Les résidents de bidonvilles de toute l’Afrique disent aux gouvernements : « Nous vivons ici. »

Des milliers d’habitants de quartiers informels à travers l’Afrique ont uni leurs voix afin de se faire entendre par les ministres du Logement et les chefs d’État à l’occasion d’une semaine d’action préparée avec Amnesty International et des organisations partenaires. Des rassemblements publics auront lieu à N’Djamena (Tchad), à Accra (Ghana), à Nairobi (Kenya), à Port Harcourt (Nigeria), au Caire (Égypte) et à Harare (Zimbabwe), lors desquels des milliers de personnes parmi les plus pauvres et les plus défavorisées du monde demanderont ensemble que leurs gouvernements respectent leurs obligations en matière de droits humains en s’abstenant de les expulser de force de leur logement et en leur fournissant de meilleurs services, tels qu’un accès à l’eau potable et des écoles. « Dans les villes africaines, près de trois personnes sur quatre vivent dans des quartiers informels ou des bidonvilles », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. « Pourtant, lors des phases de planification urbaine, les autorités ne prennent pas ces populations en compte. Aujourd’hui, nous demandons aux gouvernements d’écouter ce que ces millions de personnes ont à dire. Elles leur hurlent : ” nous vivons ici “. »   « La plupart des personnes vivant dans les bidonvilles paient des impôts, votent, mettent leurs enfants à l’école et contribuent à la vie économique de la ville. Pourtant leur accès à des installations sanitaires, à l’eau potable, à l’éducation et à des soins de santé dignes de ce nom est retreint, voire inexistant, alors qu’il s’agit là de droits humains. » « Les gouvernements doivent concevoir des politiques du logement qui mettent l’accent sur les besoins des résidents des quartiers informels et qui garantissent leurs droits. » Les rassemblements organisés sur l’ensemble du continent coïncideront avec la Conférence ministérielle africaine du Logement et du Développement urbain (AMCHUD), qui doit se dérouler du 20 au 23 mars à Nairobi, au Kenya. Comme la société civile n’a pas été conviée à cette réunion cruciale, Amnesty International a invité les résidents de quartiers informels avec lesquels nous avons travaillé, au Ghana, au Kenya, au Nigeria et au Zimbabwe, à prendre part à un rassemblement parallèle au même endroit afin de représenter leur quartier et de faire part de leurs principales préoccupations et revendications. Une des violations des droits humains dont les résidents de quartiers informels et de bidonvilles sont le plus souvent victimes est l’expulsion forcée. Une expulsion forcée consiste à obliger des personnes à quitter contre leur volonté le domicile ou le terrain qu’elles occupent, sans aucune protection juridique ni autre garantie. Amnesty International a recensé de vastes opérations d’expulsions forcées à Nairobi, à Accra, à N’Djamena, à Port Harcourt, au Caire et à Harare, en plus d’autres villes et pays du continent. Les expulsions forcées peuvent avoir des conséquences dramatiques, en particulier pour les personnes qui vivent déjà dans la pauvreté. Les victimes d’une expulsion forcée ne perdent pas seulement leur foyer et leurs biens, mais aussi leurs moyens de subsistance, leurs réseaux sociaux et les services essentiels dont elles dépendent pour survivre. Elles luttent pour trouver de l’eau potable, de la nourriture et des toilettes. Elles luttent pour trouver du travail et des écoles pour leurs enfants. Et elles luttent pour reconstruire leur vie brisée, souvent sans aide ni soutien de la part des gouvernements qui leur ont arraché leur foyer. « Les expulsions forcées constituent une violation du droit à un logement convenable, que les gouvernements sont tenus de prévenir, chose dont ils s’abstiennent bien souvent », a poursuivi Erwin van der Borght. « Nous ne disons pas qu’aucune expulsion ne peut avoir lieu lorsqu’il faut aménager les zones concernées ou entreprendre des travaux de valorisation, mais certaines garanties – telles qu’une véritable consultation auprès des populations visées et que des mécanismes veillant à ce que nul ne se retrouve à la rue – doivent être respectées afin que ces personnes ne soient pas encore plus exposées aux violations des droits humains. » « Les expulsions ne doivent être qu’un dernier recours, après analyse de toutes les autres solutions possibles. » « Surtout, les gouvernements doivent se rappeler que les résidents de quartiers informels sont des êtes humains et que lorsque des logements sont détruits, des vies le sont également. La prochaine fois qu’ils permettent qu’un bidonville soit démoli sans respecter aucune garantie, ils doivent se souvenir que des gens vivent là. »