La décision de la Cour suprême des États-Unis concernant les détenus de Guantánamo doit marquer un tournant décisif

Le 12 juin 2008, la Cour suprême des États-Unis a, dans l’affaire Boumediene c. Bush, reconnu que les personnes détenues à Guantánamo avaient le droit de contester le bien-fondé de leur détention devant des tribunaux civils américains. Amnesty International estime que cette décision représente une étape essentielle vers le rétablissement de l’état de droit dans le cadre des mesures prises par les États-Unis pour combattre le terrorisme.

La Cour suprême vient de supprimer un obstacle majeur qui empêchait certaines personnes de faire valoir leurs droits fondamentaux et met fin aux conditions illégales que représentent pour les détenus de Guantánamo l’isolement, le silence forcé, l’invisibilité et un pouvoir exécutif tout-puissant.

La Cour a déclaré inconstitutionnelles les tentatives du gouvernement et du Congrès américains visant (au moyen de la Loi de 2006 relative aux commissions militaires) à priver les détenus de leur droit d’habeas corpus (procédure permettant la comparution immédiate d’un détenu devant une autorité judiciaire, afin de contester la légalité de la détention, et de permettre ainsi une éventuelle remise en liberté). Elle a également rejeté, le jugeant insuffisant, le mécanisme mis en place par le gouvernement et le Congrès pour remplacer la procédure d’habeas corpus. Ce mécanisme consiste en des « tribunaux d’examen du statut de combattant ». Il s’agit de collèges de trois membres de l’armée habilités à réexaminer le statut de « combattant ennemi » des détenus, l’examen judiciaire des décisions finales de ces collèges étant extrêmement limité en vertu de la Loi de 2005 relative au traitement des détenus. Les premiers « tribunaux d’examen du statut de combattant » ont été mis en place plus de deux ans après l’arrivée des premiers détenus à Guantánamo. Aucune décision prise par un de ces collèges n’avait fait l’objet d’un réexamen au moment où la Cour suprême a rendu son arrêt.

« C’est la troisième fois depuis 2004 que la plus haute juridiction des États-Unis rejette les arguments avancés par le gouvernement Bush pour justifier le maintien en détention illimitée de personnes n’ayant été ni inculpées ni jugées et n’ayant eu aucun accès réel à la justice », a indiqué Amnesty International. L’organisation avait dans cette affaire remis à la Cour un mémoire destiné l’éclairer (un amicus curiae).

« Le temps est venu pour le gouvernement américain de mettre les politiques et pratiques en matière de détention qu’il applique dans le cadre de la “guerre contre le terrorisme” en conformité avec les normes internationales. Il doit mettre fin à toute ingérence visant à empêcher les détenus d’accéder à des tribunaux civils. Il doit fermer Guantánamo rapidement, abandonner la procédure fondamentalement inéquitable des commissions militaires, et libérer ou inculper d’une infraction dûment reconnue par la loi et juger devant des tribunaux fédéraux américains les prisonniers qui y sont détenus », a poursuivi Amnesty International.

Lorsqu’il a pris connaissance de l’arrêt de la Cour suprême, le président George W. Bush a immédiatement fait savoir qu’il se rangeait aux côtés des quatre juges ayant exprimé une opinion dissidente. Il a déclaré que ces derniers étaient préoccupés par des questions de sécurité nationale et que le gouvernement allait « étudier leur avis en ayant cette préoccupation à l’esprit pour déterminer s’il est nécessaire d’adopter de nouvelles lois, afin de pouvoir dire sans risque d’erreur et en toute sincérité au peuple américain : “Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous protéger” ».

Amnesty International a exprimé sa préoccupation face aux tentatives que le gouvernement américain a faites pour passer outre aux décisions de la Cour suprême relatives à ses politiques et pratiques de détention, la tentative la plus notoire étant l’adoption de la Loi relative aux commissions militaires après que la Cour suprême se fut prononcée contre leur mise en place dans l’affaire Hamdan c. Rumsfeld. L’organisation espère que la déclaration du président George W. Bush ne signifie pas que le gouvernement américain ne tiendra pas dûment compte du contenu de l’arrêt de la Cour.

« La justice n’a que trop tardé à être rendue pour les quelque 280 détenus, dont beaucoup sont emprisonnés depuis plus de six ans sans avoir pu comparaître devant un tribunal », a souligné Amnesty International.