Guinée. Des morts invisibles symptômes d’une culture d’impunité

L’année 2020 a été particulièrement meurtrière en Guinée. Dans un rapport publié avant l’élection présidentielle 2020, Amnesty international documente la mort d’au moins 50 personnes tuées entre octobre 2019 et juillet 2020 lors de marches contre le changement de Constitution impulsé et réalisé par le pouvoir actuel, et lors de protestations contre le manque d’électricité ou la gestion des barrages sanitaires mis en place pour lutter contre la pandémie de Covid-19.

Peu après l’élection présidentielle contestée du 18 octobre 2020, des récits de témoins, des images satellites et des vidéos authentifiées et analysées confirment que les forces de défense et de sécurité guinéennes ont tiré à balles réelles sur la population dans leur effort de répression des manifestations et émeutes qui ont eu lieu avant, pendant et après le scrutin.

Au moins 16 personnes ont été abattues entre le 18 et le 24 octobre 2020, selon un décompte effectué par Amnesty International. Cependant, selon les autorités judiciaires, 20 cadavres ont été remis au service de médecine légale de l’hôpital Ignace Deen de Conakry « pour autopsie », à la suite des violences post-électorales. Alors que l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, un parti d’opposition), considère qu’il y a eu 46 « victimes d’assassinats ciblés » entre le 19 octobre et le 3 novembre 2020.

Le 30 novembre 2020, des agents de police sont victimes de deux attaques armées au marché de Wanindara, un quartier réputé proche de l’opposition guinéenne. L’un des agents de police meurt et trois autres sont blessés. En représailles, des opérations à l’allure d’expéditions punitives ont été menées contre les habitants de Wanindara. Le 1 décembre 2020, un jeune a été tué durant ces opérations alors qu’il ne présentait aucun danger pour le groupe de six agents de police qui fouillaient sa maison.

Toutes ces morts sont restées jusqu’à présents impunies. Les nombreuses annonces d’investigations sont restées sans suite alors que de nombreuses arrestations arbitraires de membres de la société civile et de l’opposition ont été effectuées. Au moins 400 personnes ont été arrêtées et au moins 4 personnes sont décédées en détention.

Justice pour les victimes des violences policières en Guinée

Depuis octobre 2019 jusqu’après l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, plus de 66 personnes ont été tuées par les forces de défense et de sécurité. Signez notre pétition pour demander aux autorités guinéennes de garantir la justice pour les victimes et leurs familles.

Les violences policières ont causé la mort d’au moins 66 personnes en Guinée avant, pendant et après l’élection présidentielle d’Octobre 2020 . Les familles des victimes, malgré les risques encourus, ont décidé de raconter les histoires de leurs proches tués par ceux censés les protéger. Elles demandent que la vérité soit établie et que justice soit rendue.

Le 14 octobre 2019, Mamadou Karfa Diallo, 20 ans, et son cousin Thierno Sadou Bah, 18 ans participent à une manifestation derrière leur maison. Ils se trouvent devant un barrage de fortune dressé par des jeunes du quartier.  Mamadou se filme avec son téléphone alors que des coups de feu sont tirés par les forces de sécurité. Quelques minutes plus tard, Mamadou reçoit une balle dans le dos. Son cousin, Thierno vient à son secours et reçoit à son tour une balle au niveau de la hanche. Ils meurent tous les deux sur place.

Le 22 mars 2020, Issa Yero Diallo, 27 ans, mère de deux enfants âgés de 10 et 5 ans, est tuée d’une balle dans le dos. Ce jour-là,  des échauffourées éclatent entre policiers et manifestants opposés au référendum visant à modifier la Constitution dans la capitale Conakry. Les forces de défense et de sécurité ont encerclé le quartier Ansoumaya où Issa Yero et sa famille habite. Issa Yero entend des coups de feu et se précipite pour aller chercher ses enfants partis joués dans le quartier pour les mettre en sécurité. Elle est touchée par une balle dans le dos.

Le 21 octobre, des manifestations éclatent dans tout Conakry. Mamoudou est chauffeur et n’a pas pu travailler ce jour-là. Son véhicule est garé devant le domicile. Les premiers coups de feu éclatent dans son quartier à Koloma. Il sort pour déplacer sa voiture et aperçoit à 200 m de son véhicule des policiers. Il tente de rebrousser chemin. Deux coups de feu détonnent. Une balle a touché le mur de sa maison et la seconde balle l’atteint par le dos et ressort au niveau de la poitrine. Mamoudou Diallo est mort sur la route de l’hôpital.

Beaucoup d’autres jeunes sont morts, tués par balle, par les forces de sécurité en Guinée depuis octobre 2019. Dans plusieurs cas, les hôpitaux publics ont refusé d’accueillir les corps des victimes empêchant ainsi la réalisation d’autopsies. Sans autopsie, il est difficile d’élucider les circonstances de ces décès et d’obtenir des poursuites judiciaires.

L’impunité dont bénéficient les forces de défense et de sécurité guinéennes doit cesser. Les autorités guinéennes doivent prendre des actions efficaces pour garantir la justice et faire cesser les exactions policières et ce à tous les niveaux.

Joignez-vous à nos membres et sympathisants pour qu’il soit mis fin aux violences policières en Guinée.
Signez notre pétition et demandez justice et réparations pour les victimes de la répression violente et disproportionnée des manifestations en Guinée et leurs familles.

Une persistante culture d’impunité dont jouie les forces de défense et de sécurité

Du Président Ahmed Sékou Touré au Président Alpha Condé, de graves violations des droits humains ont été commises en toute impunité.

Durant les 26 ans sous le régime d’Ahmed Sékou Touré, des vagues d’arrestations et d’exécutions d’opposants ont rythmées la vie politique en Guinée. À ce jour, les victimes n’ont reçu aucune justice.

Entre janvier et février 2007, 135 manifestants ont été abattus par les forces de défense et de sécurité lors d’une grève générale demandant la démission du Président Lansana Conté. En 2012, une information judiciaire est ouverte et les victimes attendent toujours justice.

En septembre 2009, 157 personnes participant à un rassemblement pour protester contre l’intention de Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte au pouvoir, de se présenter à l’élection présidentielle ont été tuées par différents corps armés. Au moins 109 femmes ont été victimes de viols et d’autres violences sexuelles. Le rassemblement avait lieu dans le Stade du 28-Septembre à Conakry. Onze ans après ce massacre, la justice n’a toujours pas été rendue alors que l’enquête est terminée depuis novembre 2017. Un procès annoncé en juin 2020 n’a pas encore eu lieu tandis que plusieurs suspects inculpés occupent jusqu’à présent des postes à haute responsabilité.

Depuis l’élection du Président Alpha Condé en 2010, près de 200 personnes ont été tuées dans des manifestations. Le seul procès connu portant sur la mort d’un manifestant est celui d’un capitaine de police déclaré coupable et condamné en février 2019 à 10 ans d’emprisonnement pour avoir tué Thierno Hamidou Diallo, lors d’une marche de l’opposition en août 2016. Autrement, l’impunité dont jouie les forces de défense et sécurité a été maintenue jusqu’à ce jour. Les familles de récentes victimes de l’usage de force létale par la police désespèrent de voir la justice rendue.

Enquête sur la répression des manifestations en Guinée

NOS TRAVAUX SUR LES RÉCENTES RÉPRESSIONS CONTRE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION EN GUINÉE