Zam Zam Abdullahi Abdi milite en faveur des droits humains en Somalie depuis de nombreuses années. Elle est responsable du renforcement des capacités au sein de la Coalition des organisations populaires de femmes (COGWO), et présidente de la section somalienne du Réseau africain pour la prévention et la protection contre l’abus et la négligence de l’enfant (ANPPCAN).
D’où vient votre intérêt pour les droits humains ? J’ai regardé autour de moi et je me suis rendu compte que les femmes somaliennes n’avaient aucun contrôle sur leur vie. Leurs parents les retirent de l’école très jeunes et les marient. Des hommes riches se rendent à Mogadiscio pour chercher une épouse et les parents acceptent de marier leurs filles ; ils les vendent comme s’il s’agissait de marchandises. Je savais que le domaine dans lequel je travaillais, le journalisme, était dominé par les hommes et qu’il n’y avait aucun moyen réel de traiter les questions relatives aux femmes. En 2001, j’ai donc décidé de me concentrer sur la défense des droits des femmes. Quels sont, selon vous, les principaux obstacles rencontrés dans la lutte contre les atteintes aux droits humains ? Les préjugés et les idées fausses. Les droits des femmes se heurtent à une forte opposition. On m’accuse d’informer les femmes sur des droits « factices » alors que nous leur enseignons simplement la Déclaration universelle [des droits de l’homme]. Certains pensent que la Déclaration ne s’applique pas à ces dernières. [Mes collègues et moi] sommes accusés de faire sortir les femmes de chez elles et de les mettre dans la rue. Le problème fondamental est que les femmes somaliennes ne sont pas informées et n’ont aucun modèle féminin auquel se référer ou qui puisse les encourager et les inspirer. En Somalie, les femmes ne contrôlent rien, n’ont pas voix au chapitre dans le domaine politique et ne participent pas aux processus de prise de décisions. Nombre d’entre elles ont peur de dénoncer les violences qu’elles subissent car elles craignent de tout perdre et que leur mari les jette à la rue. Si vous pouviez changer la situation des droits des femmes en Somalie sur un point, que feriez-vous ? Je permettrais aux femmes d’accéder plus facilement à l’éducation. Je leur donnerais la possibilité d’apprendre davantage, de connaître leurs droits et de se défendre. Les jeunes femmes qui vont à l’université restent vulnérables aux violences mais, au moins, elles savent que de tels actes sont répréhensibles. Les femmes somaliennes ont besoin de connaître leurs droits au regard de l’islam, de savoir que défendre leurs droits ne signifie pas abandonner leur culture et leur religion. Les femmes ignorent, par exemple, que personne ne peut leur enlever un enfant au cours de ses sept premières années. Elles ne savent pas [que], si elles divorcent, c’est leur mari qui doit quitter le domicile conjugal. Ces droits existent, mais les femmes sont maintenues dans l’ignorance. Quelles conséquences votre action a-t-elle sur votre vie et/ou votre famille ? Notre bureau [à la Coalition des organisations populaires de femmes] a été pris pour cible et on nous a demandé, à mes collègues et moi, de dénoncer publiquement notre travail en faveur des femmes comme étant une activité criminelle. Nous avons reçu des menaces et plusieurs de mes collègues ont été tués. Malgré tout, mon travail est enrichissant et je suis pleinement convaincue d’être sur le bon chemin. Je rencontre de très nombreuses femmes et je parle avec elles. Ma fille de sept ans a l’habitude de voir des personnes arriver au milieu de la nuit, qui demandent de l’aide ou ont besoin d’être conduites à l’hôpital. J’ai le sentiment qu’elle commence déjà à comprendre. Qu’est-ce qui vous permet de garder votre motivation dans les moments difficiles ? Le désir que les responsables rendent des comptes. L’espoir que l’on puisse un jour traduire des personnes en justice pour ce qu’elles font subir à des femmes. Et les femmes qui nous contactent et nous demandent de l’aide – elles me poussent à continuer. Avez-vous un message pour nos lecteurs ? Nous devons aider les femmes à faire entendre leur voix. Elles ont besoin d’aide pour demander justice. Nous avons une cause à défendre et un objectif à accomplir. Parfois, certains sont en colère contre vous et tout le monde ne se réjouit pas forcément de ce que vous essayez de faire. Mais il ne faut pas laisser cette opposition vous arrêter.