Philippines. La CPI lance une enquête sur la meurtrière «guerre contre la drogue» pour mettre fin à l’impunité

Réagissant à l’annonce par la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) de l’ouverture d’une enquête sur les assassinats commis dans le contexte de la meurtrière « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement philippin et sur les homicides perpétrés dans la ville de Davao par l’autoproclamé « Escadron de la mort de Davao » de 2011 à 2016, la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, a déclaré :

« Amnesty International salue la décision de la Chambre préliminaire de la CPI d’autoriser une enquête sur les crimes contre l’humanité commis pendant la terrible « guerre contre la drogue ». Des milliers de personnes ont été assassinées par la police et par les milices alliées au gouvernement, et les tueurs jouissent d’une impunité presque totale. »

« L’annonce de la Chambre préliminaire de la CPI fait clairement comprendre aux auteurs et donneurs d’ordre de ces crimes qu’ils n’échapperont pas à l’obligation de rendre des comptes. Nul n’est au-dessus des lois. Le gouvernement de Rodrigo Duterte doit immédiatement mettre fin à ces homicides répétés, faire sortir les personnes impliquées des rangs de la police et traduire en justice toutes les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de ces agissements. »

« Cela fait des décennies que la culture de l’impunité est omniprésente aux Philippines, mais la situation s’est aggravée sous le gouvernement Duterte, car des milliers de consommateurs ou trafiquants de drogue présumés ont été la cible d’homicides au caractère généralisé et systématique depuis 2016. Cette enquête offre enfin aux victimes une chance d’obtenir justice. »

L’année dernière, les violations des droits humains se sont multipliées aux Philippines, où ont notamment été signalées des vagues d’homicides, de menaces ainsi que d’arrestations et de détentions arbitraires visant des militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains. Dernièrement, deux avocats ont été tués par des hommes non identifiés : Rex Fernandez a été abattu dans la ville de Cebu le 26 août 2021, tandis que Juan Macababbad a été tué le 15 septembre 2021 à Cotabato. Rex Fernandez était un membre fondateur du Syndicat national des avocats du peuple (NUPL), dont Juan Macababbad était également un responsable.

« Alors que les Philippines se préparent à la prochaine élection présidentielle, en 2022, cette annonce de la CPI intervient à un moment décisif. Les droits humains devront être au centre des débats lorsque les Philippines choisiront la prochaine équipe à la tête du pays. »

« Il est maintenant essentiel que la communauté internationale redouble d’efforts. Elle doit soutenir l’enquête de la CPI et mandater une enquête approfondie, menée sous l’égide de l’ONU, sur la situation alarmante des droits humains dans le pays. »

Complément d’information

Le 15 septembre 2021, la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé qu’elle avait autorisé le Bureau du procureur à ouvrir une enquête pour crimes contre l’humanité, portant notamment sur les meurtres commis dans le contexte de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement du président Duterte, ainsi que sur les homicides perpétrés dans la ville de Davao par l’autoproclamé « Escadron de la mort de Davao » de 2011 à 2016.

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Rodrigo Duterte en juin 2016, des milliers de personnes, majoritairement issues de milieux pauvres et marginalisés, ont été tuées par la police – ou par des individus armés soupçonnés d’avoir des liens avec la police – dans le contexte de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement.

Amnesty International a publié des rapports détaillés sur les exécutions extrajudiciaires et autres violations des droits humains imputables à des policiers et à leurs supérieurs. Elle a établi que les crimes avaient atteint une telle ampleur qu’ils constituaient des crimes contre l’humanité. Ces homicides se poursuivent sans relâche.

Malgré la condamnation de la communauté internationale et des organisations locales et internationales de défense des droits humains, le président Rodrigo Duterte continue d’encourager explicitement les policiers à tuer et leur promet l’immunité. Au lieu d’être traduits en justice, les responsables de la police impliqués ont été promus.

Le gouvernement des Philippines a l’obligation première de mener de véritables investigations sur les allégations de crimes contre l’humanité, mais il s’est systématiquement abstenu de le faire.

Amnesty International et des organisations de la société civile ont à maintes reprises exprimé leurs préoccupations quant au manque de détermination du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à faire face à la situation et quant au dangereux message que cela envoie.