Les autorités pakistanaises doivent mieux protéger les minorités religieuses

Le gouvernement ne protège pas les minorités religieuses face aux campagnes de violence et de dénigrement systématiques, a déclaré Amnesty International jeudi 1er mars 2012, à l’occasion du premier anniversaire de l’assassinat du ministre des Minorités, Shahbaz Bhatti.

Seul membre chrétien du gouvernement fédéral et l’un des rares hommes politiques pakistanais de premier plan à réclamer la modification des lois controversées sur le blasphème, Shahbaz Bhatti a été tué par des hommes armés qui ont ouvert le feu sur sa voiture alors qu’il se rendait à son travail dans la capitale pakistanaise, Islamabad.

« Les autorités pakistanaises doivent honorer la mémoire de Shahbaz Bhatti en combattant la campagne systématique de dénigrement et d’agression menée contre les minorités », a déclaré Sam Zarifi, directeur du programme Asie et Pacifique d’Amnesty International.

 Après la mort de Shahbaz Bhatti, son frère, Paul Bhatti, a été nommé conseiller spécial du président sur la question des minorités religieuses, mais aucun nouveau ministre des Minorités n’a été désigné.

« En cette période difficile, ce poste est toujours vacant, ce qui témoigne tristement de l’inaction du gouvernement face à la violence persistante contre les minorités. »

Les talibans pakistanais ont revendiqué avoir assassiné Shahbaz Bhatti en raison de ses critiques sur les lois nationales contre le blasphème. Les sanctions pénales prévues par ces lois datant de l’ère britannique, amendées dans les années 1980 sous le gouvernement du général Zia ul Haq, rendent la profanation du Coran et celle du prophète Mahomet passibles respectivement de la détention à perpétuité et de la peine de mort. Parmi les personnes accusées de blasphème, les membres de minorités religieuses sont représentés de façon disproportionnée, même si les musulmans appartenant au courant dominant demeurent majoritaires, ce qui met en évidence le danger que ces lois représentent pour l’ensemble des Pakistanais et pour l’état de droit.

« Une année a passé depuis l’assassinat de Shahbaz Bhatti, mais les auteurs de ce crime sont toujours en liberté et rien n’indique qu’ils pourraient être traduits en justice prochainement. “

 En 2009, un an après avoir pris la suite du général Pervez Musharraf à la tête de l’État, le gouvernement actuel s’était engagé à revoir les « lois qui nuisent à l’harmonie religieuse », dont les lois sur le blasphème. Cependant, après l’assassinat de l’ancien gouverneur du Pendjab, Salmaan Taseer, en janvier 2010 par un de ses propres gardes du corps pour avoir critiqué les lois sur le blasphème, le sujet n’a plus été abordé.

« Après l’assassinat de Salmaan Taseer, le ministre Bhatti est resté ferme dans ses critiques », a déclaré Sam Zarifi.

« Depuis sa mort, le gouvernement pakistanais a cédé aux intimidations et reste silencieux. Les autorités pakistanaises doivent briser ce silence et dénoncer ceux qui cherchent à faire du mal aux autres en raison de leur religion. »

Cette année, une coalition d’extrémistes et de groupes militants religieux a appelé ouvertement à assassiner les musulmans chiites et certains musulmans soufis, les ahmadis et les chrétiens, et a tenu d’importants rassemblements dans plusieurs grandes villes du pays.

 Mardi 28 février 2012, 18 musulmans chiites ont été sauvagement abattus dans le district de Kohistan, au nord-ouest du Pakistan. Les auteurs de cette attaque ont arrêté le bus dans lequel ils se trouvaient et les ont séparés des autres passagers en raison de leur religion.

Le gouvernement pakistanais doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger ses citoyens quelle que soit leur religion, en particulier quand certains parlent ouvertement de commettre des violences à leur encontre.

« L’absence de poursuites contre les assassins de Shahbaz Bhatti ou de protection des plus vulnérables face à la violence tandis que des groupes extrémistes appellent publiquement à les tuer donne aux auteurs de ces actes une sensation d’impunité tant qu’ils commettent leurs crimes sous couvert de protection des sentiments religieux, même quand ils s’en prennent à des membres haut-placés du gouvernement », a déclaré Sam Zarifi.

« La violence contre les minorités religieuses entraîne un effondrement de l’état de droit et accroît les tensions au sein de la très plurielle société pakistanaise. »

« Le gouvernement pakistanais doit prendre de toute urgence des mesures concrètes pour améliorer la qualité des enquêtes de police, et réformer les lois comme celles sur le blasphème qui favorisent la violence contre les minorités religieuses. »