Égypte. Un ressortissant irlandais acquitté, et des centaines de personnes condamnées à l’issue d’un procès collectif d’une flagrante iniquité

Le ressortissant irlandais Ibrahim Halawa a été acquitté par un tribunal pénal du Caire le 18 septembre, à l’issue du procès collectif, d’une flagrante iniquité, de 494 prévenus. Cette décision met un terme pour lui à quatre années de rude épreuve, a déclaré Amnesty International, qui insiste en outre sur le fait qu’il est nécessaire que les 442 autres accusés dans cette affaire, condamnés à des peines allant de cinq années d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité, soient rejugés dans le respect cette fois des normes internationales relatives à l’équité des procès, ou remis en liberté.

Ibrahim Halawa a été arrêté, alors qu’il avait 17 ans, en même temps que 330 autres personnes lors de manifestations marquées par des violences qui ont eu lieu les 16 et 17 août 2013 non loin de la mosquée d’al Fath, au Caire, et au cours desquelles 97 manifestants ont été tués.

Rien ne prouve qu’Ibrahim Halawa ait participé à ces violences, et Amnesty International estime qu’il a été arrêté uniquement pour avoir exercé pacifiquement ses droits à la liberté d’expression et de réunion.

« Nous accueillons avec satisfaction l’acquittement d’Ibrahim Halawa, à l’issue de quatre années de détention illégale, mais cette décision est trop tardive. Ce prisonnier d’opinion n’aurait jamais dû être arrêté et placé en détention, a déclaré Najia Bounaim, directrice des recherches pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« L’acquittement d’Ibrahim Halawa met fin à une grave injustice en ce qui le concerne. Il est par ailleurs inacceptable que les autorités égyptiennes aient condamné les 442 autres prévenus à de lourdes peines à l’issue d’un simulacre de procès qui a bafoué les normes les plus fondamentales en matière d’équité, alors que les forces de sécurité, qui ont utilisé une force excessive et meurtrière lors des manifestations ce jour-là, ont échappé à toute sanction. »

L'acquittement d'Ibrahim Halawa met fin à une grave injustice en ce qui le concerne. Il est par ailleurs inacceptable que les autorités égyptiennes aient condamné les 442 autres prévenus à de lourdes peines à l'issue d'un simulacre de procès qui a bafoué les normes les plus fondamentales en matière d'équité

Najia Bounaim, directrice des recherches pour l'Afrique du Nord à Amnesty International

Amnesty International demande la libération immédiate de toutes les autres personnes qui dans cette affaire ont été arrêtées et condamnées alors qu’elles n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits légitimes.

L’organisation a examiné le dossier de l’affaire et s’est entretenue avec au moins cinq avocats travaillant sur ce dossier. Il apparaît que le tribunal s’est uniquement basé sur des informations infondées fournies par les forces de sécurité et sur les enquêtes menées par l’Agence de sécurité nationale, pour prononcer ces condamnations. 

Selon un document audiovisuel adressé au tribunal par le ministère de l’Intérieur, des éléments de preuve ont été réunis contre deux seulement des 330 prévenus détenus dans cette affaire depuis plus de quatre ans.

Ce procès n'a été qu'une terrible parodie de justice du début jusqu'à la fin

Najia Bounaim, directrice des recherches pour l'Afrique du Nord à Amnesty International

« Ce procès n’a été qu’une terrible parodie de justice du début jusqu’à la fin. Il est marqué par le rejet d’éléments de preuve essentiels, basé sur l’utilisation de témoignages douteux, et les prévenus ont été privés d’une véritable possibilité d’assurer leur défense. Cela met en évidence les graves failles qui font la triste réputation du système pénal égyptien, a déclaré Najia Bounaim.

« Toutes les personnes qui ont été condamnées uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion doivent être libérées immédiatement. Ceux contre qui des éléments de preuve recevables suffisants ont été rassemblés doivent être rejugés dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales d’équité et sans recours possible à la peine de mort, ou relâchés. »

Le procès s’est tenu dans une salle d’audience de la prison de Wadi al Natroun, à 110 kilomètres au nord du Caire. Les avocats ont dit à Amnesty International qu’au cours du procès, les prévenus se trouvaient derrière une vitre qui les empêchait d’entendre ce qui se disait et de participer aux débats. De plus, le fait de juger des prévenus dans l’enceinte d’une prison porte atteinte au principe de la présomption d’innocence.

Complément d’information

Le tribunal a condamné le 18 septembre 43 prévenus à la réclusion à perpétuité (25 ans aux termes du droit égyptien), 399 autres prévenus à des peines allant de cinq à quinze ans d’emprisonnement, et 52 autres ont été acquittés, parmi lesquels Ibrahim Halawa. Ce procès concernait 494 prévenus, dont 333 étaient en détention. Ceux qui ont été jugés par contumace peuvent faire appel de leur condamnation et être rejugés par le même tribunal, mais ceux qui ont été jugés en leur présence doivent présenter un recours devant la Cour de cassation.