Trois ans après l’assassinat d’un rédacteur en chef, les journalistes sont toujours pris pour cibles en Azerbaïdjan

Dimanche 2 mars 2008, cela fera trois ans jour pour jour que le journaliste azerbaïdjanais Elmar Hüseynov a été assassiné devant son domicile, à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. Le cas de cet homme est devenu emblématique des atteintes persistantes aux droits fondamentaux dont les journalistes sont victimes dans ce pays.

Rédacteur en chef de Monitor, un magazine d’opposition azéri, Elmar Hüseynov était connu pour son franc-parler. Il a reçu sept balles dans le corps alors qu’il sortait d’un ascenseur, le 2 mars 2005. Son assassinat – un meurtre sur contrat, semble-t-il – s’inscrit dans une longue série d’agressions visant des journalistes de l’opposition. Il en est l’épisode le plus grave.

Selon des collègues d’Elmar Hüseynov et des organisations internationales de défense de la liberté de la presse, cet homicide était lié à l’orientation politique de son journal, dont la publication a cessé après sa mort.

En juillet 2006, un ancien fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, accusé d’enlèvement et de meurtre, a avoué l’assassinat d’Hüseynov alors qu’il témoignait dans le cadre de son propre procès. Il a affirmé qu’il avait perpétré cet homicide pour le compte de l’ancien ministre du Développement économique, lui-même jugé pour tentative de renversement du gouvernement. À ce jour, nul n’a été poursuivi pour l’assassinat d’Elmar Hüseynov.

À l’occasion du troisième anniversaire de la mort du journaliste, Amnesty International a appelé les autorités de l’Azerbaïdjan à respecter l’obligation qui leur incombe, aux termes du droit international comme de la législation azerbaïdjanaise, de garantir la liberté d’expression.

L’Azerbaïdjan continue à emprisonner des journalistes qui n’ont fait qu’exercer leur droit à la liberté d’expression, sans recourir à la violence ni prôner son usage. Si cinq journalistes ont été libérés en décembre 2007, d’autres sont maintenus en détention pour des motifs politiques, d’après des défenseurs des droits humains du pays.

Eynulla Fetullayev, rédacteur en chef d’un journal de l’opposition, est au nombre des journalistes qui sont toujours derrière les barreaux. Après avoir été harcelé pendant des années par les autorités, il a été jugé à deux reprises en 2007. Il a été condamné à onze ans de réclusion après avoir été déclaré coupable de diffamation, de terrorisme, d’incitation à la haine raciale et de fraude fiscale.

Eynulla Fetullayev a travaillé pour le Monitor jusqu’à ce que sa parution soit interrompue. Il a ensuite lancé deux publications d’opposition très lues, Realny Azerbaïdjan et Gündelik Azerbaycan. Les deux journaux ont cessé de paraître en mai 2007, après une série d’inspections menées dans leurs locaux par les pouvoirs publics.

Plusieurs agressions physiques brutales ont été perpétrées contre des journalistes par des inconnus en 2006 et 2007 ; peu d’investigations ont été menées sur ces agissements, dont les auteurs n’ont pas été sanctionnés. L’une de ces attaques a eu lieu dans une rue très passante, en plein jour, les assaillants ne redoutant guère les poursuites dans ce climat d’impunité.

Les propos contradictoires tenus à ce sujet par le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, n’ont pas arrangé la situation. En avril 2005, il a déclaré : « il est inacceptable que des représentants de l’État attaquent des journalistes ». En juillet 2007 cependant, devant de nouveaux diplômés d’une école de police, il a affirmé qu’il avait « interdit les sanctions » contre les policiers ayant recouru à la violence contre des journalistes lors des troubles d’octobre 2005. Il a ajouté qu’il « [soutiendrait] toujours la police » dans de tels cas.

Du fait de l’insuffisance des investigations menées par la police sur les cas de violences ou de harcèlement à l’égard de journalistes, peu de suspects sont identifiés ou arrêtés et à ce jour, de nombreuses atteintes restent impunies.

Baxaddin Xeziev, rédacteur en chef du journal d’opposition Bizim Yol et vice-président du Front populaire d’Azerbaïdjan (FPA), un parti politique, a été enlevé et passé à tabac par des inconnus le 18 mai 2006. Ceux-ci lui auraient ordonné de cesser d’écrire des « articles critiques ».

Les ravisseurs lui auraient ensuite roulé sur les jambes avec leur véhicule avant de l’abandonner au bord d’un lac situé aux environs de Bakou. Bizim Yol avait fait état de cas de corruption au sein des industries du pétrole et de la pêche et avait mis en cause plusieurs hauts fonctionnaires. En juillet 2006, dans le cadre d’un entretien avec Amnesty International, Baxaddin Xeziev avait déclaré que la police ne montrait guère d’empressement à enquêter sur l’affaire, qu’elle avait enregistrée comme un cas de blessures sans gravité, et non comme un enlèvement accompagné de coups et blessures aggravés.

Le 25 décembre 2006, un journaliste travaillant pour la publication d’opposition Azadliq, Nicat Hüseynov, a été attaqué par des inconnus alors qu’il sortait de son domicile, à Bakou, pour se rendre au travail. Il a été jeté au sol, battu et agressé au moyen d’un couteau. Des témoins ont appelé à l’aide et les assaillants ont pris la fuite à bord d’un taxi.

Commotionné, blessé à la tête et légèrement atteint d’un coup de couteau, Nicat Hüseynov a dû être hospitalisé. Nicat Hüseynov avait publié des articles faisant état de cas de corruption de hauts responsables, et il affirme avoir reçu des menaces téléphoniques avant son agression. En janvier 2008, il souffrait toujours de violentes migraines et de saignements de nez ; aucun progrès n’a été signalé dans le cadre de l’enquête menée à son sujet.

D’après certaines sources, une journaliste du périodique Impuls, Süheyle Qemberova, aurait été frappée par des agents des services judiciaires le 28 septembre 2007, alors qu’elle préparait un reportage sur des personnes chassées de leur logement. Cette femme aurait été battue en même temps que des personnes qui avaient demandé à voir les décisions de justice approuvant leur expulsion. D’après sa sœur, elle a été jetée à terre d’une bourrade et a reçu des coups de pied, notamment à la tête. Elle a dû être hospitalisée.

« Malheureusement, les autorités azerbaïdjanaises conservent une attitude ambiguë au sujet de la liberté d’expression, a déclaré Laurence Broers, chercheuse d’Amnesty International chargée de l’Azerbaïdjan. D’un côté, elles condamnent les attaques perpétrées contre des journalistes, de l’autre, les services de police et l’appareil judiciaire ne poursuivent pas les auteurs de ces agressions.

« D’autres représentants de l’État utilisent de manière abusive les lois azerbaïdjanaises relatives à la diffamation pour faire taire les journalistes jugés trop critiques. Pour apporter la preuve de leur attachement aux principes relatifs aux droits humains, les autorités azerbaïdjanaises doivent libérer les prisonniers d’opinion, dépénaliser la diffamation, veiller à ce que les attaques visant des journalistes donnent lieu à des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales et traduire leurs auteurs présumés en justice. »