Iran. Victime de violences conjugales et sexuelles, arrêtée lorsqu’elle était mineure, condamnée à l’issue d’un procès inique, elle vient d’être exécutée

En réaction à la terrible nouvelle selon laquelle Zeinab Sekaanvand, Kurde iranienne de 24 ans, a été exécutée tôt dans la matinée du 2 octobre 2018 à la prison centrale d’Orumiyeh dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, a déclaré :

« L’exécution de Zeinab Sekaanvand est une démonstration choquante du mépris des autorités iraniennes pour les principes de la justice pour mineurs et du droit international relatif aux droits humains. Zeinab n’avait que 17 ans lorsqu’elle a été arrêtée. Son exécution est profondément injuste et témoigne du peu de valeur que les autorités iraniennes accordent au droit  à la vie des mineurs. Le fait qu’elle ait été condamnée à mort à l’issue d’un procès inique rend son exécution encore plus révoltante.

« Zeinab Sekaanvand a déclaré que peu après s’être mariée à 15 ans, elle avait recherché à plusieurs reprises l’aide des autorités face aux violences de son époux et a affirmé que son beau-frère la violait régulièrement. Au lieu d’enquêter sur ces allégations, les autorités l’ont tout simplement ignorée et ne lui ont apporté aucune aide en tant que victime de violences conjugales et sexuelles.

« Après le meurtre de son époux, Zeinab Sekaanvand a déclaré avoir été interrogée sous la torture par des policiers masculins, en l’absence d’un avocat. Lors de sa dernière audience, où elle a pu bénéficier pour la première fois de l’assistance d’un avocat, elle est revenue sur ses ” aveux ” concernant le meurtre de son mari, assurant les avoir faits sous la contrainte. Pourtant, le juge a refusé d’ordonner une nouvelle enquête et l’a condamnée à la peine capitale.

« Il semble que les autorités iraniennes programment de plus en plus dans un délai très court les exécutions de condamnés qui étaient mineurs au moment des faits qui leur sont reprochés afin de gêner d’éventuelles interventions publiques ou privées. Nous sommes horrifiés par leur recours persistant à la peine de mort contre des personnes qui n’avaient pas 18 ans au moment des faits, en violation du droit international relatif aux droits humains. Il s’agit de la cinquième exécution d’un mineur délinquant que nous recensons cette année et nous craignons qu’elle ne soit pas la dernière, à moins que la communauté internationale n’agisse sans plus attendre.

« Nous demandons aux autorités iraniennes d’instaurer immédiatement un moratoire sur les exécutions, de commuer toutes les condamnations à mort en vue d’abolir la peine capitale et d’interdire l’application de ce châtiment aux personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés. »

Complément d’information

L’exécution de Zeinab Sekaanvand constitue une violation des obligations de l’Iran au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de la Convention relative aux droits de l’enfant, deux traités que l’Iran a ratifiés et qui interdisent sans exception l’application de la peine de mort aux personnes âgées de moins de 18 ans au moment du crime dont elles sont accusées.

Zeinab Sekaanvand a été extraite de sa cellule le 1er octobre et placée à l’isolement en prévision de son exécution. Le 29 septembre, elle a été conduite au centre médical de la prison pour y subir un test de grossesse. Les résultats de ce test se sont avérés négatifs le 30 septembre. La famille de Zeinab Sekaanvand a alors été contactée par les autorités pénitentiaires et invitée à lui rendre une dernière visite le 1er octobre, visite au cours de laquelle ses proches ont été informés que son exécution était programmée le 2 octobre.

Zeinab Sekaanvand a été condamnée à mort en octobre 2014 au titre de la qisas (« réparation ») à l’issue d’un procès inique devant une cour pénale de la province de l’Azerbaïdjan occidental, qui l’a reconnue coupable du meurtre de son mari.

Elle a été arrêtée en février 2012 dans un poste de police où elle a « avoué » avoir tué son époux. Elle a été détenue dans ce poste pendant les 20 jours qui ont suivi, durant lesquels elle affirme avoir été torturée en étant frappée sur tout le corps par des policiers.

Zeinab Sekaanvand a « avoué » avoir poignardé son mari après avoir subi pendant des mois violences physiques et injures, et après que celui-ci a refusé ses demandes de divorce. Elle n’a pu bénéficier des services d’un avocat commis d’office que lors de sa dernière audience, durant laquelle elle est revenue sur ses « aveux », en déclarant au juge que c’était le frère de son époux, un homme qui l’aurait violée à plusieurs reprises, qui avait commis le meurtre. Selon elle, il lui aurait dit que si elle acceptait d’en assumer la responsabilité, il lui accorderait le pardon (en vertu du droit islamique, les proches d’une victime de meurtre ont le pouvoir de pardonner le coupable et d’accepter une indemnisation financière à la place).

Le tribunal n’a pas enquêté sur les déclarations de Zeinab Sekaanvand, et ne s’est basé que sur les « aveux » qu’elle avait faits sans qu’un avocat ne soit présent pour prononcer la peine capitale.

Alors qu’elle avait moins de 18 ans au moment des faits dont on l’accusait, le tribunal n’a même pas appliqué les dispositions sur les condamnations de mineurs inscrites dans le Code pénal islamique de 2013, qui accorde aux juges la possibilité de remplacer la peine de mort par une autre peine s’ils estiment que le mineur délinquant n’avait pas conscience de la nature de son crime ou de ses conséquences, ou s’il existe des doutes quant à « son développement et sa maturité psychologiques » au moment des faits.