Tchad : une nouvelle vague d’arrestations et de harcèlement vise l’opposition

Des dizaines de parlementaires, de journalistes, de responsables de l’armée et de civils arrêtés depuis le début du mois de mai par les autorités tchadiennes doivent être libérés immédiatement ou inculpés d’infractions reconnues par la loi, a déclaré Amnesty International jeudi 9 mai 2013. Depuis une opération menée le 1er mai, qui a été qualifiée de tentative de coup d’État et aurait entraîné la mort de huit personnes dans des circonstances suspectes, des militants et des journalistes ont été visés par une vague d’arrestations, de détentions et de harcèlement à N’Djamena, la capitale du pays. La plupart des personnes arrêtées n’ont pas été autorisées à recevoir de visite de leurs proches, d’avocats ou de médecins. On pense que certaines sont détenues au secret. « La vague croissante d’arrestations et de détentions à N’Djamena est extrêmement troublante, surtout que l’on ignore encore l’identité de toutes les personnes détenues et l’endroit où elles se trouvent », a déclaré Christian Mukosa, spécialiste du Tchad au sein d’Amnesty International. « Placer en détention tous ceux qui critiquent le gouvernement n’est pas la meilleure façon d’éviter l’agitation politique dans le pays. Les autorités doivent veiller à ce que les personnes détenues soient officiellement inculpées ou libérées et à ce que le fait de s’exprimer ne soit pas sanctionné. » Le journaliste Éric Topona, secrétaire général de l’Union des journalistes tchadiens (UJT), a été arrêté le 6 mai après s’être rendu au tribunal de police de N’Djamena, où un juge d’instruction l’avait convoqué. Il a par la suite été accusé de « nuire à l’ordre constitutionnel », placé en détention et conduit au centre de détention d’Am Sinene, dans la banlieue de N’Djamena. D’après son avocat, Éric Topona avait été convoqué pour témoigner dans une affaire de diffamation concernant l’auteur militant Jean Laoukolé. Le 7 mai, Moussaye Avenir De La Tchiré, rédacteur en chef du journal Abba Garde et trésorier de l’UJT, a été arrêté par un groupe d’hommes en civil alors qu’il était dans sa voiture à Dembé, dans la banlieue de N’Djamena. Ces hommes l’ont forcé à monter à bord de leur véhicule et l’ont conduit vers une destination inconnue. Il a été retrouvé le lendemain dans un ancien camp militaire, « Camp OCAM », à Moursal, également dans la banlieue de N’Djamena. Aucun chef d’inculpation n’a encore été prononcé contre lui. Le 7 mai également, la police sénégalaise a arrêté à Dakar le blogueur tchadien Makaila Nguebla, qui avait fui son pays il y a quelques années et vit désormais au Sénégal. Il a été arrêté lorsqu’il s’est rendu dans un poste de police de Dakar après y avoir été convoqué par un commissaire de police. Le policier sénégalais qui l’a interrogé l’accusait de communiquer par courrier électronique avec des militants, dont Éric Topona, et de « soulever la population contre le gouvernement tchadien à l’aide des médias sociaux ». Le 1er mai, plusieurs parlementaires membres de l’opposition ont eux aussi été arrêtés et des perquisitions ont été menées au domicile de certains d’entre eux. Deux autres membres du Parlement ont été arrêtés dans la soirée du 8 mai.