Afghanistan. Un attentat ciblant un hôtel montre l’indifférence des talibans à la vie des civils

La mort de 15 civils lors d’une attaque menée par des talibans contre un hôtel proche de Kaboul nous rappelle de façon tragique les raisons pour lesquelles le gouvernement afghan doit œuvrer avec la Cour pénale internationale pour que tous les responsables présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Afghanistan soient traduits en justice, a déclaré Amnesty International. Le 21 juin au soir, des combattants talibans armés ont attaqué l’hôtel Spozhmai, sur les bords du lac Qargha, près de la capitale, prenant en otage des dizaines de clients et d’employés de l’hôtel. Au cours de l’affrontement de près de 12 heures qui s’est engagé alors, de nombreux échanges de coups de feu ont opposé les combattants talibans et les troupes afghanes, faisant au moins 20 morts, dont 15 civils. Jamais des violences n’avaient coûté la vie à autant de civils en Afghanistan depuis que les talibans ont attaqué l’hôtel Intercontinental à Kaboul il y a un an, faisant 22 victimes, là aussi presque toutes civiles. « Les attaques répétées et impudentes des talibans, qui s’en prennent à des civils, manifestent le plus complet dédain de la vie humaine et pourraient être assimilées à des crimes de guerre, qui devraient faire l’objet d’une enquête et de poursuites de la Cour pénale internationale, de même que certains crimes qui ont pu être commis par les troupes afghanes et celles de l’OTAN », a déclaré Catherine Baber, directrice par intérim du programme Asie et Pacifique d’Amnesty International. L’Afghanistan est depuis 2003 un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. « Le gouvernement afghan et ses partenaires internationaux ne doivent pas perdre de vue les droits humains dans leur recherche d’une réconciliation avec les talibans. D’éventuels accords de paix ne doivent pas comporter d’impunité pour les crimes de guerre et autres graves atteintes aux droits humains commis par toutes les parties au conflit », a-t-elle ajouté. Selon les données de l’ONU, les talibans sont responsables de la grande majorité des attaques contre des civils en Afghanistan : sur 3 021 morts de civils signalées l’an dernier, 77 % ont été attribuées à divers groupes d’insurgés, dont les talibans. Le 8 novembre 2011, le mollah Omar, chef des talibans, a ordonné aux combattants de protéger les civils et d’éviter de prendre pour cible des biens de caractère civil. Cette consigne semble n’avoir été qu’un stratagème de pure propagande, puisque, l’année dernière, le groupe armé a visé de plus en plus souvent des cibles non militaires, notamment des hôtels, de manière à accroître les pertes civiles. Amnesty International a recueilli des éléments sur le recours de plus en plus fréquent des talibans et d’autres groupes insurgés à des attaques suicides complexes dans des zones civiles densément peuplées – notamment des hôpitaux, des écoles, des hôtels et des mosquées – et sur la pratique qui consiste, pour ces combattants, à s’abriter derrière des civils qu’ils mettent sciemment en danger. Par ailleurs, les talibans et d’autres insurgés ont pris spécifiquement des femmes pour cible, tuant la directrice d’une école de filles en mai 2011, ainsi que des parlementaires femmes et des employées d’organisations humanitaires. Le droit international humanitaire – le droit des conflits armés – dispose que nul ne doit prendre pour cibles les civils, quelle que soit leur affiliation politique. « En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties à un conflit doivent protéger les civils et biens de caractère civil lorsqu’elles mènent leurs opérations militaires, a précisé Catherine Baber. « Les talibans le savent bien et font même référence à ce principe lorsque cela les avantage. Mais leur stratégie actuelle semble consister à violer systématiquement ces règles de droit en mettant des civils en danger et en provoquant de lourdes pertes humaines. » Note aux rédacteurs : Si vous souhaitez obtenir plus d’informations ou organiser un entretien, veuillez contacter Katya Nasim, attachée de presse d’Amnesty International pour la région Asie-Pacifique : [email protected] / + 44 7904 398 103. Horia Mosadiq, chercheuse sur l’Afghanistan, est disponible pour des entretiens avec la presse.