Éthiopie. Arrestations dans le cadre d’une vague de répression contre les personnes critiques à l’égard du gouvernement

Les autorités éthiopiennes resserrent leur étau sur la liberté d’expression en menant une répression de grande ampleur qui a conduit ces deux derniers jours à l’arrestation de nombreuses personnes connues pour leur indépendance, leur voix dissidente ou leur opposition au régime, a déclaré Amnesty International. Six membres d’un groupe de blogueurs et de militants indépendants et un journaliste indépendant ont été arrêtés vendredi 25 avril. Un autre journaliste a été arrêté le 26 avril au matin. De plus, 20 membres du parti d’opposition Semayawi (« Bleu ») ont été arrêtés depuis le jeudi 24 avril. « Ces arrestations semblent n’être rien d’autre qu’une nouvelle chasse aux voix dissidentes ou indépendantes, a déclaré Claire Beston, spécialiste de l’Éthiopie à Amnesty International. « Elles s’inscrivent dans un schéma établi de longue date qui consiste à arrêter et à harceler des défenseurs des droits humains, des militants, des journalistes et des opposants politiques en Éthiopie. » Six membres du groupe de blogueurs et de militants indépendants Zone 9 ont été arrêtés le 25 avril à Addis-Abeba : Befeqadu Hailu, Atnaf Berahane, Mahlet Fantahun, Zelalem Kiberet, Natnael Feleke et Abel Wabela ont été interpelés à leur bureau ou dans la rue pendant l’après-midi. Ces six personnes ont d’abord été emmenées à leurs domiciles respectifs, où des perquisitions ont été réalisées, avant d’être conduites au centre d’enquête de la police fédérale, connu sous le nom de « Maikelawi », où les prisonniers politiques sont placés en détention provisoire, parfois de façon arbitraire. Le 25 avril vers la même heure, le journaliste indépendant Tesfalem Waldyes a aussi été arrêté. Une perquisition a été effectuée à son domicile avant qu’il ne soit emmené au Maikelawi. Une autre journaliste indépendante et amie du groupe Zone 9, Edom Kasaye, a été arrêtée le samedi 26 avril au matin. La police l’a accompagnée à son domicile, qui a été fouillé, puis l’a emmenée à Maikelawi. « Les détenus doivent être libérés immédiatement, à moins qu’ils ne soient inculpés d’une infraction pénale dûment reconnue par la loi, a déclaré Claire Beston. « Ils doivent aussi être autorisés sans délai à contacter leurs familles et leurs avocats. » Ces personnes sont détenues au secret. Des membres de leurs familles se seraient rendus au Maikelawi samedi 26 avril au matin. On leur aurait alors dit qu’ils pouvaient laisser de la nourriture pour leurs proches détenus mais on leur a interdit de les voir. Le groupe Zone 9 avait suspendu temporairement ses activités ces six derniers mois après avoir constaté un accroissement sensible de la surveillance et du harcèlement dont ses membres faisaient l’objet. Le 23 avril, il a annoncé par l’intermédiaire d’un réseau social que ses membres allaient reprendre leurs activités de blogueurs et de militants. Les arrestations ont eu lieu deux jours plus tard. On ignore, en revanche, ce qui a motivé l’arrestation de Tesfalem Waldyes mais ce journaliste est renommé pour ses observations indépendantes sur les questions politiques. Le parti politique d’opposition Semayawi a indiqué que plus d’une vingtaine de ses membres avaient été arrêtés les 24 et 25 avril. Il préparait une manifestation qui devait se dérouler le dimanche 27 avril. Il en avait dûment informé les autorités à Addis-Abeba et avait, semble-t-il, reçu une autorisation. Les membres du parti qui ont été arrêtés, parmi lesquels figure son vice-président, seraient détenus dans plusieurs postes de police disséminés dans toute la ville, notamment à Kazanchis (numéro 6), Gulele et Yeka. Le président du parti, Yilkil Getnet, aurait été arrêté mais libéré le vendredi 25 avril, tard dans la soirée. Au cours de l’année écoulée, le parti Semayawi a organisé plusieurs manifestations, qui ont donné lieu à plusieurs reprises à l’arrestation et au placement en détention d’organisateurs et de manifestants. En mars, sept femmes appartenant au parti Semayawi ont été arrêtées lors d’une course destinée à célébrer la Journée internationale des femmes à Addis-Abeba, après avoir scandé des slogans comme « Nous avons besoin de liberté ! Libérez les prisonniers politiques ! Nous avons besoin de justice ! Liberté ! Ne nous divisez pas ! » Elles ont été libérées sans inculpation au bout de 10 jours. « Il reste encore une année avant les élections législatives et le gouvernement éthiopien est en train d’éliminer ce qui l’empêche encore de museler totalement les libertés d’expression, d’opinion et de pensée dans le pays », a déclaré Claire Beston.