Une lettre de Shawkan, photojournaliste emprisonné en Égypte

Amnesty International a recueilli près de 90 000 signatures dans le monde entier dans le cadre de sa pétition appelant à la libération de Mahmoud Abu Zeid, un photojournaliste égyptien dont la première audience devant le tribunal pénal du Caire est prévue pour le 12 décembre.  

Mahmoud Abu Zeid, mieux connu sous le nom de Shawkan, a écrit une lettre de remerciement à tous ses sympathisants, qui demandent sa libération.  

Shawkan est torturé et maintenu en détention provisoire depuis plus de deux ans, ce qui est contraire au droit égyptien comme au droit international relatif aux droits humains.

Il a été arrêté le 14 août 2013, alors qu’il photographait une des pages les plus sombres de l’histoire récente de l’Égypte, la dispersion violente par les forces de sécurité du sit-in de Rabaa al Adaweya, au Caire, qui s’est soldée par la mort de plus de 600 manifestants en un jour.  

Plusieurs charges sont retenues contre lui et il encourt la réclusion à perpétuité. Amnesty International considère que ces charges sont fabriquées de toutes pièces et motivées par des considérations politiques, et visent à punir ce journaliste pour avoir photographié la violence des forces de sécurité en cette sombre journée.  

Amnesty International estime que Mahmoud Abu Zeid a été arrêté et incarcéré pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression, et qu’il est à ce titre un prisonnier d’opinion. Il faut le relâcher immédiatement et sans condition, et les poursuites ouvertes contre lui doivent être abandonnées. 

Il devrait être libre, et non pas en train de languir en prison tandis que sa santé se dégrade. Il souffre d’une hépatite C et est privé de soins médicaux à la tristement célèbre prison de Tora, au Caire.  

La lettre de Shawkan :

Dans quelques jours, je serai enfin fixé sur mon sort. Mais je ne sais pas très bien ce que je ressens. En tout cas, je n’ai absolument pas l’impression qu’il s’agit du jour où j’obtiendrai justice.  

Je ne veux pas vous décevoir, j’essaie seulement d’être réaliste. Dans mon pays, nous ne connaissons plus la signification de ce genre de mot.  

Bien sûr, après plus de 850 jours dans un trou noir sans équité ni justice, je ne sais pas à quoi m’en tenir. 

Après plus de 850 jours dans un trou noir sans équité ni justice, je ne sais pas à quoi m’en tenir.

Mahmoud Abu Zeid, prisonnier d'opinion en Egypte

Tout ça parce que je faisais mon travail de photographe. Je suis en prison sans même savoir pourquoi !  

Je suis navré de vous dire : « La désespérance s’est emparée de moi ».

C’est le nouveau moi. J’essaie cependant de résister à ma nouvelle identité grâce à vous et seulement à vous, les personnes et les sympathisants qui restez à mes côtés.  

Vous continuez à me donner la sensation que je ne suis pas seul. Vous tous êtes devenus ma force et mon énergie, et sans vous je ne peux pas traverser ça.  

Je veux vous faire part de mon amour et de mon respect profonds, ainsi que de ma reconnaissance pour tout ce que vous faites pour moi. J’ai tellement de chance d’avoir des gens aussi gentils dans ma vie. Et je suis vraiment honoré de vous compter parmi mes amis.  

Continuez à crier : « LE JOURNALISME N’EST PAS UN CRIME »

Chapeau,

Shawkan

Prison de Tora 

1er décembre 2015

Cette lettre a initialement été publiée par Mada Masr, ici