À l’approche du 14 août, journée dédiée en Corée du Sud à la mémoire des « femmes de réconfort » – euphémisme utilisé pour désigner les femmes et les filles qui ont été réduites en esclavage sexuel par l’armée japonaise avant et pendant la Seconde Guerre mondiale –, Arnold Fang, chercheur sur l’Asie du Sud-Est pour Amnesty International, a déclaré :
« Les crimes atroces commis par l’armée japonaise contre les “femmes de réconfort” ont beau s’être produits il y a plus de 70 ans, le combat pour la justice, la vérité et les réparations est toujours autant d’actualité pour les victimes qui sont encore en vie.
« Les poursuites judiciaires engagées à Séoul contre le gouvernement japonais sont le dernier moyen de rendre justice aux victimes de ce système d’esclavage sexuel militaire, mais elles ont peu de chances d’aboutir tant que ne sera pas surmonté l’obstacle de l’immunité revendiquée par le Japon en tant qu’État.
« Le gouvernement japonais ne doit pas priver ces victimes du droit d’obtenir pleinement réparation et de bénéficier d’un recours effectif ; il doit renoncer à utiliser des obstacles procéduraux tels que l’immunité d’État alors que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont été commis.
« L’issue de ces poursuites judiciaires pourrait avoir des répercussions sur les victimes de crimes de droit international partout dans le monde. Il est impératif que la responsabilité pénale pour les atrocités subies par les « femmes de réconfort » soit établie et que justice soit rendue. »
Complément d’information
Le terme « femmes de réconfort » est un euphémisme utilisé pour désigner les quelque 200 000 femmes et filles – dont une grande proportion de Coréennes – qui ont été contraintes de travailler dans des maisons closes gérées par l’armée japonaise avant et pendant la Seconde Guerre mondiale.
Dans le cadre de cet esclavage sexuel systématique, des jeunes filles et femmes ont été violées, frappées, torturées et tuées, et beaucoup se sont suicidées. Celles qui ont survécu ont souffert par la suite de troubles physiques et mentaux, d’isolement, de la honte, de la stigmatisation et souvent d’une extrême pauvreté pendant des décennies.
Vingt personnes, dont des victimes de ce système d’esclavage sexuel qui sont encore en vie, ont porté plainte devant le tribunal du district central de Séoul en 2016 pour demander réparation au gouvernement japonais. La première audience s’est tenue en novembre 2019. Amnesty International a adressé une communication aux juges dans cette affaire. Une autre plainte a été déposée par 12 autres victimes, également en 2016.
Le gouvernement japonais maintient que le problème a été réglé par un accord bilatéral conclu avec le gouvernement sud-coréen de l’époque en 2015.
Les victimes qui ont introduit ces nouveaux recours en justice affirment que l’accord bilatéral de 2015, destiné à « résoudre » le problème « de façon définitive et irréversible », est insatisfaisant car il ne reconnaît pas les violations du droit relatif aux droits humains commises par le Japon ni sa responsabilité pénale. Elles déplorent également qu’il ne contienne pas de véritables excuses et qu’il ait été négocié sans la pleine participation des victimes.
Au cours de ces 30 dernières années, des victimes vivant en Corée, à Taiwan, aux Philippines, en Chine et aux Pays-Bas ont engagé au total 10 procédures judiciaires contre le gouvernement japonais devant des tribunaux japonais, mais elles ont toutes été déboutées.
Dans son rapport de 2005 intitulé Soixante ans après, les survivantes du système japonais d’esclavage sexuel exercé par l’armée continuent de réclamer justice, Amnesty International a recommandé aux États dont sont issues les survivantes de « promulguer des lois qui permettraient aux rescapées d’attaquer le Japon devant leurs tribunaux nationaux ».
Elle leur a demandé de veiller à ce que ces lois interdisent toute immunité d’État pour des violations du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire.