Colombie. Meurtre d’un dirigeant indigène sur fond de combats dans le Cauca

Les autorités colombiennes doivent mieux protéger les civils qui se trouvent de plus en plus entraînés dans le conflit armé colombien, a déclaré Amnesty International mercredi 15 août à la suite du meurtre d’un dirigeant indigène, commis le week-end précédent dans le Cauca (sud-ouest du pays).  Lisandro Tenorio, guérisseur traditionnel et chef spirituel du peuple indigène nasa, a été abattu par des hommes qui appartiendraient aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Il a été tué dimanche 12 août dans l’après-midi devant son domicile, dans la réserve de López Adentro (commune de Caloto).  Depuis des semaines, de violents affrontements opposaient les forces de sécurité colombiennes aux FARC sur les terres de communautés voisines. Ces affrontements ont fait plusieurs morts et de nombreux blessés parmi les civils, et ont entraîné le déplacement forcé de milliers de personnes.  Une coalition de dirigeants indigènes a appelé les troupes gouvernementales et les combattants des FARC à cesser les hostilités et à se retirer, après quoi certains de ses membres, dont Feliciano Valencia et Luis Acosta, ont été menacés de mort par des paramilitaires. Selon l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC), 54 membres de communautés autochtones ont été tués entre janvier et juillet 2012, les Nasas étant parmi les plus touchés. « Le récent homicide d’un dirigeant indigène nasa démontre une fois de plus que les civils vivant sur la ligne de front continuent de payer le lourd tribut des affrontements dans le Cauca, a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.  « Les autorités doivent diligenter une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur le meurtre de cet homme et d’autres personnes et sur les dernières menaces de mort à l’encontre de dirigeants de communautés et de militants ; et il faut qu’elles défèrent à la justice les responsables présumés de ces agissements. Elles doivent également s’acquitter de leur obligation, en vertu du droit international humanitaire, de protéger les civils mis en danger par le conflit armé. »  Après que l’Association des indigènes cabildos du Nord du Cauca (ACIN) a appelé le mois dernier à mettre fin aux combats, le ministre colombien de la Défense a affirmé que les FARC avaient infiltré le mouvement indigène. Comme les organisations de défense des droits humains et les syndicats locaux, l’ACIN était accusée de « défendre la guérilla ».  Amnesty International estime que ces déclarations ont exposé les communautés indigènes et, plus largement, l’ensemble de la population civile de la région à de nouvelles attaques dans un contexte déjà tendu. Le 10 août, la communauté afro-colombienne de La Toma (commune de Suárez) a été attaquée : des membres des FARC ont fait exploser une tour de communication après qu’un avion militaire a mitraillé une zone voisine. La communauté a été profondément bouleversée par ces événements, même si les combattants des FARC ont laissé la vie sauve à l’un de ses dirigeants – qui travaillait dans la tour.  Les deux parties au conflit armé qui déchire la Colombie de longue date se sont rendues responsables à maintes reprises de graves atteintes aux droits humains et de violations du droit international humanitaire.  Les défenseurs des droits humains, les syndicalistes et les communautés indigènes, paysannes et afro-colombiennes sont fréquemment victimes de menaces et d’attaques de la part des forces de sécurité et des paramilitaires, qui agissent souvent en collusion, ainsi que des groupes de guérilla.  « Aux termes du droit international humanitaire, tous les belligérants doivent respecter le droit des civils de ne pas être entraînés dans le conflit ni visés par des menaces ou des violences », a conclu Susan Lee.