Hongrie. Une nouvelle loi menace l’existence des ONG

Le nouveau projet de loi pénalisant les ONG qui « soutiennent l’immigration » est une attaque préoccupante et injustifiée contre la société civile, a déclaré Amnesty International.

Les ONG travaillant sur les questions de migration qui ne respecteraient pas les dispositions de cette loi risqueraient des amendes, une suspension, voire la dissolution. Le texte législatif présenté au Parlement le 13 février 2018 imposerait aux ONG qui « soutiennent l’immigration » d’obtenir un avis favorable des services de sécurité et une autorisation gouvernementale.

« Les tentatives à peine déguisées de jeter le discrédit sur certaines ONG prennent aujourd’hui la forme d’une véritable attaque frontale, menaçant l’existence même d’organisations qui font un travail crucial en Hongrie, dont Amnesty International », a déclaré Gauri van Gulik, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Europe.

Les tentatives à peine déguisées de jeter le discrédit sur certaines ONG prennent aujourd'hui la forme d'une véritable attaque frontale, menaçant l'existence même d'organisations qui font un travail crucial en Hongrie, dont Amnesty International.

Gauri van Gulik, directrice régionale d'Amnesty International pour l'Europe

« Cette loi donnerait au gouvernement carte blanche pour s’en prendre aux ONG au moindre prétexte. En réalité, ces propositions n’ont rien à voir avec la protection de la sécurité nationale ou des frontières. Elles visent simplement à museler celles et ceux qui aident les personnes dans le besoin et qui osent faire entendre leur voix. »

En vertu de cette loi, le gouvernement « identifierait » les ONG qui, selon lui, « soutiennent l’immigration ». Celles-ci devraient alors obtenir l’autorisation du ministre de l’Intérieur pour mener à bien leurs activités de base, notamment faire campagne, « influencer les tribunaux », préparer du matériel d’information, organiser des réseaux et recruter des bénévoles dans le but de parrainer, organiser ou soutenir de toute autre manière l’entrée et le séjour de personnes en quête d’une protection internationale. Le ministre de l’Intérieur demanderait ensuite aux services de sécurité nationale de rendre un avis. Cette procédure pourrait prendre jusqu’à neuf mois.  

Aux termes de ce nouveau texte de loi, les organisations devraient par ailleurs s’acquitter d’une taxe de 25 % sur tout financement en provenance de l’étranger destiné à « soutenir l’immigration », sous peine de s’exposer à des mesures extrêmement sévères. Les amendes exorbitantes risqueraient de provoquer leur faillite, puis leur dissolution.

Ces propositions sont contraires à l’obligation de la Hongrie, aux termes du droit international, de protéger les droits à la liberté d’association et d’expression ainsi que le droit de circuler librement.

« Nous appelons la Hongrie à retirer ce projet de loi. Par ailleurs, il est plus que temps que les dirigeants de l’Union européenne, qui ont jusqu’à présent fermé les yeux tandis que la Hongrie franchissait ligne rouge après ligne rouge, se décident enfin à agir concrètement pour mettre un terme à cette attaque contre la société civile », a déclaré Gauri van Gulik.

Nous combattrons cette loi discriminatoire et préjudiciable à tous les niveaux, de la rue jusqu'aux tribunaux, en Hongrie et au-delà.

Gauri van Gulik

« Nous combattrons cette loi discriminatoire et préjudiciable à tous les niveaux, de la rue jusqu’aux tribunaux, en Hongrie et au-delà. »

Complément d’information

On ignore encore si ce projet de loi suivra la procédure classique ou une procédure accélérée.

Une analyse plus détaillée sera disponible sur le site d’Amnesty International.

Les organisations visées par cette loi sont définies de la manière suivante (traduction non officielle) : « Aux termes de la présente loi, sont considérées comme organisations qui soutiennent l’immigration les associations et fondations enregistrées en Hongrie qui parrainent, organisent ou soutiennent de toute autre manière l’entrée ou le séjour d’étrangers en quête d’une protection internationale provenant d’un pays tiers sûr. »

Les dispositions de ce texte relatives à la sécurité nationale doivent obtenir une majorité des deux tiers au Parlement pour être adoptées. 

Une organisation qui ne recevrait pas l’autorisation nécessaire et poursuivrait néanmoins ses activités serait soumise à une procédure en trois étapes :

  1. un avertissement la mettant en demeure de respecter la loi et de cesser ses activités non autorisées, assorti de la suspension de son numéro d’identification fiscale ;
  2. une amende pouvant aller jusqu’à 5 800 euros par infraction à la loi ;
  3. la dissolution par un tribunal en cas de non-paiement de l’amende.

Ce nouveau projet de loi survient après l’entrée en vigueur, en juin 2017, de la Loi sur la transparence des organisations financées par des capitaux étrangers, en vertu de laquelle les organisations qui reçoivent des financements provenant d’autres pays que la Hongrie sont tenues de s’enregistrer auprès des pouvoirs publics. Celles qui ne respectent pas cette obligation sont passibles d’amendes et de sanctions pénales. Après son adoption, plusieurs ONG, dont Amnesty International Hongrie, ont annoncé qu’elles ne la respecteraient pas.