Brésil. Abaisser l’âge de la responsabilité pénale enverra des mineurs dans un système carcéral digne du Moyen Âge

Le projet visant à abaisser l’âge auquel les mineurs peuvent être jugés comme des adultes au Brésil fragiliserait profondément les droits des mineurs et pourrait mener des adolescents dans des prisons pour adultes où ils risquent d’être victimes de terribles violences, d’abus et de manipulation, a déclaré Amnesty International lundi 18 mai 2015.

Le Congrès brésilien envisage actuellement de faire passer de 18 à 16 ans l’âge des adolescents pouvant être poursuivis comme des adultes. Si elle était adoptée, cette loi signifierait que certains mineurs seraient jugés en tant qu’adultes, encourraient les mêmes sanctions pénales et risqueraient d’être envoyés dans des prisons pour adultes.

« Ceci constitue une nouvelle attaque choquante contre les droits des jeunes au Brésil. Il est bien établi que les adolescents sont plus susceptibles d’être les victimes que les auteurs d’infractions. Les chiffres des homicides de jeunes noirs dans ce pays sont un scandale national, dont il faudrait se préoccuper de toute urgence. Or, au lieu de protéger ces mineurs, on les diabolise et on les présente comme des criminels, ce qui exacerbe leur vulnérabilité dans l’un des systèmes carcéraux les plus oppressifs du monde », a déclaré Atila Roque, directeur exécutif d’Amnesty International Brésil.

Les conditions de vie dans les prisons pour adultes au Brésil sont dignes du Moyen Âge. Enfermer adultes et mineurs dans les mêmes prisons serait catastrophique, et exposerait les jeunes au danger dans un système carcéral surpeuplé et insuffisamment doté, où sont recensés de nombreux abus, des conditions inhumaines et des actes de torture.

Atila Roque, directeur exécutif d’Amnesty International Brésil

« Les conditions de vie dans les prisons pour adultes au Brésil sont dignes du Moyen Âge. Enfermer adultes et mineurs dans les mêmes prisons serait catastrophique, et exposerait les jeunes au danger dans un système carcéral surpeuplé et insuffisamment doté, où sont recensés de nombreux abus, des conditions inhumaines et des actes de torture », a déclaré Atila Roque.

Le système carcéral brésilien est l’un des plus violents de la planète. Le Brésil a la quatrième population carcérale la plus importante au monde, après les États-Unis, la Chine et la Russie, selon le Centre international d’études pénitentiaires.

Atteintes aux normes internationales

Abaisser l’âge minimum de la responsabilité pénale et exclure les jeunes âgés de 16 à 18 ans du système de justice pour mineurs bafouerait par ailleurs les obligations qui sont celles du Brésil aux termes du droit international. Celles-ci sont inscrites dans la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies, l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs et diverses normes de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Ces textes disposent tous que les mineurs doivent bénéficier d’un traitement spécifique au sein d’un système de justice pour mineurs qui prenne en compte leurs besoins particuliers en fonction de leur âge.

Amnesty International demande aux autorités brésiliennes d’abandonner le projet visant à abaisser l’âge de la responsabilité pénale, et de s’efforcer plutôt de mieux protéger les mineurs, en particulier en luttant contre le nombre extrêmement élevé de meurtres dont les victimes sont des jeunes, en particulier des jeunes hommes noirs.

Amnesty International Brésil a lancé une campagne de courriels ayant pour but d’exhorter le Congrès à renoncer à ce texte. L’organisation salue la position de la présidente brésilienne Dilma Rousseff, qui s’est exprimée contre la modification proposée.

« Il ne s’agit là que d’une des diverses tentatives inquiétantes du Congrès en vue de démanteler le système de protection des droits humains qui existe actuellement au Brésil. En abaissant l’âge de la responsabilité pénale, les autorités brésiliennes piétinent les droits des enfants et des adolescents du pays. Au lieu d’essayer de trouver des manières de juger les mineurs comme des adultes, le gouvernement devrait s’attacher à respecter les droits des mineurs, notamment leurs droits à l’éducation, à la santé et à une vie exempte de violence », a déclaré Atila Roque.

Complément d’information

Historiquement, le système judiciaire et de sécurité publique du Brésil a toujours été caractérisé par un niveau élevé d’impunité, d’inefficacité et de violences policières, ainsi que par des prisons dangereuses.

Selon le Service national de la sécurité publique, les jeunes âgés de 16 à 18 ans commettent à peine 0,9 % des infractions dans le pays. En revanche, les données les plus récentes en matière d’homicides montrent que sur les 56 000 homicides enregistrés, 30 000 des victimes étaient âgées de 15 à 29 ans, et que 77 % de celles-ci étaient noires.

D’après des prévisions pouvant être établies à partir de l’Indice des homicides parmi les adolescents, plus de 42 000 adolescents (jeunes âgés de 12 à 18 ans) risquent d’être tués au cours des quatre années à venir.

En 1990, le Brésil a promulgué la Loi relative aux droits de l’enfant et de l’adolescent. Ce texte fixe l’âge minimum de la responsabilité pénale à 12 ans, mais dispose que lorsque l’accusé a entre 12 et 18 ans, le procès doit se dérouler sous l’égide d’un système de justice pour mineurs, qui prenne en considération leurs droits, ainsi que leurs caractéristiques sociales et leur développement psychologique, notamment en n’envisageant une privation de liberté qu’en dernier recours et pour la période la plus courte possible.

Si les États ont l’obligation particulière de poursuivre et sanctionner les auteurs d’une infraction, le gouvernement doit prendre en considération les différences – en termes de développement physique et psychologique – des mineurs, y compris ceux âgés de 16 à 18 ans, par rapport aux adultes.