Thaïlande. La fermeture de médias sert une stratégie de la peur face au mouvement de contestation qui prend de l’ampleur

En réaction aux informations selon lesquelles un tribunal a confirmé le décret du gouvernement ordonnant la fermeture de « toutes les plateformes » de Voice TV, Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe pour le travail de campagne à Amnesty International, a déclaré :

« Voice TV fait son travail en couvrant les manifestations pacifiques qui prennent de l’ampleur à travers le pays. Tout comme les accusations portées contre les leaders de la contestation, ces méthodes visent clairement à intimider et harceler les citoyen·ne·s pour les réduire au silence.

« Le harcèlement des médias n’est qu’une facette de l’attaque que mènent actuellement les autorités thaïlandaises contre les moyens de communication, à l’image des menaces visant à bloquer la plateforme de messagerie Telegram et de l’utilisation de la Loi relative à la cybercriminalité, entre autres, contre des personnes en raison de ce qu’elles publient et partagent en ligne.

Voice TV fait son travail en couvrant les manifestations pacifiques qui prennent de l’ampleur à travers le pays. Tout comme les accusations portées contre les leaders de la contestation, ces méthodes visent clairement à intimider et harceler les citoyen·ne·s pour les réduire au silence.

Ming Yu Hah, directrice régionale adjointe pour le travail de campagne à Amnesty International

« Des Thaïlandais·es de tous âges descendent dans les rues et viennent grossir les rangs de ce mouvement pacifique initié par la jeunesse. Les autorités doivent respecter et protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, ainsi que la liberté de la presse. Elles doivent permettre à tous d’exprimer pacifiquement leurs opinions, dans la rue et sur les réseaux sociaux – et laisser les journalistes rendre compte de l’évolution de la situation.

« Nous leur demandons une nouvelle fois de relâcher immédiatement et sans condition tous les manifestant·e·s pacifiques placés en détention. Elles doivent abandonner toutes les charges retenues contre ces personnes et, dans l’attente, veiller à ce qu’elles puissent consulter un avocat.

« En outre, nous les invitons à annuler l’interdiction visant le groupe Voice TV et d’autres organes de presse et à permettre aux médias indépendants de travailler librement sans être la cible de mesures d’intimidation et de harcèlement, et sans craindre de représailles. »

Complément d’information

Mardi 20 octobre, la cour pénale thaïlandaise a confirmé le décret gouvernemental émis par le Commandement conjoint pour l’administration de la situation d’urgence (JCAES) ordonnant l’arrêt de tous les programmes télévisés et numériques du groupe Voice TV. Le décret ciblait également trois autres médias : Prachatai, The Standard et The Reporters, mais la décision de justice les concernant n’a pas encore été rendue. Selon les autorités, ces médias ont bafoué les ordonnances émises dans le cadre du décret d’urgence annoncé la semaine dernière. Un porte-parole du ministère de l’Économie et de la Société numériques a ajouté que le groupe Voice TV avait également été reconnu coupable de violation de la Loi relative à la cybercriminalité.

Depuis le 13 octobre, les autorités ont arrêté au moins 49 manifestant·e·s, dont certains en vertu de pouvoirs d’exception, notamment ceux annoncés plus tôt cette année. Un état d’urgence « strict » a été décrété le 15 octobre ; les informations faisant état de nouvelles arrestations et détentions se multiplient. Les manifestations s’étoffent à travers tout le pays pour réclamer une nouvelle Constitution, une réforme de la monarchie et la fin du harcèlement contre les détracteurs du pouvoir en place.

Les autorités ont déjà intenté des poursuites pénales contre au moins 65 personnes depuis le début de l’année, en marge des manifestations pacifiques. Des manifestant·e·s ont signalé des actes de harcèlement en lien avec leur présence aux rassemblements, notamment des visites à leur domicile et des menaces de poursuites judiciaires.