Iran. L’arrestation de l’éminente défenseure des droits humains Nasrin Sotoudeh est scandaleuse

L’arrestation de Nasrin Sotoudeh, défenseure iranienne des droits humains, est une attaque scandaleuse contre une militante courageuse et prolifique, a déclaré Amnesty International le 13 juin 2018.

Arrêtée chez elle à Téhéran dans la matinée, elle a été transférée devant le bureau du procureur de la prison d’Evin, selon son époux Reza Khandan.

Dans une interview réalisée par Manoto News, chaîne d’information en langue persane qui diffuse depuis l’étranger, Reza Khandan a également révélé que Nasrin Sotoudeh avait été informée qu’elle était arrêtée afin de purger une peine de cinq ans de prison. Cependant, Reza Khandan et Nasrin Sotoudeh ignoraient tout de cette condamnation.

Nasrin Sotoudeh consacre sa vie à lutter pour les droits humains en Iran. Elle s’est vue décerner des récompenses internationales, mais a aussi payé le prix fort pour son courage : elle a été incarcérée pendant trois ans. Son arrestation illustre les mesures punitives que prennent les autorités iraniennes pour l’empêcher de faire son travail d’avocate.

Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à ‎Amnesty International

« Nous demandons aux autorités iraniennes de libérer Nasrin Sotoudeh immédiatement et sans condition. Toute autre mesure doit être fermement condamnée par la communauté internationale. »

Ces dernières semaines, Nasrin Sotoudeh a dénoncé l’application de la Note à l’Article 48 du Code de Procédure pénale de 2015. Cette note prive les personnes accusées de certaines infractions, notamment liées à la sécurité nationale, du droit de consulter un avocat indépendant de leur choix durant les investigations. En effet, ces personnes doivent choisir leur avocat sur une liste approuvée au préalable par le responsable du pouvoir judiciaire. Celui-ci a publié une liste de 20 avocats seulement pour la province de Téhéran.

« Autoriser les seuls avocats qui sont approuvés au préalable à défendre les personnes accusées d’infractions liées à la sécurité – qui englobent souvent des défenseurs des droit humains – sape totalement le droit des détenus de consulter l’avocat de leur choix », a déclaré Philip Luther.

Ces derniers mois, Nasrin Sotoudeh a défendu Narges Hosseini, poursuivie pour avoir protesté pacifiquement contre le port obligatoire du voile en Iran. Depuis décembre 2017, des dizaines de femmes ont été violemment agressées et arrêtées parce qu’elles ont manifesté pacifiquement contre le port obligatoire du voile.

En septembre 2010, Nasrin Sotoudeh a été condamnée à six ans de prison pour « diffusion de propagande contre le régime » et « rassemblement et collusion dans l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale » en raison de son travail en tant qu’avocate ; elle a notamment défendu de très nombreux prisonniers d’opinion et mineurs délinquants condamnés à mort. Elle a été libérée en septembre 2013 à la faveur d’une grâce.

En 2012, elle a reçu le prix Sakharov pour son travail en faveur des droits humains. Depuis qu’elle est sortie de prison, elle continue de travailler en tant qu’avocate spécialisée dans la défense des droits humains, malgré les manœuvres des autorités iraniennes visant à limiter ses activités ; ses demandes pour représenter des personnes détenues pour des motifs politiques sont par exemple fréquemment rejetées.