Guinée. Le nouveau Code pénal supprime la peine capitale, mais ne remédie pas à l’impunité et maintient des dispositions répressives

Le vote de l’Assemblée nationale guinéenne en faveur d’un nouveau Code pénal abolissant la peine de mort est une avancée importante pour les droits humains dans le pays. Toutefois, le Code contient des dispositions renforçant l’impunité dont jouissent les forces de sécurité et réprimant l’expression de la dissidence, a déclaré Amnesty International

Le nouveau Code pénal supprime la peine de mort de la liste des peines applicables et, pour la première fois, criminalise la torture. Pourtant, certaines formes de torture les plus fréquentes sont définies comme des traitements cruels et inhumains, pour lesquels le texte de loi ne prévoit pas de peines explicites.

« Quinze ans après avoir procédé à sa dernière exécution, la Guinée, en adoptant ce Code pénal, devient le 19e pays d’Afrique à abolir la peine de mort pour tous les crimes, se plaçant du bon côté de l’histoire, a déclaré François Patuel, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Toutefois, certaines dispositions renforceront la culture de l’impunité pour les forces de sécurité, limiteront la liberté d’expression et de réunion pacifique, et viennent assombrir cette victoire historique pour les droits humains. Lorsqu’il le promulguera, le président devra veiller à ce que le Code pénal soit révisé afin d’aligner ces dispositions sur le droit régional et international relatif aux droits humains. »

Quinze ans après avoir procédé à sa dernière exécution, la Guinée, en adoptant ce Code pénal, devient le 19e pays d'Afrique à abolir la peine de mort pour tous les crimes, se plaçant du bon côté de l'histoire.

François Patuel, chercheur pour l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International

La torture est passible de peines allant d’une amende de 500 000 francs guinéens (60 euros) à 20 ans d’emprisonnement. Cependant, certains actes, qui répondent à la définition de la torture telle qu’inscrite dans le droit international, sont classés dans la catégorie des traitements « inhumains et cruels », pour lesquels aucune sanction n’est précisée. Il s’agit notamment du viol, des décharges électriques, des brûlures, des positions douloureuses, de la privation sensorielle, et des simulacres d’exécution et de noyade.

Amnesty International et des ONG guinéennes ont recensé au moins quatre cas de torture, depuis le début de l’année, dont un qui a été filmé et diffusé sur les réseaux sociaux. Aucun suspect n’a été poursuivi pour ces agissements.

En outre, le Code définit en termes vagues des actes justifiables par des dispositions relatives à la « légitime défense » et l’« état de nécessité », susceptibles d’être utilisés pour protéger les membres des forces de sécurité qui font des victimes en usant d’une force excessive. Aux termes du droit et des normes internationaux relatifs à l’application des lois, les forces de sécurité ne doivent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire et proportionné à l’exercice de leurs fonctions.

« Les autorités guinéennes ne doivent pas, d’un côté, abolir la peine de mort et, de l’autre, exonérer les forces de sécurité de toute responsabilité pénale pour les homicides perpétrés soi-disant au nom de la prévention de la criminalité », a déclaré François Patuel.

Les dispositions du Code sur les rassemblements demeurent vagues et floues, conférant aux autorités une grande marge d’appréciation pour interdire les manifestations pacifiques pour des motifs qui ne sont pas conformes aux normes internationales. En outre, les organisateurs de manifestations pourraient être tenus pour responsables d’actes illicites commis par des manifestants.

Le Code maintient également des lois répressives qui érigent en infraction la diffamation et l’injure à l’encontre de personnalités publiques, que ce soit sous forme de gestes, d’écrits ou de dessins, infractions passibles d’une peine maximale de cinq années d’emprisonnement.

Complément d’information

En 2015, les forces de sécurité ont tué des dizaines de personnes et en ont blessé des centaines lors d’une manifestation pacifique. Les auteurs de ces crimes n’ont pas été déférés à la justice.

Depuis le début de l’année, cinq syndicalistes et un journaliste ont été condamnés à des peines de prison pour outrage au chef de l’État. Un autre journaliste a été condamné à une amende de 1 000 000 de francs guinéens (122 euros) pour complicité dans une affaire d’insulte envers le chef de l’État. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a souligné que les chefs d’État et de gouvernement sont légitimement exposés à la critique et à l’opposition politique, et a fait part de sa préoccupation quant aux lois interdisant la diffamation envers le chef de l’État et régissant la protection de l’honneur des fonctionnaires.

Après l’adoption de la loi à l’Assemblée nationale, le président doit la promulguer pour qu’elle devienne applicable. S’il ne le fait pas dans les 10 jours, la loi entre en vigueur.