Somalie : des civils victimes de violations des droits humains

Des pratiques se traduisant par des atteintes systématiques aux droits humains sont clairement apparues lors de la dernière escalade de violence en Somalie. Celle-ci a été déclenchée par une offensive de grande ampleur, lancée en mai 2009 par des groupes armés d’opposition contre le gouvernement de Mogadiscio, a indiqué Amnesty International ce jeudi 25 mars. Dans un rapport intitulé Somalia: No end in sight: The ongoing suffering of Somalia’s civilians, l’organisation examine les violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains commises ces six derniers mois, principalement par des groupes armés opposés aux forces du gouvernement somalien et de l’Union africaine (UA). Par ailleurs, ce document énumère les différentes allégations selon lesquelles ces forces auraient ouvert le feu sans discernement, allégations qui nécessitent l’ouverture d’une enquête. Des milliers de civils ont été tués ou blessés dans des pilonnages ou d’autres types de bombardements à l’arme lourde lorsque les groupes armés d’opposition Al Shabab et Hizbul Islam combattaient les forces du gouvernement fédéral de transition et de l’UA. « Nous pensons que les cas signalés ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. En raison de l’insécurité permanente, il est extrêmement difficile d’obtenir des informations fiables », a expliqué Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. Selon les estimations des Nations unies, les affrontements entre les forces gouvernementales et les insurgés ont fait des dizaines de victimes civiles dans la capitale et ont contraint plus de 55 000 personnes à abandonner leurs domiciles depuis début février 2010. Des groupes armés utilisent des obus de mortier et de l’artillerie lourde dans des quartiers résidentiels et des espaces publics de Mogadiscio : ils visent les bases tenues par le gouvernement fédéral de transition et la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), qui se situent à proximité de zones civiles. Ces opérations donnent lieu à des représailles et provoquent des déplacements incessants de rescapés, fuyant pour protéger leur vie. Certaines attaques ciblent délibérément des civils. Le 3 décembre 2009, une explosion a détruit l’hôtel Shamo alors qu’une cérémonie de remise de diplômes à des étudiants en médecine s’y déroulait : 23 personnes ont été tuées et 60 autres blessées. « Aucune des parties à ce conflit ne semble prendre les précautions nécessaires pour éviter de blesser ou de tuer des civils, bien qu’elles soient tenues de le faire aux termes du droit international humanitaire, a indiqué Erwin van der Borght. Elles doivent toutes arrêter de viser des civils, qui continuent à être tués illégalement et en toute impunité. » Les personnes vivant dans des zones contrôlées par des groupes armés d’opposition risquent de plus en plus de subir des actes de torture ou d’être victimes d’exécutions publiques illégales, notamment par lapidation, d’amputations et de flagellation, sous couvert du maintien de l’ordre. « Par ces atroces démonstrations de cruauté et de violence, les groupes armés tentent – semble-t-il – d’intimider la population et d’insinuer la peur en elle afin de renforcer leur mainmise sur un territoire », a ajouté Erwin van der Borght. L’acheminement de l’aide humanitaire, dont ont désespérément besoin les personnes déplacées en raison du conflit, est gravement entravé par les groupes d’opposition, qui accusent souvent les organisations humanitaires de se livrer à des opérations d’espionnage pour le compte de la communauté internationale. Par ailleurs, ces groupes continuent à intimider des journalistes et à imposer des règles strictes aux médias en vue d’étouffer la liberté d’expression par tous les moyens. Amnesty International a exhorté le gouvernement fédéral de transition, les groupes armés d’opposition, l’Union africaine et la communauté internationale à appliquer une série de recommandations pour tenter de limiter les violations des droits humains commises à l’encontre de civils et de permettre aux organisations humanitaires d’accéder en toute sécurité aux régions concernées.