Niger 2023
L’armée, qui s’est emparée du pouvoir à la faveur d’un coup d’État en juillet, a fortement restreint le droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Au lendemain du putsch, plusieurs figures politiques de premier plan ont été détenues arbitrairement et des femmes ont été agressées sexuellement. Des groupes armés ont perpétré des attaques illégales qui ont entraîné des morts parmi la population civile. Les mariages d’enfants demeuraient répandus. Les personnes migrantes ayant fait l’objet d’un renvoi forcé depuis l’Algérie se trouvaient dans une situation extrêmement précaire. Le conflit armé a mis à mal les droits à l’éducation, à l’alimentation et à l’eau, avec des effets encore accentués par le changement climatique.
Contexte
En juillet, le président Mohamed Bazoum a été renversé par un coup d’État de l’armée nigérienne, qui s’est constituée en Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) pour s’installer au pouvoir. Mohamed Bazoum a été retenu prisonnier par l’armée dans la résidence présidentielle avec sa famille et il a été accusé en août de « haute trahison ». La CEDEAO a fermé toutes les frontières terrestres et aériennes et a suspendu l’ensemble des transactions commerciales et financières de ses États membres avec le pays.
D’après le ministère de l’Action humanitaire et de la Gestion des catastrophes, des inondations massives dues à de fortes précipitations ont fait au moins 51 morts et laissé 161 252 personnes sinistrées, détruisant également près de 2 207 hectares de terres agricoles.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Le 5 juin, les autorités ont fermé l’hebdomadaire L’Évènement pour arriérés d’impôts. Son directeur de publication, Moussa Aksar, était la cible d’un harcèlement depuis 2020 et la parution dans le journal d’articles au sujet de la surfacturation d’équipements militaires par le ministère de la Défense dans les années 2010.
Le 26 juillet, l’armée a violemment dispersé des manifestations spontanées de sympathisant·e·s du président à Niamey, la capitale. Après le coup d’État, le CNSP a suspendu jusqu’à nouvel ordre toutes les activités des partis politiques.
Le 30 septembre, la journaliste Samira Sabou a été arrêtée au domicile de sa mère, à Niamey, par des hommes cagoulés qui se sont présentés comme des membres des forces de sécurité1. Elle a ensuite été transférée à la police judiciaire de Niamey et inculpée de « production et diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ». Elle a été libérée le 11 octobre dans l’attente de son procès.
Le 3 octobre, Samira Ibrahim, connue sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de « Precious Mimi », a été déclarée coupable de « production de données de nature à troubler l’ordre public » et condamnée à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et 300 000 francs CFA (479 dollars des États-Unis) d’amende. Son inculpation faisait suite à une publication sur Facebook dans laquelle elle disait que l’Algérie avait refusé de reconnaître le CNSP.
Détention arbitraire
Le 23 janvier, Abdoulaye Seydou, coordinateur du groupe militant M62-Moutountchi/Bourtchintarey : Union sacrée pour la sauvegarde de la souveraineté et de la dignité du peuple, ainsi que du Réseau panafricain pour la paix, la démocratie et le développement, a comparu devant le tribunal de grande instance hors classe de Niamey pour « production et diffusion de données de nature à troubler l’ordre public » après avoir dénoncé la mort d’orpailleurs pendant une opération militaire dans la ville de Tamou en 2022. Le procureur a abandonné les charges initialement retenues et l’a accusé de « complicité d’incendie volontaire de hangars et maisons servant d’habitation ». Maintenu en détention depuis sa comparution devant le tribunal de grande instance, Abdoulaye Seydou a été condamné en avril à neuf mois de prison, avant d’être libéré en appel en juillet.
Après le coup d’État, l’armée a détenu sans inculpation plusieurs responsables de l’ancien gouvernement et de l’ancien parti au pouvoir. Outre Mohamed Bazoum et sa famille, les anciens ministres du Pétrole, Sani Mahamadou Issoufou, de l’Intérieur, Hamadou Adamou Souley, de la Défense, Kalla Moutari, et des Finances, Ahmad Jidoud, ont également été placés en détention sans avoir été inculpés2.
Attaques et homicides illégaux
Le 2 février, des membres de l’État islamique au Sahel (EIS) ont tué 10 réfugiés maliens dans le village d’Egarek (région de Tahoua). On comptait en février 2023 plus de 8 000 Malien·ne·s ayant trouvé refuge au Niger après avoir fui le conflit qui régnait dans la région de Ménaka au Mali.
Le 2 mai, à Kandadji, village de la région de Tillabéri, une milice locale a tué au moins 17 civil·e·s peuls, soupçonnés de collaborer avec l’EIS.
Le 15 août, toujours dans la région de Tillabéri, au moins 20 civil·e·s appartenant au peuple sonrhaï ont été tués pendant une attaque de l’EIS sur les villages de Tomare et Issile Kotogoria, d’après des sources locales.
Droits des femmes et des filles
Les mariages d’enfants demeuraient répandus. L’âge minimum légal du mariage était toujours fixé à 16 ans pour les filles, alors que le pays s’était engagé à le porter à 18 ans lors de l’EPU de 2021. D’après l’Institut national de la statistique, plus de trois femmes sur quatre étaient mariées avant l’âge de 18 ans.
En mars, Nazira, une adolescente de 16 ans originaire de Daré, village de la commune de Matameye (région de Zinder), a mis fin à ses jours pour échapper à un mariage forcé.
Violences sexuelles ou fondées sur le genre
Pendant la semaine qui a suivi le coup d’État, de jeunes hommes qui patrouillaient dans Niamey ont agressé sexuellement au moins quatre femmes, d’après la police et la Ligue nigérienne des droits des femmes. Aucun des responsables n’avait été inculpé pour ces faits à la fin de l’année.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Entre janvier et avril, d’après l’Organisation internationale pour les migrations, environ 9 000 réfugié·e·s et migrant·e·s qui avaient été expulsés par les autorités algériennes, notamment des ressortissant·e·s de divers pays d’Afrique de l’Ouest, sont arrivés à Assamaka, un village frontalier situé à 200 km de la grande ville la plus proche, Arlit. En avril, les Nations unies ont estimé dans un rapport que le Niger ne disposait pas de ressources humaines, logistiques et financières suffisantes pour s’occuper de toutes les personnes migrantes. En raison des expulsions régulières par l’Algérie de personnes originaires d’Afrique de l’Ouest, la population réfugiée et migrante d’Assamaka a dépassé le nombre d’habitants que comptait le village à l’origine, avec des répercussions sur l’accès à la santé, à la protection et à la sécurité alimentaire de ces deux catégories de population.
Le gouvernement a abrogé en décembre une loi de 2015 qui érigeait en infraction les activités des passeurs de migrant·e·s.
Droit à l’éducation
Le conflit armé a fortement entravé le droit à l’éducation. En juin, d’après la Direction régionale de l’enseignement national, près de 958 écoles primaires étaient fermées ou non fonctionnelles dans le pays, dont 891 dans la région de Tillabéri. Ces fermetures d’écoles ont eu une incidence sur le droit à l’éducation de plus de 81 500 enfants nigériens.
Droit à l’alimentation et à l’eau
Le conflit et les phénomènes climatiques ont accentué l’insécurité alimentaire, tandis que les pénuries d’eau ont porté atteinte aux droits à la nourriture et à l’eau de 2,5 millions de personnes, d’après le Comité international de secours. Selon les données de l’UNICEF, on estimait que près de 1,5 million d’enfants de moins de cinq ans risquaient de souffrir de malnutrition en 2023, sous sa forme la plus mortelle pour 430 000 d’entre eux.
En octobre, il manquait 58 % des fonds nécessaires pour mettre en œuvre le plan de réponse humanitaire, d’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU.