Avertissement aux investisseurs : Shell fait l’objet de nouvelles poursuites judiciaires pour des déversements de pétrole au Nigeria

Le défaut d’entretien et de protection par Shell des oléoducs pourrait exposer la compagnie pétrolière à une série de demandes d’indemnisation de la part de nombreuses communautés du delta du Niger, a déclaré Amnesty International le 2 mars alors que le cabinet d’avocats londonien Leigh Day annonçait deux nouvelles actions en justice contre Royal Dutch Shell.

Les dernières actions en date ont été engagées aujourd’hui au nom de deux communautés du delta du Niger – Bille et Ogale – qui ont été touchées par la pollution pétrolière.

Dans son rapport destiné aux investisseurs intitulé Shell’s growing liabilities in the Niger Delta: Lessons from the Bodo court case, Amnesty International avertit les investisseurs de Shell du fait que les manquements du géant pétrolier en matière d’inspection et d’information sur les déversements d’hydrocarbures pourraient masquer l’ampleur des obligations financières susceptibles de lui incomber.

Shell a déjà versé 55 millions de livres sterling à la communauté Bodo à la suite d’un accord à l’amiable en janvier 2015. Des documents du dossier judiciaire montrent que Shell a admis avoir sous-estimé le volume d’hydrocarbures déversés dans la région. Shell avait affirmé à maintes reprises que la communauté de Bodo avait été touchée par une fuite d’un volume de 4 000 barils de pétrole, mais les expertises ont évalué le déversement qui s’est produit dans la région à 500 000 barils.

Des documents judiciaires ont également révélé que des courriels et rapports internes, dont certains remontaient à 2001, ont montré que des cadres de Shell avaient exprimé des inquiétudes et signalé la nécessité de remplacer des oléoducs dans le delta du Niger, en expliquant qu’il existait pour certaines sections « un danger et un risque majeur ».

« Shell présente un effroyable bilan en matière de zones d’ombre et de désinformation en ce qui concerne ses opérations dans le delta du Niger. Notre rapport révèle à quel point Shell a agi de façon irresponsable dans la région », a déclaré Peter Frankental, directeur du programme Questions économiques pour le Royaume-Uni.

Shell présente un effroyable bilan en matière de zones d'ombre et de désinformation en ce qui concerne ses opérations dans le delta du Niger. Notre rapport révèle à quel point Shell a agi de façon irresponsable dans la région.

Peter Frankental, directeur du programme Questions économiques pour le Royaume-Uni

« Il est désolant qu’il faille que Shell soit traîné devant les tribunaux pour qu’une solution soit apportée à ces problèmes. Si Shell avait simplement accepté sa responsabilité et procédé rapidement au nettoyage complet des zones touchées par les déversements d’hydrocarbures, les communautés affectées n’auraient pas autant vécu dans l’angoisse et perdu leur temps, leur argent, leur santé et leurs moyens de subsistance.

« Nous espérons que l’affaire relative à Bodo et ces nouvelles poursuites judiciaires vont inciter Shell à accepter ses responsabilités, à nettoyer les zones souillées et à indemniser les habitants du delta du Niger dont la vie a été dévastée par ces déversements. »

Ogale continue de subir la pollution pétrolière due à une fuite qui a eu lieu en 2009, selon un rapport publié par Amnesty International en novembre 2015. Quand des chercheurs d’Amnesty international se sont rendus sur le site du déversement d’hydrocarbures qui s’est produit en 2009 à Ogale, ils ont constaté que les terres agricoles et les marais étaient très pollués, avec des taches noires sur le sol et une forte odeur de pétrole. Shell n’a pas convenablement nettoyé ce site, alors même que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a fait état d’une grave pollution – notamment d’une forte contamination des nappes phréatiques – dans son rapport essentiel établi en 2011.

Complément d’information : une communauté a reçu une indemnisation

En janvier 2015, quelque 15 600 paysans et pêcheurs de Bodo devaient recevoir chacun près de 2 000 livres sterling dans la cadre de l’indemnisation d’un montant de 55 millions de livres sterling versée par Shell pour la pollution causée par deux déversements d’hydrocarbures qui se sont produits en 2008 et 2009 et qui ont eu des effets dévastateurs sur l’environnement à Bodo, dans la division administrative de Gokana, État de Rivers, au Nigeria.

Cette indemnisation a été obtenue à l’issue d’une bataille judiciaire de trois années entre Shell et la communauté de Bodo représentée par le cabinet Leigh Day.

Le rapport d’Amnesty International intitulé Shell’s growing liabilities in the Niger Delta: Lessons from the Bodo court case met en lumière les conclusions du jugement préliminaire qui a été rendu dans l’affaire relative à Bodo, et des éléments clés contenus dans les documents soumis à la justice britannique avant l’accord à l’amiable.