Carnage en Amérique centrale – Le mur frontalier de Donald Trump risque d’empêcher les réfugiés d’échapper à une vie de violence et de peur

La vision d’une dizaine d’enfants jouant derrière une haute barrière métallique, entourés de gardes armés, en dit long : dans l’un des barrios les plus dangereux du monde, même la récréation est sous haute surveillance.

Ce parc, fraîchement sorti de terre, est situé dans le quartier de Rivera Hernández dans la ville de San Pedro Sula, au Honduras. C’est l’une des zones les plus meurtrières de la ville la plus dangereuse de l’un des pays les plus dangereux au monde.

Nous longeons le parc dans une petite voiture, les fenêtres grandes ouvertes. Le conducteur, un jeune homme né à quelques pâtés de maison de l’endroit où nous nous rendons, précise qu’il faut que les membres des gangs locaux puissent nous voir. Ils n’aiment pas trop les visites d’étrangers.

Sept gangs rivaux agissent dans le quartier de Rivera Hernández. Ils contrôlent chacun des 39 quartiers qui composent la zone, ainsi que les vies des 150 000 hommes, femmes et enfants qui y vivent.

Sur plusieurs murs, des graffitis indiquent les divisions du territoire, et avertissent les résidents des conséquences qui les attendent s’ils sortent du rang.

Graffiti d'un gang local du quartier de Rivera Hernandez, l'une des zones les plus dangereuses du Honduras
Graffiti d'un gang local du quartier de Rivera Hernandez, l'une des zones les plus dangereuses du Honduras

Tous ceux qui vivent là connaissent les règles de base : ne pas traîner avec les membres d’un gang rival, ne pas s’élever contre le gang qui contrôle son quartier, ne pas refuser de rejoindre le gang de son quartier ou de devenir la « petite amie » de l’un des chefs, payer les « impôts » imposés par les gangs.

La punition si l’on enfreint la règle ? La mort.

Camila, une enseignante de 22 ans, a emménagé à Rivera Hernández quand elle était adolescente, lorsque son père a trouvé du travail dans une usine locale.

Grandir dans ce quartier a été difficile.

Ici, on ne peut pas se promener librement. Pour les enfants, cela revient à vivre dans une prison, car ils ont peur. Dans les écoles, il y a de nombreux membres de gangs qui harcèlent et effraient les enfants.

Camila, une enseignante de Rivera Hernandez

« Il y a beaucoup de bonnes personnes qui vivent à Rivera Hernández, qui travaillent dur et qui veulent améliorer la situation, mais il y a aussi beaucoup de membres de gangs et de militaires qui ne nous protègent pas, » a-t-elle déclaré.

« Ici, on ne peut pas se promener librement. À tout moment, il peut y avoir des échanges de tirs dans lesquels des jeunes sont tués par des membres de gangs ou par des soldats, qui sont souvent de mèche avec les gangs.

« Pour les enfants, cela revient à vivre dans une prison, car ils ont peur. Dans les écoles, il y a de nombreux membres de gangs qui harcèlent et effraient les enfants. Ils vous forcent à devenir leur petite amie, et si vous vous plaignez, personne ne fait rien, tout le monde a trop peur. Beaucoup d’enseignants ont été contraints de quitter leur école, voire le pays, car les gangs les menaçaient. »

Une aire de jeux pour enfants sécurisée, dans le quartier de Rivera Hernandez, l'une des zones les plus dangereuses du Honduras
Une aire de jeux pour enfants sécurisée, dans le quartier de Rivera Hernandez, l'une des zones les plus dangereuses du Honduras

La fuite pour seul horizon

Camila travaille maintenant à Paso a Paso, une organisation locale fondée en 2002 pour donner des cours de soutien aux enfants du quartier dans un environnement sûr.

Le bâtiment est un havre de paix au milieu de la violence qui règne de l’autre côté de ses hauts murs de brique. Plusieurs groupes de garçons et de filles, âgés de six à 16 ans, étudient, font leurs devoirs, lisent et participent à des débats sur la manière de construire un environnement plus sûr au Honduras.

« J’ai rejoint le programme quand j’avais neuf ans. Il a changé ma vie, car je n’avais nulle part où aller quand mes parents travaillaient. Ici, ils nous apprennent des choses, et ils nous offrent un endroit sûr. Lorsque j’ai fini mes études, je suis restée pour aider les autres, » déclare Camila.

Cependant, aussi impressionnant soit-il, le projet semble parfois n’être qu’un pansement de fortune au milieu de toute la violence et de la terreur qui dominent la vie de milliers de personnes de l’autre côté de ces murs.

Avec un taux d’homicides qui n’est dépassé que par la Syrie, et un gouvernement qui ne prend guère de mesures pour protéger les cibles de ces violences, le Honduras s’est pratiquement transformé en zone de guerre, ne laissant que peu de choix à la majorité de la population, en particulier aux adolescents, à part de fuir pour demander asile à l’étranger.

De nombreux enfants qui viennent ici ont vécu des histoires violentes, beaucoup d’entre eux ont vu des proches se faire assassiner. Nous les aidons à aller de l'avant, mais pour nombre d'entre eux, la seule option est de quitter le pays,

Camila, une enseignante de Rivera Hernandez

« De nombreux enfants qui viennent ici ont vécu des histoires violentes, beaucoup d’entre eux ont vu des proches se faire assassiner. S’ils déposent plainte, la police ne fait rien. Ils sont nombreux à ne pas porter plainte car ils savent que la police revend des informations aux gangs. Ici, il faut se taire, car si vous parlez, vous risquez de disparaître du jour au lendemain. [À Paso a Paso], nous les aidons à aller de l’avant, mais pour nombre d’entre eux, la seule option est de quitter le pays, » explique Camila.

Camila est l'une des enseignantes de Paso a Paso, une organisation de Rivera Hernandez
Camila est l'une des enseignantes de Paso a Paso, une organisation de Rivera Hernandez

Et ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à le faire.

D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le nombre de demandes d’asile déposées dans le monde par des Guatémaltèques, des Honduriens et des Salvadoriens a augmenté de près de 600 % entre 2010 et 2015.

En 2015, ils étaient 48 000 à avoir sollicité l’asile dans d’autres pays, soit le double du nombre de demandeurs en 2014.

Mais au lieu d’offrir les protections auxquelles ces personnes ont droit au titre du droit international, le Mexique et les États-Unis (les principales destinations de ceux qui fuient) les renvoient de plus en plus souvent vers le danger mortel auquel elles tentaient d’échapper.

Rien qu’entre 2010 et 2015, le nombre d’expulsions depuis le Mexique vers le Honduras a augmenté de 145 %.

Une fois de retour dans leur pays, les réfugiés se retrouvent seuls, sans recevoir la moindre forme de protection de la part du gouvernement, et confrontés aux mêmes gangs qui les ont terrorisés pendant des années.

Un changement de donne ?

Depuis sa prise de fonction le mois dernier, le président américain Donald Trump n’a pas mentionné les centaines de milliers de réfugiés d’Amérique centrale qui traversent le Mexique pour rejoindre les États-Unis en quête de sécurité. Mais son projet de mur frontalier entre les États-Unis et le Mexique, ainsi que ses autres politiques, risquent d’avoir des conséquences mortelles pour de nombreuses personnes qui cherchent un moyen d’échapper à la violence meurtrière qui est endémique dans leur pays d’origine en Amérique centrale.

Parmi la série de décrets présidentiels qu’il a signés au cours de sa première semaine à la Maison Blanche, le président Donald Trump a compliqué la vie de manière exponentielle pour toutes les personnes qui fuient les violences extrêmes dans l’espoir de trouver un lieu sûr où poser leurs valises. Il a notamment mis fin au programme Central American Minors, instauré en 2014 par le président Barack Obama pour aider les mineurs originaires de pays ravagés par la violence tels que le Honduras et le Salvador.

En fermant la porte aux réfugiés, Donald Trump les condamne à une vie de terreur et de violence.

Ce n’est pas en ne prenant aucune mesure pour protéger les réfugiés que des gens arrêteront d’entreprendre ces dangereux voyages, ils encourront juste davantage de risques, et cela les poussera à tenter leur chance encore et encore dans ce périlleux voyage en quête de sécurité.

« Nous entendons beaucoup d’histoires d’enfants qui se font expulser du Mexique et des États-Unis, et qui se font maltraiter ou tuer. La plupart de ceux qui sont expulsés recommencent le voyage encore et encore dès qu’ils sont renvoyés. Ils n’ont pas d’autre choix, » déclare Camila.

Les noms ont été modifiés afin de préserver la sécurité des personnes interrogées.

Cet article a initialement été publié dans l’International Business Times.