Des milliers de familles des victimes du génocide de Srebrenica sont toujours privées de l’accès à la justice, à la vérité et à des réparations, a déclaré Amnesty International samedi 11 juillet, alors que le monde commémore le 20e anniversaire de ce massacre qui a fait plus de 8 000 victimes.
« Il y a 20 ans, le monde fermait les yeux sur l’un des crimes les plus terribles commis en Europe depuis 1945. Et les familles des victimes du génocide de Srebrenica attendent toujours que justice leur soit rendue, a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
« Loin de s’estomper avec le temps, la nécessité pour toutes les autorités de Bosnie-Herzégovine de reconnaître et de réparer ces crimes n’a rien perdu de son urgence. Plus les coupables jouissent de l’impunité et plus les morts croupissent dans les charniers, plus cette douloureuse blessure mettra du temps à cicatriser, favorisant les divisions ethniques délétères et durables. »
Loin de s’estomper avec le temps, la nécessité pour toutes les autorités de Bosnie-Herzégovine de reconnaître et de réparer ces crimes n’a rien perdu de son urgence. Plus les coupables jouissent de l’impunité et plus les morts croupissent dans les charniers, plus cette douloureuse blessure mettra du temps à cicatriser, favorisant les divisions ethniques délétères et durables. »
John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International
Vingt ans après que les forces serbes de Bosnie ont pénétré dans l’enclave de Srebrenica, déclarée « zone de sécurité » par l’ONU, et ont exécuté de manière sommaire des milliers de Musulmans de Bosnie, hommes et adolescents, on ignore toujours ce qu’il est advenu de plus d’un millier de personnes.
Les corps de plus de 7 000 victimes du génocide de Srebrenica ont été exhumés, identifiés et enterrés. Parmi eux, 421 enfants, dont un nouveau-né, et une femme de 94 ans. La récupération et l’identification d’un millier de dépouilles est en cours.
Au total, plus de 8 000 personnes à travers le pays sont portées disparues depuis la fin de la guerre en 1995, et l’Institut national des personnes disparues voit chaque année son budget diminuer. La Loi sur les personnes disparues n’a jamais été pleinement appliquée, et les familles n’ont donc toujours pas pu obtenir réparation. Le Fonds de soutien aux familles des personnes disparues n’a toujours pas été mis sur pied, alors que la loi a été promulguée en 2004.
Les politiques officielles et les lois ne reconnaissent pas le génocide et les programmes scolaires ne font pas mention des crimes commis à Srebrenica. Le processus de réconciliation est au point mort et les divisions ethniques internes perdurent.
Malgré les procès des principaux responsables du génocide de Srebrenica – Radovan Karadžić, Ratko Mladić et Slobodan Milošević – devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et la condamnation de 74 autres accusés par le Tribunal, les affaires non résolues s’accumulent. Les procédures au sein des instances nationales pour des crimes relevant du droit international s’avèrent très lentes. La grande majorité des auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité jouissent de l’impunité, en ayant la certitude que, sans volonté politique, ils n’auront jamais de comptes à rendre.
Si la Bosnie-Herzégovine a pris des mesures positives en vue d’accroître les ressources allouées aux poursuites pour crimes de guerre, ce financement demeure insuffisant et le gouvernement fait preuve de lenteur dans la mise en œuvre de la stratégie nationale relative aux crimes de guerre. Il convient de mener de nouvelles enquêtes et poursuites et de garantir la protection des témoins, afin qu’ils puissent témoigner sans crainte.
« Srebrenica rappelle avec force que l’être humain est capable des pires horreurs, mais rappelle aussi l’échec de la communauté internationale à prévenir un génocide qui s’est déroulé à la vue de tous, a déclaré John Dalhuisen.
« Depuis 20 ans, les dirigeants de Bosnie-Herzégovine refusent d’admettre où sont enterrés les cadavres, au sens propre comme au sens figuré. Des mesures efficaces doivent être mises en place sans délai afin de soulager la souffrance de ceux qui attendent de connaître la vérité et d’obtenir justice. Sans obligation de rendre des comptes, sans justice ni réparations, il sera très difficile de parvenir à une réconciliation durable. »
Des mesures efficaces doivent être mises en place sans délai afin de soulager la souffrance de ceux qui attendent de connaître la vérité et d’obtenir justice. Sans obligation de rendre des comptes, sans justice ni réparations, il sera très difficile de parvenir à une réconciliation durable.
John Dalhuisen
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Plus de 8 000 (selon les chiffres officiels 8 372) hommes et adolescents bosno-musulmans ont été tués lorsque les forces serbes de Bosnie ont pénétré les 10 et 11 juillet 1995 dans l’enclave de Srebrenica, déclarée « zone de sécurité » par l’ONU, malgré la présence des Casques bleus.
Par une résolution du Parlement européen, le 11 juillet est devenu Journée de commémoration du génocide dans l’ensemble de l’Union européenne.
Le 8 juillet, la Russie a opposé son veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU portant sur le génocide de Srebrenica. Cette résolution reconnaissait Srebrenica comme un génocide et soulignait la nécessité de rendre justice aux victimes et d’offrir un soutien durable à celles qui ont survécu, notamment celles qui ont subi des violences sexuelles, ainsi que de faire la lumière sur le sort des plus de 8 000 personnes toujours portées disparues depuis la guerre.
La Bosnie-Herzégovine doit adopter la stratégie de justice de transition, cadre global non judiciaire qui traite des questions négligées ou sous-représentées en lien avec les crimes de guerre et les violations graves des droits humains commis pendant la guerre. En outre, elle doit promulguer une loi nationale criminalisant la négation du génocide et des crimes de guerre, et mettre en œuvre la stratégie relative aux crimes de guerre, ainsi que les obligations nationales et internationales relatives à l’obligation de rendre des comptes, à la justice et aux réparations.