Usage meurtrier de la force par les forces de défense et de sécurité

Comment tout a commencé

Des manifestations et des affrontements violents ont éclaté dans le pays après l’arrestation le 3 mars 2021, d’Ousmane Sonko, figure de proue de l’opposition, qui sera inculpé de troubles à l’ordre public et d’avoir participé à une manifestation non autorisée alors qu’il se rendait au tribunal pour répondre à une citation à comparaître pour une autre affaire.

Quatorze personnes ont été tuées dans le cadre des manifestations et des émeutes qui ont duré 5 jours. Douze d’entre elles sont mortes suite à des coups de feu tirés par les forces de défense et de sécurité. Un mois après les événements, les autorités sénégalaises ont annoncé qu’une commission impartiale serait mise en place pour enquêter sur la mort des 14. Cependant, un an plus tard, aucune information n’a été rendue publique sur les poursuites judiciaires annoncées par les autorités et il n’est pas clair non plus si des enquêtes ont effectivement été ouvertes. Les personnes responsables de ces décès sont encore libres.

Mon fils n’avait que 20 ANS.

Le père de Cheikh Coly

C’est toujours un drame de perdre un enfant quelles que soient les circonstances. Le père de Cheikh Coly a dû enterrer son fils de 20 ans qui avait un bel avenir devant lui. Discutant avec Amnesty International, il nous en dit plus sur Cheikh et comment il a appris sa mort tragique.

Cheikh Coly était un élève. Il étudiait pour passer son baccalauréat en candidat indépendant. Je l’ai élevé selon mes valeurs et j’étais satisfait de lui. C’était mon seul garçon et il avait 20 ans lorsqu’il a été tué en mars 2021. C’était un grand fan de football et il avait été admis dans un centre de formation. Malheureusement, il a dû retourner à Bignona à cause de la pandémie de COVID-19. Quand il était ici, à la maison, il m’aidait dans mon travail. Je suis chauffeur pour l’administration mais je travaille aussi comme plombier à côté et Cheikh m’aidait dans ces activités. Parfois, il faisait tous les travaux de plomberie car je n’étais disponible que les samedis et dimanches pour ce travail annexe.

Le jour de sa mort; un voisin est venu chez nous à moto à ma recherche. Quand je suis sorti pour le voir, il m’a dit que Cheikh avait été atteint par une balle. J’ai d’abord cru que ce n’était qu’une petite égratignure. Le voisin m’a emmené à la caserne de pompiers où Cheikh devait se trouver. Lorsque je suis arrivé là-bas et que j’ai demandé à voir mon fils, ils m’ont dit qu’ils l’avaient déjà transféré au district sanitaire de Bignona. Lorsque j’ai demandé à l’ambulancier qui l’avait transporté comment allait Cheikh, il m’a seulement exhorté à me rendre au district sanitaire de Bignona.

Quand je suis arrivé à l’hôpital, devant le grand portail, j’ai entendu des gens chuchoter : « son père est là, son père est là ». À voir l’expression sur leurs visages, je ma doutais déjà que sa blessure était pire que je ne le pensais. J’ai rencontré le médecin qui m’a seulement dit que Cheikh était à l’hôpital. Je l’ai suivi dans une pièce où j’ai finalement vu Cheikh. J’ai vu le corps sans vie de mon fils. Une balle avait traversé son cœur. Je l’ai vu de mes propres yeux à l’hôpital.

Après avoir vu son cadavre, je voulais juste le ramener avec moi. Le médecin m’a alors dit que je devais attendre que les forces de sécurité viennent pour libérer le corps. Ils ont emmené le corps de Cheikh à la morgue. Personne ne m’a appelé après pour faire un suivi. Il a fallu une semaine et beaucoup de tracas pour récupérer son corps. Je suis allé voir le préfet pour me plaindre de la situation et lui faire savoir que nous voulions avoir un enterrement et pouvoir faire notre deuil. Le préfet a indiqué que tout relevait de la compétence du procureur et qu’il ne pouvait pas faire grand-chose. Cela m’a bouleversé et j’ai commencé à protester. Ils nous ont finalement laissé récupérer son cadavre une semaine plus tard. Ils ont retenu son corps pendant tout ce temps mais n’ont même pas fait d’autopsie.

Tu as tué le gamin.

Un témoin au soldat qui a tiré

Une équipe d’enquêteurs de la gendarmerie est venue une fois m’interroger en mars 2021, et depuis, il n’y a eu aucune suite concernant l’enquête sur son meurtre.

J’ai appris plus tard, grâce à des témoins qui m’ont parlé seuls, que mon fils Cheikh était sur sa moto lorsqu’il a été tué. Et ce sont les forces de sécurité qui lui ont tiré dessus. Un des témoins a expliqué que lorsqu’il a vu que Cheikh était touché par une balle, il a dit au tireur : “Tu as tué le gamin”.  

Nous avons été invités une fois à Dakar pour rencontrer des autorités dont le ministre Mahmoud Saleh, directeur de cabinet du président Macky Sall. J’ai profité de l’occasion pour leurs dire combien la mort de nos enfants nous a peinés. Ces enfants nous étaient très chers. Les autorités ne nous ont pas dit grand-chose en retour. Et depuis cette rencontre, rien n’a évolué. Les autorités nous ont ignorés depuis et n’ont pas retourné nos appels ou nos SMS.

Il n’y a pas eu de poursuites judiciaires. C’est horrible. Nous avons beaucoup de questions.

Le père de Cheikh Coly

Après la mort de Cheikh, il a été très difficile d’accepter sa perte. Le jour où Cheikh est mort, ma fille, celle qui succède à Cheikh, était à l’école. Quand elle est rentrée vers midi, elle a vu beaucoup de monde dans la maison et se demandait ce qui s’était passé. Quand les gens lui ont dit que son frère aîné était mort, elle s’est évanouie sur place. Elle a dû être emmenée au dispensaire. Depuis ce jour, elle a des problèmes cardiaques. La famille ne peut pas faire la paix avec la mort de Cheikh. Nous ne pouvons pas faire notre deuil complètement car il n’y a pas de justice, pas de réparation. Les autorités n’ont rien fait. 

Cheikh me disait “Père, c’est mon pied qui te construira une belle maison, qui t’emmènera en pèlerinage [à La Mecque] et t’achètera une belle voiture”. Il faisait référence à sa carrière prometteuse de footballeur. C’était un très bon joueur. Mon fils, Cheikh Ibrahima Coly me manque énormément. Il manque à toute sa famille.

Demandez #justicepourles14

Les autorités sénégalaises doivent cesser de chercher à gagner du temps et traduire en justice les responsables de la mort des 14 personnes tuées lors des manifestations de mars 2021. #JusticePourLes14

https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2022/03/senegal-noublie-pas-mars-2021/

IL A ÉTÉ TUÉ ALORS QU’IL TRAVAILLAIT.

Le père de Baye Cheikh Diop

Les familles des 14 personnes tuées lors des manifestations au Sénégal en mars 2021 vivent un deuil insurmontable. Le père de Baye Cheikh Diop attend toujours la justice et les réparations promises.

Baye Cheikh était mon fils aîné. Il était un jeune mécanicien de 16 ans et travaillait ce jour-là dans leur atelier lorsqu’il a été abattu.

En avril 2021, Mahmoud Saleh, directeur de cabinet du président Macky Sall, et d’autres autorités, nous ont rencontrés pour nous demander de prôner la paix et de ne pas entrer en confrontation avec les autorités. Ils nous ont aussi dit que l’État allait nous rendre justice. Mais depuis ce jour, nous n’avons plus entendu parler d’eux, et ils ne décrochent pas lorsque nous les appelons.

Il allait fêter son anniversaire quelques jours plus tard. Il aurait eu 17 ans.

Le père de Baye Cheikh Diop

Nous n’avons pas porté plainte pour préserver la paix et éviter les affrontements. Nous ne pouvons pas lutter contre les autorités. Nous avons placé notre confiance dans les médiateurs et les autorités religieuses; et nous nous attendions donc à ce que les autorités nous remettent dans nos droits et nous rendent justice.

agissez maintenant

Un an s'est écoulé depuis la mort tragique de Baye Cheikh Diop, un jeune mécanicien, tué au travail. Les autorités ont promis la justice mais ne la rendent toujours pas. #JusticePourLes14

https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2022/03/senegal-noublie-pas-mars-2021/

“Mauvais endroit, mauvais moment”

Famara Goudiaby était un étudiant de 20 ans et venait de réussir son baccalauréat. Il s’était rendu dans son village natal pour s’occuper des formalités administratives pour pouvoir entamer ses études supérieures. Sur le chemin du retour, il décide de rendre visite à sa sœur qui habite à Bignona. Il a été tué par une balle perdue alors qu’il marchait dans la rue. Famara n’était pas un manifestant.

IL EST TEMPS QUE JUSTICE SOIT rendue

Les meurtres illégaux ne doivent jamais rester impunis. Les familles des personnes décédées ont un besoin urgent de justice. Cela fait un an qu'elles attendent. C'est déjà un an de trop. #JusticePourLes14

https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2022/03/senegal-noublie-pas-mars-2021/

Mon frère Cheikh a été tué par un policier alors qu’il manifestait. Jusqu’à présent, aucune justice n’a été rendue.

Ngoné Wade, sœur jumelle de Cheikh Wade

Le souvenir du 8 mars 2021 reste douloureux pour tous les membres de la famille de Cheikh Wade rencontrés dans le quartier de Cambéréne, en banlieue dakaroise. Sa mère Marieme** est toujours meurtrie par la mort brutale de son fils cadet, et attend désespérément que justice soit rendue. À leurs côtés depuis près d’un an, plusieurs organisations de défense des droits humains se sont levées pour dire non à l’impunité. Dans le cadre de sa campagne ‘’Ensemble, demandons justice pour les victimes de la répression violente des manifestations au Sénégal’’, Amnesty International mobilise ses membres pour que les auteurs du meurtre de Cheikh Wade soient identifiés et punis et pour que marcher pacifiquement ne soit plus synonyme de danger de mort.

Dans cette tribune, Ngoné Wade, la sœur jumelle de Cheikh, interpelle les autorités pour que justice soit faite.

Lisez l’article complet et apprenez-en plus sur le combat de la famille de Cheikh Wade pour la justice

Aujourd’hui, 4 février, nous aurions dû fêter notre 33e anniversaire ensemble, mais tu n’es hélas plus là !
Cheikh, mon frère jumeau, tu fais partie des 14 jeunes sénégalais morts en mars 2021 au cours des manifestations ayant suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, et ayant occasionné dans plusieurs villes du Sénégal, des scènes de pillages, de destruction et des heurts entre les manifestants et les forces de sécurité.

VOUS POUVEZ AIDER LES FAMILLES DE CEUX QUI ONT ÉTÉ TUÉS ILLÉGALEMENT LORS DES MANIFESTATIONS DE MARS 2021 À OBTENIR JUSTICE

SIGNEZ LA CARTE POUR LA FAMILLE DE CHEIKH WADE

Montrez votre soutien et votre solidarité à la famille de Cheikh Wade dans leur quête de justice.

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ENVOYER UN COURRIEL AU MINISTRE DE LA JUSTICE

Exigez justice pour Cheikh Wade et les treize personnes tuées lors des manifestations de mars 2021.

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