Afghanistan. Les victimes doivent être associées aux pourparlers de paix

Les pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans doivent permettre d’entendre la voix des victimes du conflit en Afghanistan et prendre en compte leurs demandes de justice, a déclaré Amnesty International.

Les pourparlers entre les deux camps étant sur le point de débuter à Doha, au Qatar, Amnesty International demande aux équipes chargées des négociations et aux organisateurs de prendre en compte la voix des victimes et de veiller à ce que les femmes puissent réellement participer à ces pourparlers, afin de garantir le respect de leurs droits dans tout accord qui pourrait être conclu.

Pour qu’un processus de paix soit digne de ce nom, il doit s’engager à rendre justice aux victimes et garantir l’obligation de rendre des comptes pour les graves violations des droits humains.

David Griffiths, directeur du bureau du secrétaire général à Amnesty International

« Nul ne désire plus la paix que le peuple afghan, qui a tant souffert, depuis si longtemps, en raison du conflit. Pour qu’un processus de paix soit digne de ce nom, il doit s’engager à rendre justice aux victimes et garantir l’obligation de rendre des comptes pour les graves violations des droits humains. La participation des victimes à ces discussions est essentielle, afin que leurs voix ne soient pas ignorées, a déclaré David Griffiths, directeur du bureau du secrétaire général à Amnesty International.

« La paix ne saurait se limiter à la cessation des hostilités armées. Pour que l’Afghanistan puisse rompre avec son passé douloureux et panser ses blessures, les victimes doivent avoir accès à la justice et les auteurs de violences doivent rendre des comptes. Si les graves violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit sont balayées sous le tapis, cela ne fera que trahir les victimes et constituer une menace pour de futurs conflits. »

Amnesty International a aussi demandé aux équipes en charge des négociations et aux parties au conflit, notamment au gouvernement afghan, de veiller à ce que les progrès faits en matière de droits humains au cours des 20 dernières années ne soient pas anéantis et à ce que les droits fondamentaux de tous les Afghans, particulièrement les femmes, soient au cœur d’un éventuel accord. Toutes les initiatives relatives aux droits des femmes doivent avoir pour objectif de consolider et de renforcer leur capacité à exercer pleinement leurs droits humains.

Crimes de guerre et crimes contre l’humanité 

Les pourparlers commencent quelques jours seulement après que le Secrétaire d’État des États-Unis Mike Pompeo a annoncé des sanctions contre Fatou Bensouda, procureure de la Cour pénale internationale (CPI), en raison de l’enquête que mène son bureau sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés par toutes les parties au conflit.

Depuis que l’Afghanistan est devenu partie au Statut de Rome en 2003, Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains ont recensé de graves violations des droits humains commises contre la population civile afghane, notamment des actes de torture, des disparitions forcées, des homicides ciblés et des crimes de guerre visant délibérément des civil·e·s. Les autorités afghanes n’ayant pas mené d’enquêtes sérieuses sur ces crimes, la CPI est intervenue en tant que « tribunal de dernier recours ».

Les sanctions font suite à la libération controversée par le gouvernement afghan de prisonniers talibans accusés de manière crédible de graves exactions, notamment de crimes de guerre. L’absence d’obligation de rendre des comptes pour de graves violations, particulièrement pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, réduit encore la perspective de justice pour les victimes.

« Les sanctions aberrantes prises contre la procureure de la CPI constituent la dernière manœuvre du gouvernement de Donald Trump pour punir ceux qui recherchent la justice pour les crimes de droit international commis en Afghanistan. Les États-Unis décident ainsi de soustraire les auteurs à l’obligation de rendre des comptes et d’abandonner les victimes, a déclaré David Griffiths. 

« Les parties prenant part aux négociations qui sont membres du gouvernement afghan et des talibans doivent cesser de protéger les responsables de violations, soutenir l’enquête de la CPI et s’engager à rendre justice au niveau national à toutes les victimes des crimes atroces commis depuis des décennies dans le pays. S’ils veulent vraiment que l’Afghanistan connaisse enfin la paix, ils doivent démontrer qu’ils n’ont pas peur de la justice. »

Conserver les avancées en matière de droits humains

Les négociations de paix doivent s’appuyer sur l’engagement de préserver et de renforcer les progrès en matière de droits humains réalisés en Afghanistan au cours des 20 dernières années.

En particulier, tout accord de paix doit respecter les obligations internationales de l’Afghanistan, en garantissant l’équité des procès et les droits des femmes et des filles, des enfants, des minorités religieuses et ethniques, des journalistes et des défenseur·e·s des droits humains.

Jusqu’à présent, les talibans n’ont pas pris d’engagements explicites et crédibles en faveur des droits humains inscrits dans la Constitution afghane et le droit international relatif aux droits humains, notamment les droits au travail, à l’éducation, à la liberté de circuler, le droit à la liberté de religion et de croyance, et le droit à la liberté d’expression.

« Nul ne peut nier le fait que les autorités afghanes ne respectent pas leurs propres engagements envers les droits humains, mais nul ne peut nier non plus les avancées importantes réalisées au cours des 20 dernières années en faveur d’une plus grande liberté pour les femmes et les filles, les minorités religieuses et ethniques, les journalistes et les défenseur·e·s des droits humains, ainsi qu’en matière de droit à l’éducation. Les Afghan·e·s, malgré les graves menaces en termes de sécurité, exercent leurs droits civils et politiques. Il importe de consolider ces avancées et non de les brader », a déclaré David Griffiths.