ONU. Le veto de la Russie et de la Chine à la résolution sur une saisine de la CPI pour la Syrie est «impitoyable»

En opposant jeudi 22 mai leur veto à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui proposait de saisir le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de la situation en Syrie, la Russie et la Chine ont affiché une effroyable indifférence à l’égard des innombrables victimes des violations graves des droits humains commises en Syrie, a déclaré Amnesty International. « Le veto russe et chinois est un acte politique impitoyable qui trahit la population syrienne durement éprouvée. La résolution aurait permis à la CPI d’ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par toutes les parties au conflit ; elle aurait lancé un message essentiel, le message que l’on ne peut pas commettre ces crimes horribles et rester impuni, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Une occasion décisive de mettre la justice en marche a été manquée. Une fois encore la Russie et la Chine ont sacrifié le peuple syrien au nom de la sauvegarde d’alliances politiques, et les membres du Conseil de sécurité n’ont pas réussi à s’unir pour faire intervenir la justice internationale en faveur des millions de civils qui souffrent en raison du conflit. Cet acte risque de conforter ceux qui commettent des crimes en toute impunité et constitue un nouveau manquement de la communauté internationale vis-à-vis du peuple syrien. Depuis le début de la crise, la Russie avait, comme la Chine, opposé son veto à trois résolutions du Conseil de sécurité sur la situation en Syrie. Ce nouveau veto est emblématique des défaillances du processus de décision du Conseil de sécurité et conduit à douter des capacités du Conseil à offrir de véritables perspectives de sécurité pour les civils et de justice, vérité et réparation pour les victimes du conflit en Syrie. Il avait fallu près de trois ans pour qu’une résolution des Nations unies sur la Syrie aborde le problème de l’effroyable crise humanitaire dans le pays. La résolution 2139, adoptée en février 2014, demandait un accès humanitaire immédiat et la fin des violations des droits humains. Deux mois plus tard on constate que les termes de cette résolution sont ouvertement bafoués. Amnesty International demande que le Conseil de sécurité prenne des mesures concrètes, par exemple impose des sanctions ciblées contre les personnes, quel que soit leur camp, responsables de crimes de droit international et qui ne font pas en sorte que la résolution soit mise en œuvre sur le terrain. Le siège de la vieille ville de Homs a été levé au mois de mai et on note une légère amélioration en ce qui concerne l’aide humanitaire, mais de nombreux autres civils demeurent assiégés. Environ 20 000 personnes vivent toujours en état de siège à Yarmouk, au sud de Damas, où, selon les recherches effectuées par Amnesty International, plus de 260 personnes sont mortes en raison du siège depuis que celui-ci a été durci, en juillet 2013. Au moins 70 ont trouvé la mort depuis l’adoption de la résolution, le 22 février 2014. Les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les actes de torture et les morts en détention – y compris aux mains des groupes armés – se sont poursuivis. La demande de libération de toutes les personnes enlevées ou détenues arbitrairement, y compris les prisonniers d’opinion, n’a elle non plus pas été suivie d’effet. « L’incapacité persistante du Conseil de sécurité à soulager la souffrance des civils syriens entame sa crédibilité et fait planer des doutes sur son aptitude à agir face à des violations graves des droits humains, a déclaré Philip Luther. « Pour espérer jouer de nouveau un rôle important dans la lutte contre l’impunité et les atteintes aux droits humains en Syrie, les membres du Conseil doivent intensifier leurs efforts pour faire appliquer les résolutions, rejeter l’instrumentalisation à des fins politiques et s’unir afin d’obtenir le respect des droits humains. »