L’Allemagne, l’Autriche et la Suisse ont annoncé leur décision de se retirer financièrement du projet de construction du barrage d’Ilisu, en Turquie, en raison du risque de violations des droits humains. Les trois gouvernements ont pris cette décision à la suite d’expertises indépendantes ayant conclu que le projet de barrage ne respectait pas les exigences qui avaient été fixées, notamment en ce qui concerne l’impact de ce projet sur le plan social et environnemental.
Amnesty International a salué cette décision.
« Cette décision montre que la diligence requise en matière de droits humains – y compris en ce qui concerne la fixation et le contrôle de normes relatives à l’impact des projets sur le plan social et des droits humains – est un principe applicable, a déclaré Danny Vannucchi, d’Amnesty International. Il est également primordial de veiller à ce que les agences de crédit à l’exportation ne contribuent pas à la commission de violations des droits humains à l’étranger, ou n’en tirent pas profit, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’entreprises de financement. »
En mars 2007, les gouvernements de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Suisse ont accepté d’aider des entreprises de ces pays à fournir des équipements et des services d’ingénierie pour la construction du barrage d’Ilisu. Cette aide a été apportée par le biais d’agences de crédit à l’exportation (institutions publiques ou semi-publiques qui apportent des assurances, des garanties et des prêts garantis par l’État à des entreprises nationales qui veulent réaliser des opérations à l’étranger).
Cet ouvrage d’une capacité prévue de 1 200 mégawatts, qui doit être construit sur le Tigre, à Ilisu, dans le sud-est de la Turquie, est le plus grand projet de barrage jamais entrepris en Turquie. Sa construction doit entraîner le déplacement d’au moins 55 000 personnes.
D’après des informations émanant de la société civile, les populations concernées n’ont pas été correctement consultées et la politique de réinstallation ne respecte pas les normes en matière de droits humains. Les répercussions sociales et environnementales de ce projet n’ont en outre pas été convenablement évaluées.
« Si les agences de crédit à l’exportation ne s’étaient pas retirées du projet, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, ainsi que les entreprises bénéficiant de garanties à l’exportation, auraient pu être complices de violations des droits humains ou tirer profit d’un projet impliquant de graves violations des droits humains », a souligné Danny Vannucchi.
« L’exercice de la diligence requise en matière sociale et de droits humains, y compris un contrôle efficace et indépendant, devrait être obligatoire pour toutes les aides apportées par des agences de crédit à l’exportation et, du reste, représenter une condition préalable pour l’octroi d’une aide. Amnesty International attend à présent de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Suisse qu’elles poursuivent dans la voie qu’elles ont ouverte dans cette affaire. »