Guatemala : au lendemain du massacre, il faut enquêter, engager des poursuites et enfin entamer un véritable dialogue

Le seul moyen pour les autorités guatémaltèques d’empêcher que des violences meurtrières n’éclatent lors des manifestations consiste à mener une véritable consultation avec les populations indigènes, les travailleurs agricoles et les organisations de la société civile, a déclaré Amnesty International vendredi 26 octobre. Cet appel intervient au lendemain de la rencontre entre le président Otto Pérez Molina et les représentants de la communauté indigène des Mayas-Quichés de Totonicapán, à 150 kilomètres au nord-ouest de la capitale. Lors d’une manifestation organisée courant octobre le long de la route Panaméricaine, à la sortie de la ville, sept personnes ont été abattues et plus de 30 blessées par les forces de sécurité. Un colonel et huit soldats vont être jugés à Guatemala, pour des charges liées à ces homicides. « Certes, il est positif que l’enquête se poursuive sur les morts tragiques à Totonicapán, mais elles auraient pu être évitées si le président avait entamé plus tôt le dialogue avec les habitants de la région, a déploré Sebastian Elgueta, chercheur sur le Guatemala à Amnesty International. « S’abstenir de conduire de véritables consultations avec les personnes touchées par des lois et des projets de développement mène droit au désastre. Aussi est-il primordial de mener à bien la consultation actuelle afin d’éviter que les conflits sociaux ne dégénèrent à l’avenir dans la violence. » Au mois d’avril, le Comité des droits de l’homme de l’Assemblée générale des Nations unies a souligné que les autorités du Guatemala ne consultaient pas les peuples indigènes – or, les obligations découlant du droit international exigent d’obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des populations indigènes pour tout projet susceptible de les affecter ou d’affecter leur mode de vie. Lors de la manifestation du 4 octobre, les habitants dénonçaient notamment les tarifs en hausse de l’électricité, les réformes législatives affectant les enseignants et les répercussions de réformes constitutionnelles sur les populations indigènes. D’après l’ONG locale Udefegua, les responsables indigènes de Totonicapán avaient sollicité une entrevue avec le président à plusieurs reprises, avant de décider de manifester pour faire entendre leurs préoccupations. Lorsqu’ils l’ont finalement rencontré mercredi 24 octobre, ils lui ont aussi demandé des réparations pour les familles des victimes, blessées ou tuées à la suite de l’intervention des forces de sécurité lors du rassemblement. L’enquête est ouverte Au lendemain des homicides du 4 octobre, les autorités guatémaltèques ont ouvert une enquête en vue d’établir ce qui s’était passé et le président Pérez Molina, ancien général, a promis la totale coopération des forces armées. Un rapport du bureau du procureur général a depuis laissé entendre que les soldats qui sont intervenus ont agi en dépit des ordres reçus, tandis qu’un rapport du ministère public révèle des preuves balistiques qui montrent que ce sont les soldats qui ont ouvert le feu sur les manifestants – contredisant les précédentes déclarations officielles. Les autorités guatémaltèques doivent commencer par expliquer pourquoi l’armée a été déployée pour maintenir l’ordre lors de cette manifestation. « Au regard de la douloureuse histoire des violations des droits humains imputables à l’armée durant la guerre civile qui a duré plusieurs décennies au Guatemala, toute militarisation de la réponse apportée à des rassemblements publics est particulièrement préoccupante – d’autant plus après la tragédie qui s’est déroulée à Totonicapán, a conclu Sebastian Elgueta. « L’enquête doit faire la lumière sur les motifs qui ont amené les autorités à déployer des soldats lors d’un rassemblement public. Toutes les personnes ayant recouru à une force excessive doivent être déférées à la justice, et les victimes et leurs familles doivent recevoir des réparations pleines et entières. »