Malaisie. La police doit rendre des comptes pour la mort d’un homme en garde à vue

L’incapacité des autorités malaisiennes à amener les responsables présumés de la mort en garde à vue de N. Dharmendran à rendre des comptes interroge quant à leur volonté de mettre fin aux graves violations des droits humains, a déclaré Amnesty International mercredi 29 juin 2016.

Cette déclaration fait suite à la décision rendue par la Haute cour de Kuala-Lumpur le 29 juin d’acquitter les quatre policiers accusés d’avoir torturé à mort en 2013 N. Dharmendran, alors qu’il se trouvait en garde à vue. Selon le juge, l’accusation n’a pas permis de prouver au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité des quatre hommes.

« La police malaisienne continue de se soustraire à l’obligation de rendre des comptes, même pour des violations flagrantes des droits humains. La mort en détention de cet homme vient s’ajouter à la liste des affaires dans lesquelles des policiers agissent au-dessus des lois, sans conséquences pour leurs actes », a déclaré Josef Benedict, directeur adjoint pour la région Asie du Sud-Est et Pacifique à Amnesty International.

Amnesty International a suivi d’autres affaires de morts en détention en Malaisie pour lesquelles les policiers n’ont pas eu à rendre de comptes.

Malgré les conclusions du tribunal du coroner pointant la responsabilité de la police dans les affaires Karuna Nithi et C. Sugumar, et de la Commission intégrité de l’Agence malaisienne de l’application des lois (EAIC) dans l’affaire Syed Mohd Azlan Syed Nur, personne n’a été inculpé ni tenu pour responsable. En avril, l’EAIC, qui avait enquêté sur l’affaire, avait conclu que les policiers de la Division chargée des crimes graves (D9) acquittés aujourd’hui étaient responsables d’avoir torturé à mort N. Dharmendran.

D’après le rapport du médecin légiste, le corps de N. Dharmendran présentait 52 contusions, conséquence d’un recours excessif à la force physique qui a provoqué « une perte massive de sang » et un « choc hypovolémique » chez la victime. En procédant à l’autopsie, le médecin légiste a constaté sur chaque oreille des blessures faites par des agrafes.

« Les photographies du corps de N. Dharmendran, partagées par les enquêteurs de l’EAIC, témoignent des actes de torture auxquels il a été soumis. Il est consternant de constater que même avec des éléments de preuve aussi accablants, personne n’est tenu pour responsable et justice n’est toujours pas rendue », a déclaré Josef Benedict.

Lors d’une conférence de presse en avril, l’EAIC a présenté des photos de N. Dharmendran prises lors de son arrestation et après sa mort. Lorsqu’il a été placé en garde à vue, soupçonné d’avoir tenté d’assassiner deux personnes, il semblait en bonne santé. Sur la seconde série de photographies, on pouvait voir son corps mutilé par la torture.

« Il est grand temps que les autorités malaisiennes ouvrent les yeux sur ces violations flagrantes des droits humains. Elles doivent enfin mettre en place un organe indépendant de surveillance de la police, chargé de mener des enquêtes impartiales, efficaces, approfondies et transparentes sur les atteintes aux droits humains. Depuis bien trop longtemps, les familles et les victimes de violences policières sont privées de justice et de réparations », a déclaré Josef Benedict.

Complément d’information

N. Dharmendran a été arrêté pour tentative de meurtre avec arme à feu et placé en détention provisoire, en l’absence d’un avocat. Il a été emprisonné pendant 10 jours.

Quatre policiers ont été inculpés du meurtre de N. Dharmendran le 5 juin 2013. Le 12 décembre 2014, la Haute cour les a acquittés de l’accusation de meurtre. Cependant, le 26 février 2016, la Cour d’appel a annulé l’acquittement prononcé par la Haute cour à l’égard des quatre policiers concernant le meurtre de N. Dharmendran et renvoyé l’affaire devant la Haute cour.