En Italie, les Roms restent soumis à la ségrégation, sans perspective de changement

Les lois, politiques et pratiques discriminatoires qui marginalisent les membres de la communauté rom en Italie doivent être modifiées de toute urgence, a déclaré Amnesty International dans un rapport publié le 12 septembre. Ce rapport, Marginalisation : expulsions forcées et ségrégation en Italie, dénonce l’incapacité permanente des autorités italiennes à faire respecter les droits des Roms. Il y a plus de dix mois que les lois d’urgence visant les Roms, dites « Urgence Nomades », ont été déclarées illégales par le plus haut tribunal administratif du pays. Pourtant, il n’a été accordé ni réparation ni recours effectif aux Roms dont les droits ont été bafoués au nom de l’état d’urgence imposé durant trois ans et demi. « Le gouvernement italien manque à ses obligations internationales comme à ses engagements auprès de la Commission européenne. Des enfants, des femmes et des hommes continuent d’être expulsés des camps où ils vivent, sans avoir été dûment consultés, sans avoir reçu de préavis ni de proposition de relogement Les personnes les plus touchées sont celles qui vivent dans des camps informels ; elles continuent d’être délogées de manière incessante », s’est indigné John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. « L’ouverture récente près de Rome du nouveau camp de La Barbuta, sur la base d’une séparation ethnique, illustre de manière criante que les autorités n’ont en rien changé leurs pratiques. » « Certes, le gouvernement de Mario Monti ne tient pas les mêmes propos désobligeants que ses prédécesseurs. Mais pour ce qui est des actes, on ne perçoit guère de différence. » Les promesses faites par le gouvernement de promouvoir l’égalité de traitement et d’améliorer les conditions de vie des Roms, inscrites dans la Stratégie nationale pour l’intégration des Roms présentée par l’Italie à l’Union européenne en février dernier, sont restées lettre morte : au cours de l’année, des centaines de Roms ont ainsi été expulsés de force, à Rome, à Milan, et se sont retrouvés sans abri. Les plans de démantèlement de camps autorisés ou « tolérés » se poursuivent, sans véritable consultation et sans les garanties légales appropriées. Les conditions de vie dans la plupart des camps autorisés demeurent très mauvaises ; elles sont pires encore dans les campements informels, où l’accès à l’eau, à des installations sanitaires et à l’électricité est très limité. La ségrégation ethnique reste très présente : un grande partie des Roms sont exclus des programmes de logements sociaux. Dans de nombreux cas, des expulsions forcées à répétition ont conduit les Roms à installer des abris faits de bric et de broc dans des lieux qui les exposent à des conditions d’une précarité extrême : accès très insuffisant à l’eau, aux installations sanitaires et à d’autres services, protection médiocre ou inexistante contre les intempéries, infestations de rats et de souris… « Je suis très choqué. Je vivais dans un camp autorisé, je travaillais, mes enfants allaient à l’école – maintenant je n’ai plus rien », raconteDaniel, installé depuis 12 ans en Italie. Il résidait avec sa famille dans le camp autorisé de Via Triboniano, à Milan, avant d’en être expulsé de force en mai 2010. Il vit actuellement dans un camp informel à Milan. D’après les chiffres des autorités municipales de Rome, plus de 850 personnes ont été expulsées de camps informels de la capitale au cours des six premiers mois de l’année 2012. Seules 209 d’entre elles – des mères et leurs enfants, dans tous les cas – se sont vu proposer des abris d’urgence. Ces abris n’ont été acceptés que par cinq mères et leurs neuf enfants, la majorité des personnes concernées refusant d’être séparées de leur famille. « En Italie, les Roms restent soumis à des obstacles bureaucratiques qui leur interdisent de prétendre à des logements sociaux, dont l’offre est déjà limitée », poursuit John Dalhuisen. « Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement italien co-organisait le sixième Forum urbain mondial, qui insistait justement sur la nécessité d’améliorer la qualité de vie. Il est grand temps que les autorités italiennes tiennent enfin compte de leurs obligations internationales ; elles doivent faire en sorte d’améliorer la qualité de vie des Roms vivant dans des camps autorisés ou informels, en leur fournissant un logement adéquat, qui leur revient de droit. Il faut permettre aux familles roms de s’intégrer, et ainsi devenir des membres à part entière de la société. » Amnesty International recommande également à la Commission européenne d’entamer contre l’Italie une procédure pour atteinte aux droits humains, en particulier, pour son non-respect du droit des Roms à un logement convenable, au titre de la directive de l’UE sur l’égalité raciale. Décisions de justice Il est permis d’espérer une amélioration de la situation des droits des Roms en Italie, à la suite de deux décisions de justice récentes portant sur des cas d’expulsions forcées et de ségrégation de membres de la communauté Rom. Le 31 juillet 2012, le maire de Rome avait ordonné la fermeture du camp de Tor de’ Cenci, où vivaient depuis 1996 des Roms originaires de Bosnie et de Macédoine ; la raison officiellement invoquée était le manque d’hygiène et les risques pour la santé des habitants de ce camp de la banlieue sud de la capitale. Mais les autorités n’ont fait que deux propositions de relogement.  Il s’agit des camps de La Barbuta et de Castel Romano, tous deux basés sur une ségrégation ethnique, et situés à distance importante de la ville — et donc coupés des services essentiels. À la suite d’une requête de quelques-unes des familles restées dans le camp de Tor de’ Cenci, le tribunal administratif du Lazio a prononcé le 27 août la suspension temporaire de l’ordre d’expulsion pris par le maire, en rappelant aux autorités qu’il est de leur responsabilité de maintenir des conditions d’hygiène et de sécurité adéquates dans le camp jusqu’à ce que le tribunal ait pu prendre une décision définitive quant aux expulsions. Entre-temps, de la fin du mois de juillet jusqu’au début du mois d’août 2012, 200 personnes environ ont été transférées de Tor de’ Cenci au camp de La Barbuta, une bande de terrain isolée située entre une voie de chemin de fer, le périphérique de Rome et les pistes de l’aéroport de Ciampino. Le 4 août 2012, le tribunal civil de Rome a accédé à la demande de plusieurs ONG locales, en ordonnant l’interruption, à titre de précaution, des nouveaux transferts de Roms à La Barbuta, le temps que soient examinées les plaintes concernant la nature discriminatoire des logements proposés dans le nouveau camp. Voir aussi : . The wrong answer – The ‘Nomad Plan’ violates Roma housing rights in Rome (11 mars 2010) ; . Italy: ‘Zero tolerance for Roma’ (29 novembre 2011) ; . Italy’s discriminatory treatment of the Roma breaches EU Race Directive (5 septembre 2012).