’Entente sur les tiers pays sûrs, un texte qui empêchait la plupart des demandeurs et demandeuses d’asile arrivant au Canada par un point d’entrée terrestre officiel de solliciter une protection dans le pays.

En matière de réinstallation des réfugié·e·s, les disparités étaient la règle. Les autorités se sont engagées à réinstaller 40 000 Afghan·e·s et à relever à 3 000 le nombre de réfugié·e·s afghans pouvant bénéficier d’un programme de parrainage. Le nombre d’Ukrainien·ne·s pouvant bénéficier d’une autorisation de voyage d’urgence et de visas temporaires gratuits était en revanche illimité.

Lutte contre la crise climatique

Le Canada présentait toujours le taux d’émission de gaz à effet de serre par habitant le plus élevé des 10 principaux pays émetteurs et faisait partie des pays qui subventionnaient le plus les énergies fossiles.

Dans sa nouvelle contribution déterminée au niveau national (CDN) annoncée en avril 2021, le pays s’était engagé à réduire ses émissions de 40 à 45 % d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005 et à atteindre la neutralité carbone pour 2050. Cet objectif ne correspondait pas au niveau de responsabilité du Canada et n’était pas suffisant pour contenir la hausse des températures mondiales sous le seuil de 1,5 °C.

Le Canada a annoncé qu’il comptait doubler sa contribution financière à l’action climatique, s’engageant ainsi à verser 5,3 milliards de dollars canadiens (3,9 milliards de dollars des États-Unis) sur les cinq années à venir afin de soutenir l’action climatique internationale dans les pays en développement. Ces engagements n’étaient pas à la hauteur de la part de responsabilité du Canada dans la crise climatique.

Au 1er juillet, Exportation et développement Canada avait versé 3,4 milliards de dollars canadiens (2,5 milliards de dollars des États-Unis) au secteur pétrolier et gazier au Canada et à l’étranger.


  1. « Déclaration d’Amnistie internationale Canada concernant les “convois de la liberté” », 17 février
  2. “Amnesty International Canada welcomes repeal of ‘chilling’ Ontario anti-strike bill”, 7 novembre
  3. Nous sommes à la merci d’un raz de marée. Récits de la crise climatique, 3 novembre
  4. Des défenseur·e·s de terres autochtones sont en danger, 22 juin
  5. « Canada. La construction d’un gazoduc en territoire autochtone met en danger les défenseur·e·s des terres », 3 octobre