Le Bélarus exhorté à libérer des prisonniers d’opinion incarcérés à la suite d’une manifestation postélectorale

Amnesty International a demandé aujourd’hui la libération inconditionnelle de 15 militants et journalistes bélarussiens inculpés d’« organisation de troubles à l’ordre public de grande ampleur » à la suite d’une manifestation postélectorale en décembre, l’organisation considérant ces personnes comme des prisonniers d’opinion. Vingt-quatre militants et journalistes de l’opposition, dont cinq candidats à l’élection présidentielle, ont été arrêtés et inculpés en raison de leur participation, le 19 décembre à Minsk, à une manifestation organisée à la suite du scrutin présidentiel. Ils pourraient passer en jugement dans deux ou trois mois. Les détenus ne sont actuellement pas autorisés à avoir accès de manière adéquate à des avocats et à des médecins alors même que certains d’entre eux ont été grièvement blessés par la police antiémeute le jour de la manifestation. « Quinze de ces détenus sont des prisonniers d’opinion : ils n’ont fait qu’exprimer pacifiquement leurs opinions politiques et doivent répondre d’accusations fabriquées de toutes pièces. Ils devraient être libérés de façon immédiate et inconditionnelle, et tous les chefs d’accusation retenus contre eux devraient être abandonnés, a souligné John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. « Les poursuites judiciaires et les mauvais traitements dont sont l’objet des personnes qui ont manifesté pacifiquement témoignent d’un mépris flagrant pour les droits humains de la part des autorités bélarussiennes et doivent être condamnés de la manière la plus ferme par la communauté internationale. » Ces prisonniers d’opinion sont accusés d’avoir organisé des « troubles à l’ordre public de grande ampleur » avec de violentes attaques et une résistance armée et encourent des peines d’emprisonnement d’une durée pouvant aller jusqu’à 15 ans, alors qu’Amnesty International n’a trouvé aucun élément prouvant qu’ils aient recouru ou incité à la violence avant ou pendant les mouvements de protestation. Les manifestants ont généralement eu un comportement pacifique lors de la manifestation à Minsk, à l’exception d’un petit nombre de jeunes hommes masqués qui ont attaqué les bâtiments du Parlement. Un témoin oculaire a signalé que l’une des personnes arrêtées, Nikolaï Statkevitch, candidat à l’élection présidentielle, qui faisait un discours à ce moment-là, a appelé la foule à cesser d’attaquer les portes du Parlement. Dans une vidéo on voit Vitali Rymachevski, également candidat au scrutin présidentiel, en train d’essayer d’empêcher ces hommes d’endommager le bâtiment. La police antiémeute a violemment dispersé la manifestation. Un autre candidat à l’élection présidentielle incarcéré, Vladimir Nekliaïev, a été blessé à la tête lorsqu’il a été frappé par la police antiémeute alors qu’il se dirigeait vers la manifestation. Il a par la suite été conduit en détention par des hommes en civil qui sont venus le chercher dans le service de soins intensifs de l’hôpital où il était soigné. Le 29 décembre, il n’a pas pu parler à son avocat et il semblait en très mauvaise santé ; il n’a cependant pas été transféré à l’hôpital. Andreï Sannikov, candidat au scrutin présidentiel placé en détention, a lui aussi été grièvement blessé lors de l’attaque contre les manifestants le 19 décembre ; il pourrait avoir une jambe cassée. L’avocat d’Andreï Sannikovlawyer l’a vu au tribunal le 29 décembre mais il n’a pas pu parler avec lui. Les avocats n’ont souvent pas été autorisés à avoir accès aux détenus au motif que les deux salles de réunion du centre de détention du Comité de sûreté de l’État biélorusse (KGB) étaient utilisées. Plus de 700 personnes ont été placées en détention en raison de leur participation à la manifestation. La plupart ont depuis été relâchées après avoir purgé une brève peine administrative, mais des militants, des journalistes et des représentants politiques de premier plan sont toujours incarcérés dans le cadre de cette mesure de répression manifeste contre l’opposition. Outre ces 24 détenus à présent inculpés, 14 autres personnes sont toujours incarcérées et pourraient être bientôt inculpées. Les 15 prisonniers d’opinion sont : •    Alexeï Mikhalevitch, Nikolaï Statkevitch, Vladimir Nekliaïev, Rygor Kostoussev et Andreï Sannikov, tous candidats à l’élection présidentielle ;•    les journalistes Natalia Radina, administratrice du site charter97, Irina Khalip, correspondante du journal russe Novaya Gazeta, et Sergueï Vozniak, rédacteur en chef du journal Tovarich ;•    Alexandre Atrochtchenkov, commentateur politique, Pavel Severinets, militant de l’opposition et membre de l’équipe de campagne de Vitali Rymachevski, Anatol Labedzka, membre du Parti de l’Union civique, Vladimir Kobets, membre de l’équipe de campagne d’Andreï Sannikov, Zmitser Bandarenka, coordonateur du mouvement d’opposition Belarus européen, Alexandre Arastovytch et Sergueï Martseleu, membres de l’équipe de campagne de Nikolaï Statkevitch, et Anastasia Palajanka, vice-présidente du mouvement de jeunesse Jeune Front.Vitali Rymachevski, qui a présenté sa candidature pour le scrutin présidentiel, a été libéré sous caution le 1er janvier, de même qu’Anatol Paulau et Aleg Korban, mais les chefs d’accusation retenus contre eux n’ont pas été abandonnés. Amnesty International se penche également sur les cas d’autres personnes qui ont été inculpées des mêmes chefs en lien avec la manifestation du 19 décembre, et parmi lesquelles pourraient figurer d’autres prisonniers d’opinion.