Les autorités du Viêt-Nam doivent immédiatement suspendre tout projet d’exécution d’un homme dont l’affaire est marquée par des allégations très préoccupantes de torture et de violations du droit à un procès équitable, a déclaré Amnesty International le 7 août. L’organisation exhorte le gouvernement à diligenter l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements utilisés pour extorquer des « aveux » à cet homme alors qu’il était détenu par la police.
La famille de Nguyen Van Chuong, un manœuvre de 40 ans vivant dans le nord du Viêt-Nam, a tiré la sonnette d’alarme au sujet de son éventuelle exécution, car on lui a demandé le 4 août de se rendre sous trois jours au tribunal populaire de Haïphong pour faire le nécessaire afin de récupérer les restes de cet homme. La famille n’a toutefois pas obtenu d’informations sur la date qui a été fixée pour l’exécution.
« Les autorités vietnamiennes doivent immédiatement annuler tout projet visant à exécuter Nguyen Van Chuong. Cette affaire a été marquée dès le premier jour par d’inquiétantes allégations indiquant notamment qu’on l’aurait frappé et suspendu la tête en bas pendant un interrogatoire afin de lui arracher des « aveux ». Ces graves allégations jettent une ombre sur sa déclaration de culpabilité et requièrent une enquête indépendante et impartiale. Si les autorités décident de procéder à cette exécution, elles risquent alors de priver arbitrairement Nguyen Van Chuong de sa vie », a déclaré Montse Ferrer, directrice régionale adjointe par intérim pour la recherche à Amnesty International.
Nguyen Van Chuong a été déclaré coupable, avec deux autres personnes, de vol et du meurtre d’un policier en juillet 2007, et condamné à mort. Nguyen Van Chuong nie ces accusations et, dans des lettres adressées à sa famille, il a dit avoir été soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements pendant sa détention par la police afin qu’il « avoue » avoir commis ce meurtre. Il affirme avoir été dénudé, suspendu et frappé lors de son interrogatoire par la police. Les autorités auraient rejeté ses affirmations.
De plus, selon des informations diffusées par les médias d’État, plusieurs personnes dans son village voulaient témoigner en sa faveur en indiquant l’avoir vu dans le village au moment du meurtre, à 40 kilomètres du lieu du crime. Cependant, le tribunal municipal de Haïphong s’est principalement basé sur les informations fournies par la police afin de le condamner. Les Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort disposent que ce châtiment ne peut être infligé que lorsque la culpabilité repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant place à aucune autre interprétation des faits. Deux témoins de son village ont en outre affirmé avoir été agressés physiquement par la police de Haïphong et menacés.
En 2011, le procureur général du parquet populaire suprême a demandé à la Cour populaire suprême d’annuler la décision rendue en appel et de commuer sa peine de mort. Or, en décembre 2011, la Cour populaire suprême a rejeté ce recours.
« Lorsque la vie d’une personne est en jeu, il est d’autant plus important de respecter rigoureusement les principes relatifs à l’équité des procès, pendant toute la procédure. Les irrégularités qui entachent manifestement cette affaire impliquent que l’exécution de Nguyen Van Chuong doit être immédiatement suspendue, que ses allégations de torture et d’autres mauvais traitements doivent faire l’objet d’une enquête indépendante dans les plus brefs délais, et que ce dossier doit être réexaminé de façon équitable. La peine de mort n’est jamais la solution, et au vu de ces allégations très préoccupantes, l’exécution de cet homme serait déraisonnable et inadmissible. »
Ni la famille de Nguyen Van Chuong ni son avocat n’ont été informés de la date qui a été fixée pour son exécution, alors qu’on leur a clairement fait savoir que l’ordre donné pour son exécution avait été confirmé.
« Il est impossible de se rendre compte de la terrible épreuve qu’endurent Nguyen Van Chuong ainsi que sa famille, qui est laissée dans l’incertitude quant au sort de leur proche. Les autorités doivent mettre fin au secret qui entoure l’application de la peine de mort au Viêt-Nam et établir immédiatement un moratoire officiel sur les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition de ce châtiment. »
Complément d’information
Les statistiques sur le recours à la peine de mort continuent d’être classées secret d’État au Viêt-Nam. Des peines de mort continuent d’être prononcées contre des personnes déclarées coupables de meurtre, d’infractions liées aux stupéfiants et d’infractions économiques telles que le détournement de fonds. Les médias font rarement état des exécutions, mais Amnesty International estime que de nombreuses exécutions continuent d’avoir lieu chaque année.
La torture et les autres formes de mauvais traitements sont strictement interdites par le droit international, mais les autorités vietnamiennes continuent de les utiliser de façon habituelle. Le Viêt-Nam a ratifié la Convention contre la torture et est État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). En tant qu’État partie à ces traités, le Viêt-Nam est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires pour que nul ne soit soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et pour que « toute déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture ne puisse être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite ».
Lorsqu’une peine de mort est prononcée à l’issue d’un procès qui n’a pas respecté les normes internationales relatives à l’équité des procès, notamment celles énoncées à l’article 14 du PIDCP, auquel le Viêt-Nam est partie, il y a violation du droit international, ce qui rend l’exécution arbitraire.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence ou à toute autre situation du condamné, et quelle que soit la méthode d’exécution employée par l’État. L’organisation s’oppose à la peine de mort parce que ce châtiment est le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit et parce qu’il viole le droit à la vie. À ce jour, 112 pays ont aboli à la peine de mort pour tous les crimes, et plus des deux tiers d’entre eux ont totalement aboli ce châtiment en droit ou en pratique.