Hong Kong. Les condamnations à la suite de la veillée pour Tiananmen mettent en avant une accélération de l’effondrement des libertés

En réaction à la condamnation de 12 personnes ayant participé à une veillée pacifique organisée le 4 juin 2020 pour commémorer la répression de Tiananmen à des peines d’emprisonnement pour « rassemblement non autorisé », la directrice du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International, Yamini Mishra, a déclaré :

« Les peines de prison prononcées à l’encontre de 12 Hongkongais·e·s qui ont participé à une veillée totalement pacifique, mais “non autorisée”, pour rendre hommage aux victimes de la violente répression menée par les autorités chinoises en 1989 sur la place Tiananmen constituent une nouvelle attaque scandaleuse contre les droits liés à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique.

« Ce jugement injuste était tristement prévisible au vu de l’accélération de l’effondrement des droits humains à Hong Kong – qui s’est illustrée dernièrement lorsque l’Alliance hongkongaise de soutien aux mouvements patriotiques et démocratiques en Chine, organisatrice de la veillée pour Tiananmen depuis de nombreuses années, a été prise pour cible.

« Il est scandaleux que les 12 personnes déclarées coupables mercredi 15 septembre aient été condamnées à des peines d’emprisonnement alors qu’elles n’ont commis aucune infraction reconnue par le droit international. Un sort encore pire pourrait toutefois attendre les organisateurs de la veillée – dont certains font aussi l’objet d’accusations plus graves, mais non moins fallacieuses, relatives à la “sécurité nationale”.

« Malgré les tentatives incessantes des autorités chinoises et hongkongaises visant à effacer l’histoire en emprisonnant des personnes qui allument pacifiquement une bougie pour les victimes de la répression de Tiananmen, le soutien continu envers le Mouvement du 4-Juin à Hong Kong et à travers le monde prouve que ces atrocités ne seront jamais oubliées. »

Complément d’information

Mercredi 15 septembre, le tribunal de district de Hong Kong a condamné 12 personnes à des peines de quatre à 10 mois de prison pour « rassemblement non autorisé » en raison de leur participation, le 4 juin 2020, à la veillée annuelle organisée dans la ville en souvenir des victimes de la répression de 1989 sur la place Tiananmen à Pékin. Trois des 12 condamnations prononcées sont assorties d’un sursis de 12 à 18 mois.

Parmi les personnes condamnées figurent les militants Figo Chan, Leung Kwok-hung (surnommé Cheveux Longs), Eddie Chu et Albert Ho, ancien vice-président de l’Alliance hongkongaise de soutien aux mouvements patriotiques et démocratiques en Chine (HK Alliance), qui organise la veillée annuelle pour Tiananmen depuis 30 ans.

Les Hongkongais·e·s participant à cette veillée qui se tient dans le parc Victoria chaque année depuis 1990 appellent les autorités chinoises à révéler la vérité sur ce qui s’est passé et à assumer leur responsabilité pour les homicides commis.

La veillée de juin 2021 a été interdite en raison de la pandémie de COVID-19, pour la deuxième année consécutive, malgré le faible nombre de cas dans la ville à ce moment-là – avec notamment 38 jours d’affilée sans le moindre cas local non traçable du virus peu avant la date de l’événement.

La HK Alliance subit une pression de plus en plus forte depuis l’adoption à Hong Kong de la Loi relative à la sécurité nationale, en juin 2020, surtout depuis quelques semaines.

En août, l’organisation a reçu un courrier de l’unité de police chargée de la sécurité nationale à Hong Kong l’accusant de « collusion avec des forces étrangères » et exigeant des informations sur ses membres, ses finances et ses activités.

L’Alliance ayant refusé de coopérer avant la date limite du 7 septembre, en invoquant des risques pour ses membres, quatre d’entre eux ont été arrêtés le lendemain matin tôt.

Trois chefs de file de l’organisation, Lee Cheuk-yan, Albert Ho et Chow Hang-tung, ont par la suite été inculpés d’« incitation à la subversion » en vertu de la Loi relative à la sécurité nationale et encourent la perpétuité. Leur procès commencera le 28 octobre prochain.

Chow Hang-tung avait déjà été arrêtée le 4 juin 2021 pour avoir « incité des tiers à participer sciemment à un rassemblement interdit ». 

Albert Ho et Lee Cheuk-yan sont déjà emprisonnés pour leur rôle dans les manifestations anti-gouvernementales qui se sont déroulées dans la ville en 2019.

Les 12 personnes condamnées mercredi 15 septembre avaient auparavant plaidé coupable du chef d’inculpation de « rassemblement non autorisé ». Huit autres prévenu·e·s n’ayant pas plaidé coupable dans le même dossier, dont Chow Hang-tung et Lee Cheuk-yan, ainsi que le fondateur du quotidien Apple Daily, Jimmy Lai, seront jugés le 1er novembre.

Trois autres personnes poursuivies dans cette affaire, notamment le célèbre militant Joshua Wong, ont déjà été condamnées en mai à des peines de quatre à 10 mois d’emprisonnement.

L’Ordonnance relative à l’ordre public de Hong Kong instaure un système qui nécessite d’obtenir une autorisation de la police pour organiser un rassemblement ou un défilé. Si un événement ne reçoit pas le feu vert, il est considéré comme « non autorisé » et les personnes qui l’organisent ou y participent peuvent être condamnées à des amendes ou des peines de prison. Ces dispositions vont à l’encontre du droit international, qui dispose que les autorités des États ne peuvent pas exiger une autorisation préalable, mais seulement une notification afin de faciliter le bon déroulement des rassemblements.

Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, des centaines – et peut-être même des milliers – de personnes ont été tuées à Pékin lorsque l’armée a ouvert le feu sur les étudiant·e·s et les travailleurs et travailleuses qui demandaient pacifiquement des réformes politiques et économiques ainsi que la fin de la corruption. Un nombre indéterminé de personnes ont été tuées ou emprisonnées dans le cadre de répressions analogues à travers le pays. On ignore le nombre exact de victimes, car les autorités chinoises ont étouffé et censuré durant les 30 dernières années tout débat sur la répression de ce mouvement.