Au Pakistan, l’espoir des familles de disparus à nouveau anéanti

«Les familles éprouvées des personnes disparues… attendaient leur retour, jour après jour. Une fois de plus, leurs espoirs sont brisés.» — Amina Janjua, l’épouse de Masood Janjua, disparu en 2005 Ce mardi 13 novembre 2007, la Cour suprême du Pakistan devait examiner les cas de 485 personnes qui avaient toutes été victimes de disparition forcée au cours des six dernières années. Certaines d’entre elles avaient été qualifiées de terroristes ou considérées comme représentant une menace pour la sûreté nationale. À la suite de la proclamation de l’état d’urgence, le 3 novembre, l’audience a été annulée. La confusion règne au sein de la Cour suprême depuis la révocation de son président et de certains autres magistrats de haut rang, ce qui signifie que les 485 personnes disparues se voient encore une fois refuser l’accès à la justice. L’espoir de ces personnes, de leurs familles et des organisations de défense des droits humains qui se battaient depuis plusieurs années pour obtenir justice, a été réduit à néant. La Cour suprême avait adopté une attitude ferme sur la question des disparitions présumées, exhortant le gouvernement et les services de sécurité de l’État à faire comparaître les détenus devant les tribunaux. Elle avait également fait savoir que les responsables présumés de violations des droits humains seraient amenés à rendre compte de leurs actes. L’engagement du Pakistan dans la «guerre contre le terrorisme» menée par les États-Unis s’est caractérisé par de très nombreuses violations des droits humains. À la suite d’arrestations massives de personnes soupçonnées de terrorisme – souvent opérées grâce à la promesse de primes s’élevant à plusieurs milliers de dollars – des gens ont été incarcérés dans le centre de détention américain de Guantánamo Bay (Cuba), transférés illégalement vers d’autres pays ou maintenus en détention arbitraire ou secrète au Pakistan. Un grand nombre de ces personnes – pour ne pas dire toutes – ont été torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements. Avant 2001, les disparitions forcées étaient rares au Pakistan. Mais, depuis, cette pratique qui visait essentiellement des personnes soupçonnées de terrorisme a également été utilisée à l’encontre d’autres opposants politiques présumés, y compris des nationalistes baloutches et sindhis et des journalistes. Lorsqu’il a imposé l’état d’urgence, le général Pervez Musharraf en a rejeté la responsabilité sur la violence des actions militantes. Il a également accusé les membres de l’appareil judiciaire de «contrecarrer l’action des pouvoirs exécutif et législatif dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme». Le président de la Cour suprême destitué, Iftitkar Choudhry, avait grandement contribué à ce que les cas des personnes disparues au cours de ces dernières années soient examinés par la Cour. Sous l’état d’urgence, de nombreux magistrats de la Cour suprême et des hautes cours provinciales qui avaient été impliqués dans cette procédure sont actuellement en résidence surveillée. Chose inquiétante, avec la modification apportée le 11 novembre à la loi de 1952 relative aux forces armées, l’impunité avec laquelle les autorités pakistanaises ont mené leurs opérations au cours de ces six dernières années risque maintenant de prendre racine. Telle que modifiée, cette loi habilite désormais les tribunaux militaires à juger des civils pour toute une série d’infractions, et notamment pour activités terroristes, trahison ou sédition, et elle s’applique rétroactivement jusqu’aux actes commis en 2003. La «guerre contre le terrorisme» et l’état d’urgence ne peuvent servir de prétexte pour fouler aux pieds l’état de droit ou les droits humains. Il est indispensable de se pencher sur le sort enduré par les disparus et sur la souffrance de leurs proches. Toutes les personnes accusées d’actes terroristes ou d’autres infractions doivent pouvoir bénéficier d’un procès respectueux des normes d’équité et ne plus être détenues dans des lieux secrets, où elles risquent d’être maltraitées ou torturées.