Tribune pour la libération du journaliste Rabah Karèche

Originally published in French by Liberté

Correspondant du journal Liberté à Tamanrasset, Rabah Karèche a été condamné le 12 août dernier à une année de prison, dont huit mois ferme et à une amende de 20.000 dinars. Son procès en appel se tiendra le 4 octobre. Amnesty International appelle à sa libération immédiate et sans conditions.

Rabah Karèche ©Private

Pourquoi est-ce qu’en Algérie aujourd’hui, le correspondant d’un journal se retrouve-t-il en prison, condamné pour rien si ce n’est le fait d’avoir rapporté fidèlement la colère des Touaregs algériens vivant dans le sud ? Difficile de répondre à cette interrogation sans se dire que c’est une plume que l’on veut briser ; parmi celles qui portent dans la plaie…cherchant à guérir les maux de ceux qui marginalisés, car loin du centre, ne peuvent pas toujours se faire entendre.

A y voir de plus près, la condamnation de Karèche est liée à son travail. Les autorités lui reprochent d’avoir couvert une manifestation dans le village de Tazrouk, près de Tamanrasset contre le découpage territorial de l’Algérie, en 58 wilayas. C’est la deuxième fois depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune qu’un journaliste se retrouve derrière les barreaux pour ses articles de presse, après le journaliste indépendant Khaled Drareni, condamné en appel à deux ans de prison ferme en septembre 2020, puis libéré provisoirement en février.

Karèche a été accusé puis condamné à de la prison sur la base d’accusations fallacieuses d'”atteinte à l’unité nationale”, d'”incitation à la haine dans la société” et de “diffusion de fausses informations”.

Qui peut encore croire qu’un journaliste qui fait son travail en relatant des faits et des informations d’intérêt public pour le compte d’un grand quotidien national, puisse se faire accuser de tels crimes ? L’utilisation du code pénal et de la loi 20-05 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine peut-t-elle être justifiée ? La réponse que nous donnons à Amnesty International est que non et que cette détention est sans fondement.

Il faut dire que cela faisait plusieurs mois que Rabah Karèche était harcelé, par des interrogatoires fréquents de la police concernant son travail et ses sources. Le journaliste a eu le courage de résister, de ne pas lâcher, de n’abandonner ni la cause du journalisme, ni ses convictions.  

Le harcèlement du journaliste par les autorités a abouti à une détention provisoire puis à une condamnation en août dernier, à une peine d’une année de prison, dont huit mois ferme.

Le déroulement de son procès avec la présence de journalistes et avocats de renom, en a surpris plus d’un. En effet, le juge n’a par exemple pas hésité à considérer comme preuves, des passages d’articles de Karèche, dont l’expression “déterrer leurs haches de guerre”, traduite littéralement en arabe pour servir l’accusation d’”atteinte à l’unité nationale”.

C’est à croire qu’un journaliste qui propose une analyse, du fait d’une connaissance approfondie de son sujet, du fait de son expérience, de son travail acharné, est un criminel. Absurde accusation surtout quand on sait que Karèche qui a écrit plus de soixante-dix articles cette année, n’a eu de cesse de raconter ce qui se déroule à Tamanrasset, et notamment les problèmes liés à l’éducation et au développement dont souffrent cette région. C’est d’ailleurs ce qu’il fait depuis qu’il s’est installé dans cette ville, il y a dix ans de cela.

La sentence qui est imposée à Rabah Karèche est injuste. Par cet emprisonnement, on prive Tamanrasset d’un de ses plus brillants journalistes, un mari de son épouse et deux enfants de leur père.

Ce verdict inique doit être annulé et le journaliste libéré. La criminalisation du journalisme sur la base du code pénal doit également cesser.

Ainsi, la Constitution qui interdit dans son article 54 l’emprisonnement pour des délits de presse, serait respectée, autant que les conventions internationales ratifiées par l’Algérie.