La Russie doit rendre justice à Natalia Estemirova et à tous les autres militants assassinés

La Russie doit faire preuve de volonté politique et mettre un terme à l’impunité dont bénéficient les responsables d’homicides de militants des droits humains et de journalistes dans le Caucase du Nord, a déclaré Amnesty International samedi 14 juillet, trois ans après l’assassinat brutal de la militante Natalia Estemirova. Les responsables de l’enlèvement et du meurtre de Natalia Estemirova, assassinée à Grozny, en Tchétchénie, le 15 juillet 2009, n’ont toujours pas été traduits en justice. Depuis lors, d’autres militants de la société civile, avocats et journalistes indépendants ont été victimes d’actes d’intimidation, agressés ou tués en toute impunité. « Le fait que les meurtriers de Natalia Estemirova et d’autres défenseurs des droits humains dans le Caucase du Nord n’aient toujours pas été déférés à la justice ne peut s’expliquer que par l’absence totale de volonté politique d’en finir avec l’impunité pour de tels crimes », a indiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Bien que le Comité d’enquête russe ait déclaré à de multiples reprises que toutes les pistes seraient explorées, y compris celles qui pourraient compromettre des représentants de l’État dans le meurtre de Natalia Estemirova, il semble qu’aucune mesure constructive n’ait été prise en ce sens et que l’enquête piétine. « Force est de conclure que les autorités russes ont fait des promesses vides de sens qu’elles n’ont jamais eu l’intention d’honorer », a déploré John Dalhuisen. Parmi les militants visés ces derniers mois figurent des membres d’un groupe de défenseurs des droits humains russes « Joint Mobile Group » (Groupe mobile commun), qui ont commencé à travailler en Tchétchénie peu après le meurtre de Natalia Estemirova. Le 1er juin, alors qu’ils étaient invités à rencontrer de hauts responsables tchétchènes, les membres du Groupe mobile commun ont été la cible d’accusations et d’insultes. Les hauts responsables n’ont répondu à aucune des questions constructives qui leur ont été posées concernant, par exemple, le moyen d’améliorer l’efficacité des enquêtes pénales. Le 7 juillet, Igor Kaliapine, dirigeant du Comité interrégional contre la torture (CICT), ONG de défense des droits humains de premier plan, et cofondateur du Groupe mobile commun, a été menacé de poursuites judiciaires parce qu’il aurait dévoilé des informations confidentielles dans des articles publiés dans les médias en soutien aux victimes d’atteintes aux droits humains commises par des responsables de l’application des lois en Tchétchénie. Igor Kaliapine affirme qu’il n’a dévoilé aucun secret mais qu’il s’est contenté d’exposer l’absence d’enquêtes efficaces sur les graves violations des droits humains et de dénoncer le fait que les victimes n’obtiennent pas réparation auprès de la justice. C’est la troisième fois que les autorités tentent d’entamer des poursuites judiciaires contre Igor Kaliapine et de museler les activités de son ONG et du Groupe mobile commun. « Au lieu de protéger les militants des droits humains, les autorités russes lancent des campagnes de diffamation et cherchent à les intimider, non seulement en Tchétchénie, mais aussi dans d’autres régions de Russie, a indiqué John Dalhuisen. « Elles doivent éradiquer cette pratique et montrer au monde entier qu’elles veulent et peuvent remédier à la violence dont sont victimes les défenseurs des droits humains et les journalistes. » Complément d’information Natalia Estemirova, journaliste et militante de l’organisation russe de défense des droits humains Memorial, a été enlevée par des hommes armés devant le bâtiment où elle habitait à Grozny, en Tchétchénie, le 15 juillet 2009. Selon des témoins, elle a été embarquée dans une voiture. Son corps a été retrouvé quelques heures plus tard en Ingouchie, la république voisine. Elle avait été tuée par balles à bout portant. Bien que les autorités russes aient affirmé à de multiples reprises que l’affaire Estemirova était pratiquement résolue, l’enquête s’en tient de toute évidence à la thèse officielle selon laquelle la militante a été tuée par des insurgés tchétchènes qui ont voulu se venger après qu’elle eut dénoncé certains de leurs crimes. Le 14 juillet 2011, le centre des droits humains Memorial, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Novaya Gazeta ont publié un rapport sur les défaillances de l’enquête officielle. Les organisations ont par exemple constaté des incohérences dans les éléments de preuve recueillis dans la voiture qui aurait été utilisée lors des faits ; par ailleurs, les enquêteurs n’ont pas effectué de prélèvement d’ADN sur un nombre élargi de suspects en Tchétchénie, et n’ont pas voulu examiner le rôle possible de la police du district de Kourtchaloï, impliquée dans une exécution extrajudiciaire dénoncée par Natalia Estemirova quelques semaines avant sa mort.