Iran. La famille d’un blogueur mort en détention attend toujours des explications et réclame justice

La mère d’un blogueur iranien mort en détention a été agressée par les forces de sécurité jeudi 13 décembre devant la tombe de son fils, où elle se recueillait avec d’autres personnes. Amnesty International appelle une nouvelle fois les autorités à mener une enquête approfondie et impartiale sur la mort de cet homme de 35 ans. Sattar Beheshti, de la ville de Robat Karim, située au sud-ouest de Téhéran, a été enterré le 7 novembre. Selon de hauts responsables de la police, il est mort au centre de détention de la cyberpolice le 3 novembre. Des agents des forces de sécurité et des hommes en civil auraient attaqué les personnes qui se recueillaient sur sa tombe jeudi 13 décembre, pour marquer les 40 jours écoulés depuis son décès – en Iran, le 40e jour marque la fin du deuil traditionnel pour les défunts. Selon certaines informations, la mère de Sattar Beheshti a été blessée lors de cette intervention et une personne a été arrêtée. Cette attaque a eu lieu sur fond de harcèlement persistant des membres de la famille du blogueur et de préoccupations quant à l’indépendance des enquêtes diligentées sur sa mort. « Ce qui est particulièrement dévastateur pour la famille de Sattar Beheshti, c’est que même si la période de deuil traditionnel est terminée, bien des questions demeurent sans réponse : comment et pourquoi a-t-il péri aux mains de la cyberpolice ?, a indiqué Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. « Les autorités iraniennes doivent veiller à ce que les investigations menées sur ce décès, et sur toutes les autres morts en détention, soient approfondies, impartiales et conformes au droit international relatif aux droits humains, en vue de traduire en justice les responsables présumés. Les actes d’intimidation et les agressions vis-à-vis de la famille de Sattar Beheshti ne doivent pas être tolérés. » Dès l’arrestation de Sattar Beheshti le 30 octobre à son domicile, à Robat Karim, ses proches n’ont plus eu aucun contact avec lui jusqu’au 6 novembre ; ce jour-là, ils ont reçu un appel téléphonique leur demandant de venir récupérer son corps au centre de détention de Kahrizak. Avant d’être transféré au centre de détention de la cyberpolice, il avait été détenu pendant une nuit à la section 350 de la prison d’Evin à Téhéran. Il avait alors déposé plainte auprès des autorités carcérales d’Evin, affirmant avoir été torturé après son arrestation par les agents chargés de l’interroger. Ses codétenus à la prison d’Evin ont plus tard écrit une lettre ouverte corroborant ses allégations, et indiquant que les marques de torture sur con corps étaient visibles. Les investigations en cours La Commission Sécurité nationale et politique étrangère du Parlement iranien et le Conseil supérieur des droits de l’homme, qui dépend du ministère de la Justice, ont tous deux ouvert des enquêtes sur sa mort. Cependant, des parlementaires et des magistrats ont livré des versions contradictoires quant à la mort du blogueur, et ce avant même l’achèvement des enquêtes. Aussi leur impartialité, leur indépendance et leur transparence est-elle mise en doute. Le rôle de la cyberpolice Le 27 novembre, le général de brigade Esmail Ahmadi Moghaddam, chef de la police iranienne, a endossé la responsabilité partielle de la mort en détention de Sattar Beheshti. Le chef de la cyberpolice iranienne a été démis de ses fonctions. Toutefois, un membre de la Commission parlementaire Sécurité nationale et politique étrangère a plus tard assuré que ce renvoi n’avait absolument rien à voir avec la mort du blogueur. Les membres de la famille réduits au silence Les membres de la famille de Sattar Beheshti ont été menacés d’être arrêtés s’ils évoquaient cette affaire avec les médias. L’avocat de la famille craint vivement que l’affaire, actuellement instruite par le bureau du procureur, n’aille pas jusque devant les tribunaux. « Il est très inquiétant que les proches de Sattar Beheshti fassent semble-t-il l’objet de pressions visant à les dissuader de réclamer justice pour sa mort, a estimé Ann Harrison. « Les autorités doivent engager des poursuites contre toute personne soupçonnée de l’avoir torturé ou d’avoir causé sa mort, en excluant le recours à la peine capitale. En outre, elles ne doivent pas priver cette famille – ni aucune autre famille – du droit d’avoir accès à la justice. Au fil des ans, Amnesty International a souvent fait part de ses préoccupations relatives aux actes de torture et autres mauvais traitements infligés aux détenus en Iran, et mis l’accent sur des cas où ces traitements semblaient avoir entraîné la mort.