Bahreïn

Amnesty International ne prend pas position sur les questions de souveraineté ou les conflits territoriaux. Les frontières apparaissant sur cette carte sont basées sur les données géospatiales des Nations unies.
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Bahreïn 2022

Des détenus ont été soumis à la torture et à des traitements inhumains et cruels, notamment de la négligence médicale, des reports punitifs de soins médicaux et la privation de contacts avec leur famille. Cette année encore, les autorités ont limité les droits à la liberté d’expression et de réunion et maintenu des personnes en détention pour le seul fait d’avoir exercé ces droits. Le gouvernement ne protégeait pas correctement les travailleuses et travailleurs migrants de l’exploitation et n’a pas pris de mesures adéquates pour répondre à la crise climatique. Il a restreint l’accès aux soins de santé pour les enfants apatrides.

Torture et autres mauvais traitements

Six détenus au moins ont été torturés et maltraités au cours de l’année.

En février, Ahmed Jaafar Mohamed a signalé à l’Unité spéciale d’enquête du ministère public, organisme chargé d’enquêter sur les atteintes aux droits humains commises par les autorités, que des gardiens de la prison de Jaww l’avaient battu lors de son renvoi forcé de la Serbie à Bahreïn le 24 janvier. L’Unité spéciale a déclaré à l’ONU être en train d’enquêter sur cette allégation, mais n’a communiqué aucune conclusion.

Les autorités ont attendu qu’Ahmed Jaber Ahmed, affaibli par 11 mois de maladie, ne puisse plus marcher ni s’habiller seul avant de le transférer dans un hôpital extérieur. L’équipe médicale a diagnostiqué une tuberculose qui s’était étendue jusqu’à la colonne vertébrale, nécessitant le port d’un corset de maintien cervico-thoracique. La privation de soins médicaux pouvait être considérée comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

En mai, AbdAli Khayer, détenu à la prison de Jaww après avoir été condamné pour terrorisme lors d’un procès collectif, a déclaré dans un message vocal enregistré depuis la prison que, lorsqu’il avait dit à un gardien qu’il avait besoin d’être soigné à l’infirmerie de la prison car ses crises de goutte étaient si douloureuses qu’il avait du mal à se tenir debout, le gardien lui avait répondu en le frappant à coups de poing.

Droit à la santé

Les détenus subissaient des discriminations en matière de droit à la santé, car ils ne recevaient pas les soins nécessaires auxquels le reste de la population avait accès.

Les autorités carcérales privaient délibérément de soins médicaux ceux qui exprimaient leur opinion, à titre de sanction. Elles ont ainsi refusé pendant neuf mois d’emmener le prisonnier d’opinion Abdulhadi al Khawaja, incarcéré à la prison de Jaww, à un rendez-vous médical pour une suspicion de glaucome, parce qu’il avait scandé des slogans de soutien à la population palestinienne. Il risquait en conséquence de perdre la vue1.

Lorsque plusieurs détenus de Jaww ont été atteints de la tuberculose, une maladie contagieuse, l’administration carcérale n’a mis en place aucune mesure de prévention, pas même un traçage des contacts ni des actions de dépistage. Les autorités ont transféré Hasan Abdulla Bati de l’hôpital à la prison et l’ont renvoyé dans sa cellule, qu’il partageait avec huit autres détenus, deux jours après qu’il eut été diagnostiqué de la tuberculose2.

Le ministère de l’Intérieur refusait depuis le mois de juin qu’un rendez-vous chez le dentiste soit pris pour Hasan Mushaima, âgé de 74 ans, alors qu’il souffrait de graves douleurs dentaires et avait perdu une dent. Cet homme était incarcéré depuis juin 2011 pour avoir participé à des manifestations de masse.

Droits des personnes détenues

Le personnel pénitentiaire restreignait toujours les appels téléphoniques et vidéos des prisonniers avec leur famille pour les punir quand ils répondaient aux gardiens, alors que le règlement carcéral prévoyait quatre appels par semaine. Les visites aux détenus étaient toujours interdites depuis le début de la pandémie de COVID-19 en 2020. Lorsque les appels téléphoniques programmés étaient supprimés sans explication, les familles se retrouvaient donc sans aucune nouvelle. L’administration de la prison pour mineurs de Dry Dock n’a pas autorisé Ali Isa Abdulithnashr à appeler sa famille du 11 au 21 août, à la suite d’une altercation avec un gardien.

En septembre, sans aucune explication, les autorités de la prison de Jaww ont refusé à 14 prisonniers l’accès aux appels téléphoniques, après les avoir changés de cellule.

Les autorités ont refusé de rendre le manuscrit qu’elles avaient confisqué à Abduljalil al Singace, incarcéré depuis 2011 pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression cette année-là. Pour protester, il a refusé toute nourriture solide pendant plus d’un an, ce qui a considérablement affaibli sa santé.

En novembre, les autorités ont engagé de nouvelles poursuites contre AbdulHadi al Khawaja, d’une part pour insulte à un gardien de prison et d’autre part pour avoir scandé des slogans politiques.

Liberté d’expression et de réunion

Cette année encore, les autorités ont maintenu en détention des personnes qui n’avaient fait qu’exercer leurs droits à la liberté d’expression et de réunion.

En février, Amnesty International a confirmé que le logiciel espion Pegasus avait été utilisé contre trois Bahreïnites qui avaient critiqué le gouvernement3.

Pendant les deux dernières semaines de novembre, les autorités ont arrêté puis remis en liberté six membres de la famille du prisonnier d’opinion Hasan Mushaima qui avaient manifesté pacifiquement en sa faveur. L’un d’eux est resté détenu pour interrogatoire pendant deux jours.

Dix militants de premier plan emprisonnés depuis 2011 pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et de réunion lors des manifestations de masse survenues cette année-là étaient toujours détenus, tout comme le cheikh Ali Salman, prisonnier d’opinion et dirigeant de l’opposition purgeant actuellement une peine de réclusion à perpétuité.

Droits des personnes migrantes

Cette année encore, le gouvernement n’a rien fait pour protéger les travailleuses et travailleurs migrants contre l’exploitation que représentait le système de parrainage (kafala).

Le ministère du Travail et du Développement social n’a pris aucune des mesures nécessaires pour remédier au problème des salaires non versés d’au moins 18 employés après la liquidation de l’entreprise du bâtiment GP Zachariades. Ces salariés avaient regagné leur pays natal sans avoir été payés, le ministère leur ayant garanti qu’il travaillerait avec les liquidateurs judiciaires de GP Zachariades, qui avait bénéficié de contrats publics, afin qu’ils reçoivent leur dû.

En août, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a relevé que les travailleuses et travailleurs migrants continuaient d’être confrontés à la discrimination à l’emploi et à un accès limité au logement, à l’éducation et aux soins de santé. La législation bahreïnite ne garantissait toujours aucun salaire minimum dans le secteur privé, où travaillaient la plupart des personnes migrantes, contrairement au secteur public.

Droits des femmes et des filles

Le gouvernement a renforcé les restrictions d’accès aux services de santé publics pour les familles dont les enfants étaient apatrides en raison de la Loi bahreïnite sur la nationalité, qui établissait une discrimination fondée sur le genre.

En vertu de cette loi, les femmes bahreïnites ne pouvaient pas transmettre leur nationalité à leurs enfants. En avril, les centres de santé publics ont commencé à exiger des familles de ces enfants apatrides qu’elles remplissent un dossier de demande à chaque fois qu’elles voulaient bénéficier de soins gratuits.

Au mois d’août, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a fait part de sa préoccupation concernant les lois bahreïnites qui érigeaient l’avortement en infraction en toutes circonstances, y compris en cas de viol, et qui établissaient une discrimination envers les femmes en matière d’héritage et de transmission de la nationalité.

Lutte contre la crise climatique

Bahreïn n’a pas mis à jour durant l’année sa contribution déterminée au niveau national (CDN) en matière de réduction des émissions de carbone. Le rapport annuel régional du Réseau de solutions pour le développement durable, créé sous l’égide des Nations unies, a conclu que le pays n’avait pris aucune nouvelle mesure pour lutter contre le changement climatique, contrairement à ce que prévoyait l’Objectif de développement durable n13 de l’ONU. Selon les données de la Banque mondiale, le pays présentait le troisième taux le plus élevé d’émissions de CO2 par habitant au monde.


  1. « Bahreïn. Un défenseur des droits humains privé de soins médicaux risque de devenir aveugle » 1er avril
  2. « Bahreïn. La réponse inadaptée de l’administration pénitentiaire face aux cas de tuberculose à la prison de Jaww met la santé des détenus en grave péril », 9 juin
  3. « Bahreïn. Les appareils de trois militant·e·s piratés avec le logiciel espion Pegasus », 18 février