Zimbabwe. Le coup de filet de la police contre des membres présumés d’un gang met en danger des citoyens ordinaires

Amnesty International demande à la police zimbabwéenne d’agir avec mesure et de faire en sorte que la population ne soit pas mise en danger lors des opérations qu’elle mène actuellement contre des groupes de personnes soupçonnées d’implication dans des violences intervenues récemment à Harare. Le 12 septembre, la police a arrêté 308 personnes à la suite de heurts entre des soldats et des racketteurs qui contrôlent les stations de minibus. Compte tenu de la façon dont a été menée l’opération policière, sans discernement, Amnesty International pense que des citoyens qui n’ont rien à se reprocher pourraient figurer parmi les personnes arrêtées, qui courent un sérieux risque de subir des tortures. Des personnes présentes lors des faits ont indiqué que des passants avaient été pris dans le coup de filet et battus. Des agents des forces de police régulières, soutenus par des membres de la police antiémeutes et des policiers militaires, ont été vus en train de frapper des racketteurs présumés à Harare. « La tentative de la police zimbabwéenne visant à restaurer la loi et l’ordre n’a fait qu’ajouter au chaos et a mis directement en danger de simples citoyens. Les policiers arpentent les rues, frappent et distribuent les coups de fouet au hasard, ce qui est absolument inacceptable, a déclaré Noel Kututwa, directeur d’Amnesty International pour l’Afrique australe. « Le gouvernement doit intervenir immédiatement pour ramener à l’ordre les policiers. Les 308 personnes interpellées doivent être présentées sans attendre devant un tribunal. Les habitants arrêtés lors de l’opération de la police et qui n’ont rien à se reprocher doivent être remis en liberté immédiatement et sans condition. » Connus sous le nom de mandimbandimba, les racketteurs qui officient aux abords des terminaux de minibus seraient liés au gang Chipangano, de triste réputation. Ils ont la mainmise sur la plupart des stations de bus de Harare et extorquent de l’argent aux chauffeurs de minibus. Le Chipangano opère depuis plusieurs années et emploie la violence pour s’assurer le contrôle d’un grand nombre de petits services et commerces dans toute la capitale. Ce gang a des liens avec le parti du président Mugabe, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF). C’est pourquoi il bénéficie d’une relative impunité, alors qu’il est accusé de commettre des violences contre la population. Les heurts entre les racketteurs et l’armée ont commencé dans la semaine du 3 septembre, après que deux soldats eurent été frappés par certains de ces individus. Une vingtaine de militaires ont mené des attaques en représailles quelques jours plus tard. « Ce qui se passe à Harare n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les bandes organisées liées au parti du président Mugabe, la ZANU-PF, commettent en toute impunité des violations des droits humains contre leurs opposants politiques et contre les citoyens ordinaires, a déclaré Noel Kututwa. « Il faut s’attaquer de toute urgence à la culture de l’impunité qui prévaut au sein des forces de sécurité zimbabwéennes. Alors que l’on s’approche du référendum constitutionnel, puis des élections, une période où les tensions sont fortes, il est impératif que le Zimbabwe puisse compter sur des forces de maintien de l’ordre qui agissent dans le cadre des normes les plus élevées en matière d’impartialité. » Amnesty International demande aux responsables de la police et de l’armée de prendre immédiatement des mesures pour faire échec à la culture de l’impunité profondément enracinée chez les membres des forces de sécurité, et de mener une enquête sur tous les faits de collusion entre ces dernières et les bandes criminelles organisées. L’organisation reçoit régulièrement des informations faisant état de violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité contre des opposants au régime supposés et contre des citoyens ordinaires. Des policiers ont en outre été accusés d’avoir remis des criminels présumés à des membres du gang Chipangano, qui les auraient soumis à la torture avant de les livrer de nouveau à la police pour qu’ils soient placés en détention et inculpés. Note aux rédacteurs * Le gang Chipangano semble désormais échapper à tout contrôle. Ses chefs usent de leur pouvoir grandissant pour s’enrichir grâce à des activités non productives, principalement dans le township de Mbare. Ces dernières semaines, des dirigeants de la ZANU-PF, notamment le secrétaire à l’administration du parti, Didymus Mutasa, ont essayé de tenir la formation à distance du gang et de contenir les activités de ce dernier. L’un des chefs du gang a été récemment interrogé par la police, à la suite d’une fusillade visant des policiers municipaux qui étaient en train de démolir des commerces de voitures non autorisés. Il a été remis en liberté.