Népal. Il faut rejeter le projet de loi relatif à la création d’une Commission vérité et réconciliation

Le corps législatif népalais doit rejeter les dispositions problématiques du projet de loi sur la création d’une Commission vérité et réconciliation, qui a été présenté au Parlement le 9 avril 2014, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes jeudi 17 avril. Malgré une directive de la Cour suprême népalaise datant du 2 janvier selon laquelle ce texte doit être mis en conformité avec les normes juridiques internationales, le projet de loi comporte des dispositions en matière d’immunité qui portent atteinte au droit international. En particulier, il reprend des passages d’une ordonnance de 2012 qui permettait que les auteurs de crimes de droit international perpétrés durant la guerre civile népalaise échappent aux poursuites. Dans un jugement historique, la Cour suprême a rejeté cette ordonnance et explicitement enjoint au gouvernement de déposer un nouveau projet de loi respectant les obligations du Népal en vertu du droit international. Le droit international interdit d’accorder l’immunité aux auteurs de violations flagrantes des droits humains telles que celles énumérées dans le projet de loi.  « Le gouvernement népalais semble s’être contenté de présenter une version légèrement remaniée de l’ordonnance de 2012, malgré le jugement important prononcé par la Cour suprême sur la justice de transition », a déclaré Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique de la Commission internationale de juristes. « Cela fragilise la justice de manière délibérée, et fait sérieusement douter du respect du gouvernement pour l’état de droit au Népal. » Le 25 mars 2014, le gouvernement népalais a annoncé qu’il présenterait dans les 15 jours des projets de loi relatifs à la création d’une Commission vérité et réconciliation et d’une commission d’enquête sur les disparitions forcées. Une équipe spéciale d’experts formée par le gouvernement a proposé une formulation révisée, mais le texte en question n’a pas été incorporé au projet de loi. Le projet de loi actuel dresse la liste des violations graves des droits humains qui relèveraient de la compétence de la Commission. Celles-ci incluent les meurtres, les enlèvements, les viols et les violences sexuelles, les expulsions forcées et la torture morale et physique. Les formules vagues utilisées dans l’article 26 n’écartent pas complètement la possibilité d’une immunité de poursuites pour les auteurs présumés de ces crimes.  Si l’article 26(2) exclut spécifiquement l’immunité dans les cas de viol, le projet de loi ne fait en revanche pas mention du délai de prescription de 35 jours pour le signalement des viols, qui est inscrit dans le Code pénal népalais et empêche des victimes d’obtenir justice. La disposition relative à l’immunité est identique à l’article 23 de l’ordonnance de 2012, explicitement rejetée par la Cour suprême, qui l’a estimée anticonstitutionnelle et contraire aux obligations du Népal aux termes du droit international.  « Il est déconcertant de constater que le gouvernement népalais propose un projet de loi contenant exactement les mêmes dispositions choquantes qui permettraient à des personnes responsables des crimes les plus abjects d’échapper aux sanctions », a déclaré Brad Adams, directeur de la division Asie de Human Rights Watch. « Le gouvernement a l’obligation de faire en sorte que les victimes obtiennent justice, pas que les agresseurs bénéficient d’une immunité de poursuites. » La Cour suprême a indiqué que tout mécanisme de justice de transition doit se conformer aux normes internationales, respecter l’obligation de rendre des comptes pour les violations graves des droits humains, et permettre que les victimes puissent jouir du droit de bénéficier de voies de recours et d’obtenir réparation, ce qui recouvre le droit à la vérité, à la justice et à des garanties de non-répétition. « Les législateurs népalais doivent rejeter sans équivoque les dispositions qui posent problème dans le projet de loi, et modifier celui-ci afin qu’il soit conforme à la directive de la Cour suprême », a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie à Amnesty International. « En l’état, ce projet de loi tourne en dérision les promesses de justice et d’obligation de rendre des comptes faites au victimes dans le cadre de l’accord de paix. Ceux dont les droits fondamentaux ont été gravement bafoués seront dans les faits privés de la possibilité d’obtenir réparation. » Les organisations de défense des droits humains ont une nouvelle fois demandé au gouvernement népalais d’exécuter le jugement rendu par la Cour suprême, qui les engage à : • Établir une « Commission vérité et réconciliation » et une « commission d’enquête sur les victimes de disparition forcée » ; • Ériger en infraction les disparitions forcées, conformément à la définition donnée à ce crime par la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et veiller à ce qu’elles soient passibles de peines en rapport avec la gravité de ce crime ; • Faire en sorte que d’autres actes graves soient érigés en infraction dans le droit népalais, notamment les crimes de droit international tels que les crimes contre l’humanité, d’une manière qui soit conforme au droit international ; • Interdire l’immunité de poursuites pour les graves violations des droits humains ou crimes de droit international ; • Veiller à ce qu’il n’y ait pas de prescription pour le jugement des crimes graves, notamment tous les crimes de droit international tels que la disparition forcée, la torture, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité . • Garantir que la composition et la structure des commissions soient conformes aux normes internationales. En particulier, un système d’évaluation juste est nécessaire afin d’assurer l’impartialité des membres des commissions ; • Exiger que les mesures juridiques et institutionnelles qui s’imposent soient adoptées afin de permettre l’établissement, le financement adéquat et la maintenance de mécanismes efficaces de protection des victimes et des témoins ; et à • Créer un programme de réparation digne de ce nom, et procéder à tous les aménagements juridiques, administratifs, institutionnels ou autres nécessaires à son fonctionnement